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Direction de la séance

Projet de loi

de programme pour l'outre-mer

(Commission Mixte Paritaire)

(n° 360 )

N° 1

25 juin 2003


 

AMENDEMENT

présenté par

C Favorable
G Favorable
Adopté

Le Gouvernement


ARTICLE 47


Rétablir cet article dans la rédaction suivante :

Le titre VI de la loi n° 2001-616 du 11 juillet 2001 relative à Mayotte est ainsi modifié :

1°) Après l'article 52, sont insérés les articles 52-1 à 52-4 ainsi rédigés :

« Art. 52-1. - Le statut civil de droit local régit l'état et la capacité des personnes, les régimes matrimoniaux, les successions et les libéralités.

« L'exercice des droits, individuels ou collectifs, afférents au statut civil de droit local ne peut, en aucun cas, contrarier ou limiter les droits et libertés attachés à la qualité de citoyen français.

« En cas de silence ou d'insuffisance du statut civil de droit local, il est fait application, à titre supplétif, du droit civil commun.

« Les personnes relevant du statut civil de droit local peuvent soumettre au droit civil commun tout rapport juridique relevant du statut civil de droit local. 

« Art. 52-2. - Nul ne peut contracter un nouveau mariage avant la dissolution du précédent.

« Le présent article n'est applicable qu'aux personnes accédant à l'âge requis pour se marier au 1er janvier 2005.

« Art. 52-3. - Le mariage est dissous par le décès de l'un des conjoints ou le divorce ou la séparation judiciairement prononcée.

« La rupture unilatérale de la vie commune par l'un des époux est une cause de divorce. 

« Les époux sont égaux dans les conditions et les effets de la dissolution du mariage.

« Cette disposition n'est applicable qu'aux personnes accédant à l'âge requis pour se marier au 1er janvier 2005.

« Art. 52-4. - Est interdite toute discrimination pour la dévolution des successions qui serait contraire aux dispositions d'ordre public de la loi. 

« Le présent article est applicable aux enfants nés après la promulgation de la loi n°    -    du         de programme pour l'outre-mer. »

2° L'article 61 est ainsi rédigé :

« Art. 61. - La juridiction compétente à Mayotte pour connaître des instances auxquelles sont parties des personnes relevant du statut civil de droit local applicable à Mayotte et ayant entre elles des rapports juridiques relatifs à l'état et à la capacité des personnes, aux régimes matrimoniaux, aux successions et aux libéralités, est, selon la volonté des parties, soit le tribunal de première instance, soit le cadi. »

3° L'article 63 est abrogé.

Objet

Les Mahorais qui relèvent du statut civil personnel de droit local échappent aux règles du code civil.

En effet, le statut civil personnel de droit local est garanti aux Mahorais par l'article 75 de la Constitution – qui a succédé sur ce point aux articles 81 et 82 de la Constitution de 1946. Ce statut personnel n'existe plus désormais qu'en Nouvelle-Calédonie, à Wallis et Futuna et à Mayotte. Nul ne peut en être privé sans une renonciation expresse, formulée à titre individuel : il n'est donc pas possible de vider le statut de son contenu, ni de contraindre quiconque, par voie de mesure générale, à son abandon. Pour autant, le contenu du statut civil personnel peut évoluer : ainsi, des ordonnances du 8 avril 2000 ont pu modifier, pour Mayotte les règles relatives à l'état civil, à l'âge requis pour le mariage ou à  la détermination du nom et du prénom. En outre, la loi du 11 juillet 2001 relative à Mayotte a précisé les règles de conciliation du statut civil de droit local avec celui de droit commun, et les modalités de la renonciation. Par ailleurs,  les principales dispositions du contenu du statut personnel résultent des délibérations de la  Chambre des députés du territoire d'outre-mer des Comores adoptées après la promulgation de la Constitution, qui renvoient à divers traités de doctrine musulmane chaféite, en particulier au « Minhadj At Talibin », un texte du XIIIème siècle. C'est dire que le statut civil personnel de droit local n'est pas immuable, et que le Législateur peut le faire évoluer.

Certains aspects du statut personnel – tels la polygamie, la répudiation unilatérale de la femme par son mari ou l'inégalité des enfants devant l'héritage - ne sont plus admissibles, parce qu'incompatibles avec les principes républicains. Même pratiqués par une minorité, ils doivent être désormais interdits pour l'avenir : le présent amendement se propose donc d'y mettre fin, progressivement et sans porter atteinte aux situations en cours. Il en résultera un progrès certain pour la condition de nos concitoyennes mahoraises et, plus généralement, pour la place de Mayotte au sein de la République :

1° Ainsi, il est d'abord proposé de borner le champ d'application du statut personnel de droit local à l'état et à la capacité des personnes, aux régimes matrimoniaux, aux successions et aux libéralités, à l'exclusion de tout autre secteur de la vie sociale. Il convient de rappeler en outre que ce statut personnel ne peut limiter les droits des citoyens.

2° Par ailleurs, il est proposé d'interdire la polygamie pour les personnes qui accèderont à l'âge requis pour se marier (18 ans pour les hommes et 15 ans pour les femmes) à compter du premier janvier 2005.

3° De même, la répudiation unilatérale de la femme par son époux sera désormais interdite, dans les mêmes conditions d'entrée en vigueur : le mariage ne pourra être dissous que par le mariage, par le divorce ou par la séparation judiciairement prononcée.

4° Les discriminations entre enfants devant l'héritage, fondées sur le sexe ou sur le caractère légitime ou naturel de la naissance, seront prohibées pour les enfants nés après la promulgation de la loi de programme, lorsqu'elles sont contraires à l'ordre public.

Il reviendra naturellement aux juges de donner aux principes énoncés ci-dessus leur pleine effectivité : ils devront, à cette fin, combiner les nouveaux articles de la loi du 11 juillet 2001 avec les autres dispositions du statut personnel : c'est donc la jurisprudence qui fixera les modalités d'application de ces réformes, dans le respect de l'autonomie du droit local.

5° Par ailleurs, il importe de donner aux Mahorais soumis au statut personnel le droit de choisir devant quelle juridiction – celle de droit commun ou le cadi – ils entendent porter les litiges relatifs à ce statut : le recours à la justice cadiale deviendra donc optionnel. Ainsi sera garant l'égal accès aux tribunaux de la République, dont les Mahorais soumis au statut personnel étaient écartés.

6° Enfin, le comité de réflexion sur le statut personnel créé par l'article 63 de la loi du 6 juillet 2001 n'a plus, pour le moment, d'utilité avérée : il peut donc être supprimé. S'agissant d'une disposition de nature réglementaire indûment insérée dans une loi, sa suppression n'interdit pas que soit recréée, si le besoin s'en faisait sentir, telle ou telle instance de réflexion sur le statut personnel à Mayotte. Le Gouvernement n'en exclut pas la possibilité.