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Direction de la séance

Projet de loi

réforme des successions et des libéralités

(1ère lecture)

(n° 223 , 343 )

N° 159

15 mai 2006


 

AMENDEMENT

présenté par

C Défavorable
G Défavorable
Retiré

Mme TROENDLE, M. GRIGNON et Mme SITTLER


ARTICLE ADDITIONNEL APRÈS ARTICLE 23 QUINQUIES


Après l'article 23 quinquies, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
La loi du 12 juillet 1909 sur la constitution d'un bien de famille insaisissable est ainsi modifiée  :
1°Au début du premier alinéa de l'article 2 sont ajoutés les mots : « Sans préjudice des dispositions des articles L. 526-1 à L. 526-3 du code de commerce ; »
2°Au second alinéa de l'article 2, aux troisième et dernier alinéas de l'article 4 et au second alinéa de l'article 15, le montant : « 7 622,45 euros» est remplacé par le montant : « 150 000 euros».

Objet

La loi n° 2003-721 du 1er août 2003 pour l'initiative économique a permis aux chefs d'entreprise de rendre insaisissable leur résidence principale. L'exercice familial des profesions artisanales a , de son côté, été pris en compte par la loi n° 2005-882 du 2 août 2005 en afveur des petites et moyennes entreprises qui institue des règles relatives au conjoint collaborateur.

En revanche, l'outil de travail de la famille demeure mal protégé, compte tenu de la non réactulisation de la loi du 12 juillet 1909. Cette loi permet, en effet,  la constitution d'un bien insaisissable dénommé « bien de famille ».

Aux termes de l'article 2 de cette loi, cette constitution peut porter notamment sur « une maison avec boutique » ou un « atelier et le matériel ou outillage le garnissant, occupés et exploités par une famille d'artisans ».

Cependant, la limite de valeur déterminée par ce même article, soit 7 622,45 €, rend aujourd'hui ce droit inapplicable dans les faits pour les familles.

En effet, cette loi n'a pas été modifiée depuis l'intervention de la loi du 12 mars 1953. Depuis, l'inflation de la fin du XXe siècle conjuguée aux spectaculaires hausses de l'immobilier ont rendu désormais impossible la constitution d'un tel bien de famille.

Un amendement d'aspiration similaire mais d'une rédaction différente a été débattu, à l'Assemblée nationale, en première lecture.

En dépit de l'avis favorable de la commission des Lois, le Gouvernement s'est opposé à son adoption pour le principal motif que la récente loi du 1er août 2003 permettait, d'ores et déjà de rendre insaisissable la résidence principale de l'artisan ou de l'agriculteur.

Si nous convenons volontiers de l'indéniable avancée qu'a constitué cette réforme attendue de longue date par ces entrepreneurs, nous pensons toutefois que ce nouvel amendement n'est pas redondant, mais bel et bien complémentaire de l'insaisissabilité de la résidence principale ; ce que souligne sa rédaction en précisant que les dispositions de la loi 1909 s'appliquent sans préjudice des dispositions des articles L. 526-1 à L. 526-3 du code commerce relatifs à la protection de l'entrepreneur individuel et de son conjoint.

En effet, la loi de 2003 ne permet pas de mettre à l'abri l'outil de travail ; de surcroît, elle ne permet pas une protection aussi absolue.

L'expérience montre d'ailleurs que la loi de 2003 présente surtout un intérêt pour un artisan déjà établi qui rencontre un revers de fortune.

En revanche, les agriculteurs qui s'installent ou les artisans débutants ne rencontrent pas la même protection puisque ceux-ci s'endettent généralement avant de pouvoir protéger leur résidence principale, par un emprunt pour l'achat d'un fonds. Or seules les créances nées après la déclaration d'insaisissabilité peuvent se voir opposer cette garantie. En conséquence, cette insaisissabilité théorique n'a pas d'effet pour ceux qui viennent de s'installer.

Pour toutes ces raisons, nous considérons qu'il est souhaitable de redonner toute sa pertinence au bien de famille qui tombe en désuétude.

Par ailleurs, la rédaction que nous vous proposons diffère substantiellement de celle de l'Assemblée nationale pour tenir compte d'autres objections légitimes.

En premier lieu, il convient de seulement modifier la loi de 1909 et non plus d'inscrire dans le code civil ces dispositions. En effet, il semble souhaitable de ne pas modifier indûment l'architecture des dispositions générales relatives à l'acquisition de la propriété. Cet amendement propose donc de limiter l'intervention du législateur à cette loi, sans toucher au code civil.

En second lieu, il supprime l'idée de la validation de la valeur du bien par l'administration fiscale. Outre le fait que cette précision était créée ex nihilo , son adoption aurait pour effet d'infirmer la valeur de l'acte notarié.

En revanche, il est essentiel de relever le plafond de ce bien en le portant à 150 000 €. Ce seuil constitue un juste équilibre. Il est suffisamment élevé pour garantir aux familles, et plus particulièrement aux petites entreprises familiales, la pérennité de leur logement et de leur outil de travail, d'une part, et, d'autre part, pour éviter la constitution d'un patrimoine trop vaste et dérogatoire aux règles de droit commun sur la propriété.