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Direction de la séance

Projet de loi

petites et moyennes entreprises

(1ère lecture)

(URGENCE)

(n° 297 , 333 , 362, 363, 364)

N° 436

13 juin 2005


 

AMENDEMENT

présenté par

C Favorable
G Favorable
Adopté

Le Gouvernement


ARTICLE ADDITIONNEL APRÈS ARTICLE 50


Après l'article 50, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I - Le titre IV du Livre III du code du travail, ainsi que le chapitre IV du titre VI du même livre, sont intitulés comme suit : « Main d'œuvre étrangère et détachement  transnational de travailleurs »

II - Il est créé au titre IV du Livre III du code du travail un chapitre II ainsi rédigé :

« Chapitre II

« Détachement transnational de travailleurs

« Art. L. 342-1- I – Un employeur établi hors de France peut détacher temporairement des salariés sur le territoire national, à condition qu'il existe un contrat de travail entre cet employeur et le salarié et que leur relation de travail subsiste pendant la période de détachement.

« Le détachement s'effectue :

« a)- soit pour le compte de l'employeur et sous sa direction, dans le cadre d'un contrat conclu entre celui-ci et un destinataire établi ou exerçant en France ;

« b)- soit entre établissements d'une même entreprise ou entre entreprises d'un même groupe.

« II – Une entreprise exerçant une activité de travail temporaire établie hors du territoire français peut détacher temporairement des salariés auprès d'une entreprise utilisatrice établie ou exerçant sur le territoire national, à condition qu'il existe un contrat de travail entre l'entreprise étrangère et le salarié et que leur relation de travail subsiste pendant la période de détachement.

« III – Un employeur établi hors de France peut également détacher temporairement des salariés sur le territoire national pour réaliser une opération pour son propre compte, sans qu'il existe un contrat entre celui-ci et un destinataire.

« Art. L. 342-2 - Est un salarié détaché au sens du présent chapitre tout salarié d'un employeur régulièrement établi et exerçant son activité hors de France, et qui,  travaillant  habituellement  pour le compte de celui-ci, exécute son travail  à la demande de cet employeur pendant une durée limitée sur le sol français dans les conditions définies à l'article L. 342-1.

« Art. L. 342-3 - Les employeurs mentionnés à l'article L. 342-1 sont soumis aux dispositions législatives, réglementaires et conventionnelles applicables aux salariés employés par les entreprises de la même branche d'activité, établies en France, en matière de législation du travail pour ce qui concerne les matières suivantes :

« - libertés individuelles et collectives dans la relation de travail, exercice du droit de grève ;

« - durée du travail, repos compensateurs, jours fériés, congés annuels payés, congés pour événements familiaux, congés de maternité, congés de paternité, conditions d'assujettissement aux caisses de congés et intempéries ;

« - salaire minimum, paiement du salaire, y compris les majorations pour les heures supplémentaires;

« - conditions de mise à disposition des travailleurs par les entreprises exerçant une activité de travail temporaire, et les garanties dues à ceux-ci;

« - règles relatives à la sécurité, la santé, l'hygiène au travail et la surveillance médicale ;

« - discrimination et égalité professionnelle entre les femmes et les hommes, protection de la maternité, âge d'admission au travail, emploi des enfants, durée du travail et travail de nuit des jeunes travailleurs ;

« - travail illégal.

« Un décret en Conseil d'Etat détermine les conditions et modalités d'application des dispositions relevant des matières énumérées aux alinéas précédents, les conditions dans lesquelles des formalités déclaratives sont exigées des prestataires étrangers, ainsi que les formalités dont ceux-ci sont dispensés.

« Art. L. 342-4 - Un employeur ne peut se prévaloir des dispositions applicables au détachement de salariés lorsque son activité est entièrement orientée vers le territoire national ou lorsqu'elle est réalisée dans des locaux ou avec des infrastructures à partir desquels elle est exercée de façon habituelle, stable et continue, notamment par la recherche et la prospection d'une clientèle ou le recrutement de salariés sur ce territoire.

« Dans les situations visées à l'alinéa précédent, l'employeur est assujetti aux dispositions du code du travail applicables aux entreprises établies sur le territoire français.

« Art. L. 342-5 - Les obligations et interdictions qui s'imposent aux entreprises françaises lorsqu'elles font appel à des prestataires de services, notamment celles prévues par l'article L. 325-1 du code du travail relatif au travail illégal, s'appliquent dans les mêmes conditions lorsque les  prestations de services sont  réalisées par des entreprises établies hors de France détachant du personnel sur le sol français, selon des modalités définies par décret en Conseil d'Etat.

« Art. L. 342-6 - Les agents de contrôle visés au titre premier du livre VI du code du travail et les autorités chargées de la coordination de leurs actions sont habilités à se communiquer réciproquement tous les renseignements et tous les documents nécessaires pour faire appliquer les dispositions du présent chapitre. Ils peuvent également  communiquer ces renseignements et documents aux agents investis des mêmes pouvoirs dans les pays étrangers et aux autorités chargées de la coordination de leurs actions dans ces pays.

« La nature des informations communicables et les conditions dans lesquelles est assurée la protection des données à caractère personnel sont précisées par décret en Conseil d'Etat. »

III - L'article L. 341-5 du code du travail est abrogé.

IV - Les dispositions du présent article entrent en vigueur à partir de la publication du décret en Conseil d'Etat prévu à l'article L. 342-3.

Objet

Le principe de liberté de prestation de services, introduit à l'article 49 du traité instituant la communauté européenne, a permis un développement sans précédent des interventions d'entreprises étrangères sur le sol national, réalisées le plus souvent en détachant leurs salariés auprès d'entreprises françaises.

Le cadre du détachement de salariés est fixé par la directive européenne 96/71/CE du 16 décembre 1996 dont la plupart des dispositions figuraient dans le droit interne dès 1993.

Le présent amendement, qui crée dans le code du travail un nouveau chapitre spécifique à l'emploi transnational, vise d'une part à parachever la transposition de cette directive, d'autre part à renforcer la législation afin de mieux encadrer les conditions d'application du droit du travail français par les prestataires de services étrangers.

Le dispositif vise à appliquer des règles harmonisées aux entreprises des Etats membres de l'Union européenne et aux entreprises situées hors de l'Union. Il doit contribuer à sécuriser les relations entre les employeurs et leurs salariés et à mieux lutter contre les fraudes de plus en plus ingénieuses qui se développent sur le territoire.

Il doit aussi contribuer à dynamiser l'économie en protégeant les entreprises immatriculées des formes de concurrence déloyale que représente le dumping social.

L'article L. 342-1 précise les situations de travail permettant le détachement de salariés, conformément à la directive communautaire, et définit le détachement pour compte propre pour ne pas laisser hors du champ du droit des pratiques de détachement sans destinataire. L'article L. 342-2 qualifie ce qu'est un travailleur afin d'empêcher les détachements effectués par des entreprises opérant de manière clandestine dans le pays d'origine.

Les matières du droit du travail pour lesquelles le droit français s'applique aux prestataires étrangers sont définies par l'article L. 342-3. Un décret en Conseil d'Etat en fixera le détail. L'article L 342-3 formalise le principe de déclaration préalable aux détachements, formalité que la France juge déterminante pour garantir l'effectivité des contrôles.

L'article L. 342-4 intègre les critères de la jurisprudence communautaire pour fixer la limite entre prestation de services transfrontalière et obligation de s'établir en France, afin de limiter les fraudes à la prestation de services.

L'article L. 342-5 vise à responsabiliser les entreprises françaises qui font appel à des prestataires étrangers sur les risques qu'elles encourent en cas d'infraction. 

Les pouvoirs des services de contrôle doivent être renforcés en donnant une base légale à l'échange d'informations entre fonctionnaires, afin notamment de faciliter la coopération avec leurs homologues dans les pays étrangers. Tel est l'objet de l'article L. 342-6.

Cet amendement constitue un signe fort de la part des pouvoirs publics qui veulent juguler des pratiques visant à fausser l'exercice d'une concurrence économique en faisant échec à l'application des règles impératives du droit du travail français.