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Direction de la séance

Projet de loi

Communications électroniques

(1ère lecture)

(URGENCE)

(n° 215 , 244 , 249)

N° 136 rect.

13 avril 2004


 

AMENDEMENT

présenté par

C
G  
Retiré

Mme LUYPAERT et M. Paul BLANC


Article 18

(Art. L. 38-1 du code des postes et télécommunications)


Rédiger ainsi le second alinéa du II du texte proposé par cet article pour l'article L. 38-1 du code des postes et télécommunications :

« Elles ne sont pas applicables aux marchés émergents, notamment ceux créés par l'innovation technologique, sauf s'il est porté atteinte aux objectifs mentionnés à l'article L. 32-1. En ce cas, elles ne peuvent être établies que par une décision motivée prise dans un délai de quinze jours après avis du Conseil de la concurrence. Ce délai peut être renouvelé une fois sur demande motivée de l'autorité, du Conseil de la Concurrence ou de la Commission européenne.

Objet

L'article 38-1 nouveau (article 18 du projet de loi) prévoit que les opérateurs réputés exercer une influence significative sur un marché de détail (en France, il s'agit de l'opérateur historique) peuvent se voir imposer des obligations. Il s'agit d'une disposition phare du nouveau cadre réglementaire mais qu'il importe d'améliorer sensiblement sur plusieurs points. L'amendement proposé est de nature à permettre une meilleure conformité de cet article avec les directives européennes.

Il faut rappeler au préalable que le développement de la concurrence a été bénéfique aux consommateurs, mais aussi notamment aux marchés publics (ministères, administrations, collectivités territoriales, autres collectivités publiques), aux entreprises, associations, grâce notamment à d'importantes baisses de prix et grâce à l'innovation sur les tarifs, les services et les technologies. La concurrence stimule l'innovation, ayant déjà permis l'émergence de nouveaux services et de nouvelles approches tarifaires favorables aux clients finaux. La concurrence dans la téléphonie fixe n'est cependant pas encore équilibrée ni durable : l'ouverture à la concurrence date de 1998 mais l'opérateur historique détient toujours près de 90 % du marché en valeur, compte tenu de son monopole sur l'abonnement et des charges d'interconnexion qui lui sont reversées par les opérateurs alternatifs. Par ailleurs, France Télécom détient encore 90 % du marché de gros et 60 % du marché de détail de l'accès à internet par ADSL. A l'inverse des autres acteurs, les activités nationales de France Télécom demeurent très bénéficiaires.

Vu la fragilité de la concurrence en France, il est important de maintenir les obligations telles que prévues par les directives pour les opérateurs réputés exercer une influence significative sur un marché de détail. L'opérateur historique ne peut pas se comporter comme une entreprise comme une autre du fait de sa position dominante : Les mesures proposées, en application du cadre juridique européen, permettent d'empêcher que toute liberté, notamment tarifaire, qui serait accordée à l'opérateur historique lui permette, du fait de sa position dominante sur de nombreux marchés, de mettre ses concurrents en difficulté jusqu'à tous les éliminer, et de devenir un monopole privé. En effet, l'opérateur historique vend souvent des prestations de gros (interconnexion, accès) à des concurrents à des tarifs plus élevés que ceux accordés au détail à ses clients finaux (« effet de ciseau »). Cette pratique anti-concurrentielle est interdite par le droit français. Le maintien d'un contrôle a priori de ses tarifs au détail permettra d'éviter que FT pratique des prix d'éviction.

L'article 18-1, tel qu'adopté par l'Assemblée nationale, a quelque peu amélioré la rédaction de l'article adopté dans le projet de loi pour la confiance dans l'économie numérique.

Cependant, l'article 18-1 évoque les « services technologiquement innovants », notion qui n'existe ni dans les textes européens et français, ni dans les jurisprudences européenne et française. La recommandation de la Commission européenne du 11 février 2003 définissant les marchés pertinents évoque la notion de « marchés émergents » et non de services innovants. La notion de marchés émergents garantit de ce fait une réelle sécurité juridique d'autant qu'elle a déjà fait l'objet de plusieurs décisions européennes.

De plus, la Commission européenne, elle-même, a déjà eu l'occasion d'émettre des réserves sur cette notion de services innovants et l'ajout de l'adjectif technologique n'est pas suffisant pour lever ses interrogations sur cette notion inconnue en droit européen. Or, une telle transposition imparfaite ne permettrait pas la nécessaire conformité au cadre juridique européen et serait source d'insécurité juridique.

Ensuite, il convient de rappeler que la régulation intervient sur un marché (analyse des marchés, détermination des opérateurs puissants sur un marché, utilisation d'outils de régulation lorsque la concurrence n'est pas assurée), pas sur un service.

Par ailleurs, prévoir d'ores et déjà l'exclusion de ces services préjugerait des résultats de l'analyse des marchés et aurait pour conséquence de retirer certains outils de la régulation que l'ART peut utiliser lorsqu'un marché n'est pas concurrentiel, et de ce fait, de freiner la concurrence et nuire aux utilisateurs finaux français.

Aussi, l'amendement proposé vise à concilier la volonté du législateur de soutenir l'innovation et le nécessaire respect du cadre européen..

Enfin, le délai introduit par l'Assemblée nationale (quinze jours après avis du Conseil de la Concurrence) parait court, eu égard aux différentes procédures de consultation dans le cadre des directives européennes. C'est pourquoi, il est proposé de prévoir un renouvellement de ce dernier, sur demande motivée de l'ART, du Conseil de la Concurrence ou de la Commission européenne.



NB :La rectification porte sur la liste des signataires.