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Direction de la séance

Projet de loi

Bioéthique

(1ère lecture)

(n° 189 (2001-2002) , 128 )

N° 95

24 janvier 2003


 

AMENDEMENT

présenté par

C Favorable
G Favorable
Adopté

Le Gouvernement


ARTICLE 12 BIS


Rédiger ainsi cet article :
Le code de la propriété intellectuelle est ainsi modifié :
I - L'article L. 611-17 du code de la propriété intellectuelle est ainsi modifié :
1°) Le deuxième alinéa (a) de cet article est supprimé. En conséquence le b) et le c) deviennent respectivement le
 a) et le b).
2°) Au début de cet article, il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« Ne sont pas brevetables les inventions dont l'exploitation commerciale serait contraire à la dignité de la personne humaine, à l'ordre public ou aux bonnes mœurs, cette contrariété ne pouvant résulter du seul fait que cette exploitation est interdite par une disposition législative ou réglementaire. » ;
II - Il est inséré, après l'article L. 611-17 du même code, les articles L. 611-18 et L. 611-19 ainsi rédigés :
« Art. L. 611-18 - Ne peuvent constituer des inventions brevetables, le corps humain, aux différents stades de sa constitution et de son développement, ainsi que la simple découverte d'un de ses éléments, y compris la séquence ou séquence partielle d'un gène.

« La protection par brevet d'une invention constituant l'application technique d'une fonction d'un élément du corps humain ne couvre cet élément qu'en tant qu'il permet cette application particulière, qui doit être concrètement et précisément exposée dans la demande de brevet.
« Art. L. 611-19 -
 Ne sont notamment pas brevetables :
« a) les procédés de clonage des êtres humains ;
« b) les procédés de modification de l'identité génétiques de l'être humain ;
« c) les utilisations d'embryons humains à des fins industrielles et commerciales ;
« d) les séquences totales ou partielles d'un gène prises en tant que telle ».
III - Il est inséré, après l'article L. 613-2 du même code, un article L. 613-2-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 613-2-1. - La portée d'une revendication couvrant une séquence génique est limitée à la partie de cette séquence directement liée à la fonction spécifique concrètement exposée dans la description.
« Les droits créés par la délivrance d'un brevet incluant une séquence génique ne peuvent être invoqués à l'encontre d'une revendication ultérieure portant sur la même séquence si cette revendication satisfait elle-même aux conditions de l'article L. 611-18 du code de la propriété intellectuelle et qu'elle expose une autre application particulière de cette séquence. »
IV - Un rapport d'évaluation des conséquences juridiques, économiques, éthiques et de santé publique de l'application du présent article sera présenté au Parlement dans un délai de 3 ans à compter de la promulgation de la présente loi.

Objet

La représentation nationale a voté à l'unanimité en première lecture un article 12 bis nouveau affirmant le principe qu'un élément isolé du corps humain ou autrement produit par un procédé technique, y compris lorsqu'il s'agit d'une séquence génique, ne peut constituer une invention brevetable. Elle a ainsi clairement voulu s'opposer à la brevetabilité des éléments du corps humain inscrite dans l'article 5, paragraphe 2 de la directive 98/44 portant protection juridique des inventions biotechnologiques, non encore transposée dans notre droit.
Bien que le Gouvernement soit réservé quant à la rédaction de certaines dispositions de l'article 5 et qu'il compte agir au niveau communautaire pour en lever toutes les ambiguïtés et obtenir des garanties éthiques, il ne peut laisser subsister cette disposition contraire à la directive et qui ne pourrait de ce fait trouver à s'appliquer.
C'est pourquoi, il est proposé un amendement remettant à plat les dispositions de l'article L. 611-17 et créant les articles L. 611-18 et L. 611-19 dans le code de la propriété intellectuelle de façon à mettre en exergue le caractère non brevetable d'une part, des inventions dont l'exploitation serait contraire à la dignité de la personne humaine, à l'ordre public ou aux bonnes mœurs, et d'autre part des séquences totales ou partielles d'un gène prises en tant que telles, conformément à la lettre et à l'esprit de la directive.
Les conditions selon lesquelles un élément du corps humain peut toutefois être l'objet d'une protection par brevet, sont dorénavant strictement encadrées par l'article L. 611-18 nouveau et s'inspirent largement de l'arrêt délivré par la Cour de Justice des Communautés européennes le 9 octobre 2001 à propos de la directive 98/44. Ainsi, l'article L. 611-18 précise qu'un élément du corps humain peut faire l'objet d'une protection par un brevet d'invention dans la seule mesure où il est vraiment utile et nécessaire à la mise en œuvre de l'application technique pour laquelle le brevet est demandé. L'application technique doit en outre être concrètement et précisément exposée dans la demande de brevet.
En complément de ces dispositions, et afin de protéger les séquences géniques contre toute appropriation, il est créé un article L. 613-2-1 disposant que les revendications brevetaires d'un premier inventeur sur une séquence génique ne peuvent faire en aucun cas obstacle à une revendication ultérieure portant sur la même séquence si cette dernière est également utile et nécessaire à une application technique, concrètement exposée, différente de la première. De cette manière, le second brevet devient entièrement indépendant du premier et non soumis à licence de dépendance et au paiement de redevances. Quant aux séquences géniques, elles sont par principe toujours disponibles pour toute nouvelle application diagnostique ou thérapeutique qui serait inventée.
L'ensemble de ce dispositif s'accompagne par ailleurs du renforcement du régime des licences obligatoires dites de « dépendance » et des licences d'office prises dans l'intérêt de la santé publique qui vous sera proposé dans le cadre de l'amendement présenté par le Gouvernement portant création de l'article 12 ter.
Le présent amendement prévoit enfin qu'un rapport d'évaluation des conséquences juridiques, économiques, éthiques et de santé publique de l'application du présent article sera présenté au Parlement dans un délai de 3 ans à compter de la promulgation de la présente loi.