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Direction de la séance

Projet de loi

Sécurité quotidienne

(Nouvelle lecture)

(n° 420 (2000-2001) , 7 )

N° 73

15 octobre 2001


 

AMENDEMENT

présenté par

C Favorable
G Favorable
Adopté

Le Gouvernement


ARTICLE ADDITIONNEL APRÈS ARTICLE 6 TER


Après l'article 6 ter, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. L'article 421-1 du code pénal est complété par deux alinéas ainsi rédigés :
« 6° Les infractions de blanchiment prévues au chapitre IV du titre II du livre III du présent code ;
« 7° Les délits d'initié prévus à l'article L. 465-1 du code monétaire et financier. »

II. Il est inséré, après l'article 421-2-1 du code pénal, un article 421-2-2 ainsi rédigé :
« Art. 421-2-2 . - Constitue également un acte de terrorisme le fait de financer une entreprise terroriste en fournissant, en réunissant ou en gérant des fonds, des valeurs ou des biens quelconques ou en donnant des conseils à cette fin, dans l'intention de voir ces fonds, valeurs ou biens utilisés ou en sachant qu'ils sont destinés à être utilisés, en tout ou partie, en vue de commettre l'un quelconque des actes de terrorisme prévus au présent chapitre, indépendamment de la survenance éventuelle d'un tel acte. »

III. L'article 421-5 du code pénal est ainsi modifié :
1° Au premier alinéa, les mots : « L'acte de terrorisme défini à l'article 421-2-1 est  puni » sont remplacés par les mots : « Les actes de terrorisme définis aux articles 421-2-1 et 421-2-2 sont punis ».
2° Il est inséré, après le premier alinéa, un alinéa ainsi rédigé :
« La tentative du délit défini à l'article 421-2-2 est punie des mêmes peines. »
3° Au dernier alinéa, les mots : « au délit prévu » sont remplacés par les mots : « aux délits prévus. »

IV. Il est inséré, après l'article 422-5 du code pénal, deux articles 422-6 et 422-7 ainsi rédigés :
« Art. 422-6 . - Les personnes physiques ou morales reconnues coupables d'actes de terrorisme encourent également la peine complémentaire de confiscation de tout ou partie de leurs biens quelle qu'en soit la nature, meubles ou immeubles, divis ou indivis.
« Art. 422-7 . - Le produit des sanctions financières ou patrimoniales prononcées à l'encontre des personnes reconnues coupables d'actes de terrorisme est affecté au fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d'autres infractions. »

V. L'article 706-17 du code de procédure pénale est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« L'instruction des actes de terrorisme définis aux 5° à 7° de l'article 421-1 du code pénal et à l'article 421-2-2 de ce même code peut être confiée, le cas échéant dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 83, à un magistrat du tribunal de grande instance de Paris affecté aux formations d'instruction spécialisées en matière économique et financière en application des dispositions du dernier alinéa de l'article 704. »

VI. Il est inséré, après l'article 706-24-1 du code de procédure pénale, un article 706-24-2 ainsi rédigé :
« Art. 706-24-2 . - En cas d'information ouverte pour une infraction entrant dans le champ d'application de l'article 706-16 et afin de garantir le paiement des amendes encourues ainsi que l'exécution de la confiscation prévue à l'article 422-6 du code pénal, le juge des libertés et de la détention peut, sur requête du procureur de la République, ordonner, aux frais avancés du Trésor et selon les modalités prévues par le code de procédure civile, des mesures conservatoires sur les biens de la personne mise en examen.
« La condamnation vaut validation des saisies conservatoires et permet l'inscription définitive des sûretés.
« La décision de non-lieu, de relaxe ou d'acquittement emporte de plein droit, aux frais du Trésor, mainlevée des mesures ordonnées. Il en est de même en cas d'extinction de l'action publique.
« Pour l'application des dispositions du présent article, le juge des libertés et de la détention est compétent sur l'ensemble du territoire national. »

VII. Après l'article 689-9 du code de procédure pénale, il est inséré un article 689-10 ainsi rédigé, qui sera applicable à la date d'entrée en vigueur de la convention internationale pour la répression du financement du terrorisme ouverte à la signature à New-York, le 10 janvier 2000 :
« Art. 689-10 . - Pour l'application de la convention internationale pour la répression du financement du terrorisme, ouverte à la signature à New-York le 10 janvier 2000, peut être poursuivie et jugée dans les conditions prévues à l'article 689-1 toute personne coupable d'un crime ou d'un délit défini par les articles 421-1 à 421-2-2 du code pénal lorsque cette infraction constitue un financement d'actes de terrorisme au sens de l'article 2 de ladite convention. »
VIII. L'article L. 465-1 du code monétaire et financier est ainsi modifié :
1° Au deuxième alinéa, les mots : « de six mois d'emprisonnement et de 100 000 francs d'amende » sont remplacés par les mots : « d'un an d'emprisonnement et de 150 000 € d'amende ».
2° Après le deuxième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Est puni d'un an d'emprisonnement et d'une amende de 150 000 € dont le montant peut être porté au delà de ce chiffre, jusqu'au décuple du montant du profit réalisé, sans que l'amende puisse être inférieure à ce même profit, le fait pour toute personne autre que celles visées aux deux alinéas précédents, possédant en connaissance de cause des informations privilégiées sur la situation ou les perspectives d'un émetteur dont les titres sont négociés sur un marché réglementé ou sur les perspectives d'évolution d'un instrument financier admis sur un marché réglementé, de réaliser ou de permettre de réaliser, directement ou indirectement, une opération ou de communiquer à un tiers ces informations, avant que le public en ait connaissance. Lorsque les informations en cause concernent la commission d'un crime ou d'un délit, les peines encourues sont portées à sept ans d'emprisonnement et à 1 500 000 € si le montant des profits réalisés est inférieur à ce chiffre. »

 

 

 

Objet

 L'internationalisation croissante du terrorisme et les moyens développées par les organisations qui le soutiennent ou le dirigent imposent la définition de nouveaux instruments de lutte destinés notamment à atteindre les systèmes économiques et financiers qui lui sont liés.

Il est donc nécessaire de compléter le dispositif de lutte antiterroriste en incriminant le financement, le blanchiment et le délit d'initié lorsqu'ils sont commis en relation avec une entreprise terroriste, ce qui permet de renforcer l'efficacité et la cohérence du dispositif existant en adaptant les peines à la gravité des actes commis ou projetés et en couvrant les différentes activités en lien avec des actes de terrorisme.

Il est apparu en outre que ces dispositions initialement rattachées à un autre projet de loi pouvaient mieux trouver leur place dans les amendements du Gouvernement déposés dans le cadre du projet de loi relatif à la sécurité quotidienne visant à renforcer la lutte contre le terrorisme.

I. Il est nécessaire de compléter la liste des infractions prévues à l'article 421-1 du code pénal qui peuvent constituer des actes de terrorisme, lorsqu'elles sont intentionnellement en relation avec une entreprise individuelle ou collective ayant pour but de troubler l'ordre public par l'intimidation ou la terreur, par un renvoi aux infractions de blanchiment réprimées par le code pénal et aux délits d'initiés prévus au projet d'article L 465-1 du code monétaire et financier.

Inséré dans le chapitre du code pénal relatif aux actes de terrorisme, ce texte permet de rassembler les infractions et d'aggraver les peines encourues pour des opérations qui, en s'associant à des actes qui portent une atteinte exceptionnelle à la sécurité publique, revêtent un caractère particulièrement odieux en même temps qu'elles confèrent aux actes de terrorisme une dimension crapuleuse.

II. L'introduction de l'incrimination autonome de financement du terrorisme doit permettre de poursuivre directement les personnes qui favorisent, par l'apport de fonds, les activités de terrorisme, ainsi que les personnes, notamment les intermédiaires et les conseillers financiers, qui participent délibérément au recueil des fonds, à leur gestion, à leur dissimulation et à leur transfèrement.

Sans qu'il soit nécessaire de se référer à la notion de complicité, cette infraction permettra également de sanctionner en amont les personnes qui apportent un soutien matériel à des entreprises terroristes, et permettra de poursuivre les personnes qui les assistent ou qui interviennent dans cette activité de financement.

III. L'article 421-5 est complété pour prévoir la répression (1 an d'emprisonnement) du délit de financement du terrorisme et de sa tentative.

IV. L'article 422-6 du code pénal proposé permettra la confiscation du patrimoine des personnes condamnées pour des actes de terrorisme, peine complémentaire qui existe déjà en matière de crime contre l'humanité et de trafic international de stupéfiants, et qu'exige la convention pour les actes de financement du terrorisme.

Cette disposition est justifiée par la gravité intrinsèque des actes de terrorisme dont la répression doit pouvoir bénéficier des mécanismes déjà en vigueur pour d'autres types d'infractions extrêmement graves commises le cas échéant au plan international.

L'article 422-7 du code pénal proposé prévoit d'affecter le produit des condamnations prononcées contre les auteurs d'actes terroristes au Fonds de Garanties des victimes, conformément à l'article 8 § 4 de la convention contre le financement du terrorisme.

V. Il convient d'énoncer la possibilité de désigner conjointement des magistrats spécialisés dans le domaine économique et financier et des magistrats spécialisés dans le domaine de la lutte contre le terrorisme, afin de renforcer l'efficacité de la poursuite des infractions de blanchiment, de délit d'initié en relation avec une entreprise terroriste et l'infraction de financement du terrorisme nouvellement créées.

VI. Il convient de permettre le plus tôt possible, et à tout le moins au cours d'une procédure d'instruction, de geler sous le contrôle d'un magistrat du siège indépendant, dans un premier temps à titre conservatoire les biens d'une personne ou d'une organisation poursuivie pour des actes de terrorisme, qui par leur nature souvent internationale pourraient être soustraits à l'action de la justice. Ce mécanisme permettra ensuite le paiement des amendes ou l'exécution de la peine de confiscation, comme en matière de trafic de stupéfiants et de blanchiment, et comme le préconise la convention.

L'article 706-24-2 du code de procédure pénale proposé permet ainsi que régler automatiquement le sort des biens et avoirs qui auraient été initialement saisis.

VII. Comme annoncé dans le projet de loi de ratification de la convention, il est prévu un nouveau cas de compétence universelle des juridictions françaises pour les infractions commises à l'étranger exclusivement lorsque la personne est découverte en France.

VIII. Il convient de compléter la définition du délit d'initié pour réprimer le "manquement d'initié", qui ne constitue en l'état une infraction pénale que s'il est commis par un professionnel.

Cette extension permettra de réprimer les opérations d'initié commises par les auteurs d'un crime ou d'un délit ou par les personnes qui auront été préalablement informées de telles infractions, dont la commission a pour conséquence d'entraîner une modification du marché. Dans ce cas, les peines sont portées à sept ans d'emprisonnement et à un million cinq cent mille euros.

S'il s'agit d'actes de terrorisme, le délit d'initié deviendra lui-même un acte de terrorisme, et l'emprisonnement sera alors porté à dix ans.

Cette extension permet à la France de se mettre de façon anticipée en conformité avec la proposition de directive du Parlement européen et du Conseil sur les opérations d'initié et les manipulations de marché.