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Direction de la séance

Projet de loi

projet de loi de finances pour 2006

(1ère lecture)

SECONDE PARTIE

MISSION SOLIDARITÉ ET INTÉGRATION

(n° 98 , 99 , 103)

N° II-61

1 décembre 2005


 

AMENDEMENT

présenté par

C
G  
Irrecevable art. 40 C

M. MERMAZ, Mmes LE TEXIER et PRINTZ, M. GODEFROY

et les membres du Groupe socialiste, apparentés et rattachés


ARTICLE 88


A. Rédiger comme suit le I du texte proposé par le I de cet article pour l'article L. 351-9 du code du travail :
I. Peuvent bénéficier d'une allocation temporaire d'attente les ressortissants étrangers dont le titre de séjour ou le récépissé de demande de titre de séjour mentionne qu'ils ont sollicité l'asile en France, s'ils satisfont à une condition de ressources.
B. Remplacer les trois derniers alinéas du texte proposé par le I de cet article pour l'article L. 351-9-1 du code du travail par un alinéa ainsi rédigé :
« Les autorités compétentes de l'Etat adressent mensuellement aux organismes chargés du service de l'allocation les informations relatives aux offres de prise en charge répondant aux conditions fixées au premier alinéa qui ont été formulées.
C. Rédiger comme suit le texte proposé par le I de cet article pour l'article L. 351-9-3 du code du travail :
« Art. L. 351-9-3. - Le montant de l'allocation est fixé par décret. Il prend en compte la composition familiale et le mode d'hébergement. Il est révisé, le cas échéant, une fois par an, en fonction de l'évolution des prix hors tabac prévue dans le rapport économique, social et financier annexé au projet de loi de finances de l'année. »
D. Pour compenser la perte de recettes résultant des A, B et C ci-dessus, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
Les pertes de recettes résultant pour l'Etat des modifications des conditions du versement de l'allocation temporaire d'attente sont compensées à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux tarifs visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

Objet

L'article 88 du projet de loi de finances pour 2006, qui substitue à l'allocation d'insertion l'allocation temporaire pour les demandeurs d'asile, et en précise les conditions de versement, procède aussi à une importante réforme des allocations versées aux demandeurs d'asile lorsque ceux-ci ne sont pas pris en charge dans le dispositif national des centres d'accueil.

Cette réforme conduit à plusieurs carences graves au détriment des demandeurs d'asile.

Tout d'abord, elle ne satisfait pas aux articles 3 et 13 de la directive CE/2003/9 du 27 janvier 2003 relative aux normes minimales d'accueil des demandeurs d'asile, qui prévoit une assistance pour tous les demandeurs d'asile. Il convient donc de prévoir que les droits mentionnés par la directive soient accessibles à l'ensemble des demandeurs d'asile, quelle que soit leur situation.

L'article 88 ne prévoit le versement de la future allocation temporaire d'attente que lorsque la demande d'asile aura été enregistrée par l'OFPRA. Or, le décret du 14 août 2004 prévoit un délai pouvant atteindre un mois et demi avant cet enregistrement effectif, et le versement arrivera donc trop tardivement. Au contraire, il est nécessaire de prévoir le versement d'une allocation ponctuelle pour le nouvel arrivant dès son arrivée sur le territoire, dans l'attente d'une allocation plus pérenne et pour l'aider à prendre en charge les frais liés à la procédure, tels que les traductions, ou les frais de transport (remise de la demande d'asile rédigée en français dans un délai de 21 jours).

Par ailleurs, le projet de loi exclut du bénéfice de l'allocation les jeunes de 16 à 18 ans, qui peuvent aujourd'hui prétendre à l'allocation d'insertion, et les demandeurs d'asile faisant l'objet d'une procédure prioritaire parce que venant d'un pays jugé a priori sûr, ce qui préjuge donc de la décision finale.

Cette allocation, dont le montant est déjà insuffisant pour une personne seule, devrait aussi prendre en compte le critère de la composition familiale et être modulable en fonction du mode d'hébergement. Ainsi, une demandeuse d'asile ayant la charge de cinq enfants, et ne percevant pas les allocations familiales, ne bénéficiera toujours, avec ce nouveau dispositif, que de dix euros par jour.

De plus, l'article 88 introduit des possibilités de refus de l'allocation temporaire d'attente : le nouvel article L. 351-9-1 du code du travail prévoit cette possibilité de refuser le bénéfice de l'allocation au demandeur qui refuserait une proposition d'accueil dans un centre d'hébergement spécialisé ou, en cas d'absence de proposition d'hébergement, n'attesterait pas d'une adresse de domiciliation effective. Il prévoit aussi que les ASSEDIC seront destinataires mensuellement des informations relatives aux offres de prise en charge qui ont été formulées, ainsi qu'aux refus auxquels celles-ci ont, le cas échéant, donné lieu, et des informations relatives à l'état d'avancement de la procédure d'examen du dossier de demande d'asile

Il est proposé par le projet de loi d'introduire dans la législation ces dispositions restrictives alors que le dispositif national d'accueil n'est pas en mesure de satisfaire les besoins d'hébergement. Il s'en faut de beaucoup : on ne compte aujourd'hui que 15 719 places en centre d'accueil pour les demandeurs d'asile pour 65 000 demandes annuelles environ.

Seuls 15 % des demandeurs d'asile ont eu accès aux CADA en 2004. Même si, comme le promet le gouvernement, 21 000 places sont disponibles fin 2007, et si l'OFPRA accélère considérablement ses délais de procédure, on sera encore loin de pouvoir faire face aux nécessités. Le délai de recours annoncé de quinze jours contre les décisions de rejet de l'OFPRA serait d'ailleurs beaucoup trop court pour permettre à la plupart des demandeurs d'asile d'entamer une nouvelle procédure.

A la situation très dégradée des demandeurs d'asile en France, le projet de loi dans son article 88 n'apporte donc pas de réponse. Au lieu de mettre en place un dispositif d'accueil des demandeurs d'asile digne de la France, il ne met en place que des procédés visant à accélérer les refoulements et à réaliser des économies sur l'hébergement. Ces économies marginales au détriment de ceux qui cherchent un refuge dans notre pays auront un coût humain dévastateur et porteront atteinte à notre image sur le plan international.
Telles sont les raisons pour lesquelles nous demandons la réécriture de cet article 88.