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Direction de la séance

Projet de loi

Modernisation de l'économie

(1ère lecture)

(URGENCE)

(n° 398 , 413 )

N° 980 rect.

30 juin 2008


 

AMENDEMENT

présenté par

C Demande de retrait
G Demande de retrait
Retiré

MM. de BROISSIA et LONGUET et Mme DUMAS


ARTICLE ADDITIONNEL APRÈS ARTICLE 37 BIS


Après l'article 37 bis, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L'article 48-1 A de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de la communication est ainsi rédigé :

« Art. 48-1 A. - Les programmes diffusés par voie hertzienne terrestre des sociétés mentionnées au I, II et III de l'article 44 ne peuvent faire l'objet d'un droit exclusif de reprise, y compris dans un mode de diffusion non linéaire, dès lors que ce droit exclusif aurait pour effet de restreindre le public pouvant accéder à ces reprises.

Objet

La « télévision de rattrapage » (ou « Catch-up TV ») permet à une personne qui aurait manqué un programme de télévision de pouvoir le regarder à la demande - sans le prévoir à l’avance - sur différents terminaux (télévision, un ordinateur, voire un téléphone portable). Cette possibilité de voir en différé un programme qu’il a raté est offerte au téléspectateur pendant une période en général assez courte (7 à 30 jours). C’est une évolution prometteuse de la télévision, qui permet au téléspectateur de s’affranchir de la grille de programmation, tout en retrouvant les rendez-vous proposés par la chaîne et l’identité éditoriale de celle ci.

Depuis fin 2006, des chaînes hertziennes privées ont conclu des partenariats de télévision de rattrapage avec divers fournisseurs d’accès à internet. Ces accords non exclusifs permettent la plus large diffusion possible des contenus de ces chaînes chez les clients des principaux opérateurs de communications électroniques, qui reçoivent la télévision via leur « box ».

En revanche, France Télévisions a conclu avec Orange un partenariat exclusif et pluriannuel portant sur les principaux programmes des cinq chaînes du groupe (sauf films et actualités) de la tranche 18-24 heures. Le plus choquant est que, s’agissant du service public de la télévision, dont la vocation est de diffuser le plus largement ses programmes, cet accord limite l’exposition au public des émissions concernées, alors même qu’elles ont été en partie financées sur fonds publics : la redevance et le COSIP (auquel contribuent tous les fournisseurs d’accès).
L’accord réserve en effet aux seuls abonnés d’Orange la possibilité de visionner en différé des programmes de la télévision publique, lorsqu’on souhaite le faire sur son téléviseur, notamment à travers des offres « triple play » (et de même pour la télévision sur mobile, couverte par l’accord).

La démarche de France Télévisions ne peut que fragiliser le consentement à payer du public de la redevance audiovisuelle. En effet, si France Télévisions doit pouvoir procéder à des diversifications dans le secteur concurrentiel, la « télévision de rattrapage » rentre totalement dans les missions du service public puisqu’il s’agit des mêmes programmes et se doit d’être disponible pour le plus grand nombre de téléspectateurs. Le financement de cette « télévision de rattrapage » ne paraît d’ailleurs nullement justifier une telle politique d’exclusivité : l’absence d’exclusivité ne signifierait en rien l’absence de rémunération au profit de France Télévisions. Au contraire, l’exclusivité dénaturerait profondément le contrat moral entre le service public et les téléspectateurs qui le financent.

Enfin, si par son exemple France Télévision amenait l’ensemble des diffuseurs à adopter un comportement similaire et à s’engager sur la voie d’exclusivités, on aboutirait à un fractionnement de l’audience télévisuelle avec une concentration verticale entre opérateurs et chaînes en silos étanches, au détriment des consommateurs et contribuables : le choix d’un fournisseur d’accès à internet déterminerait les programmes que l’on pourrait regarder, et réciproquement. Un tel paysage ne serait pas dans l’intérêt du téléspectateur, et le service public ne doit en aucun cas donner une telle impulsion.

Pour toutes ces raisons, il serait souhaitable que France Télévisions se voie contrainte de proposer sur une base de non exclusivité non seulement la reprise de ses programmes, comme déjà prévu par l’article 48-1 A de la loi de 1986 sur la liberté de communication, mais également son offre de télévision de rattrapage (service qui n’existait pas lors de la rédaction de cet article).

Il convient donc de modifier la portée de l’article 48-1 A de la loi relative à la liberté de la communication, qui interdit déjà toute exclusivité pour la reprise des programmes de France Télévisions diffusés par voie hertzienne terrestre. Puisque ces programmes ont vocation à la plus large diffusion, l’interdiction d’exclusivité devrait couvrir toute forme de reprise de ces programmes, même de façon « non linéaire », pour reprendre le vocabulaire de la directive européenne « télévisions sans frontière » qui vient d’être révisée en élargissant son champ à ces nouveaux services. Avec le texte proposé, l’exclusivité ne serait contestable que dans la mesure où elle restreindrait le public pouvant accéder aux programmes selon ces nouveaux modes. Le pouvoir d’achat, c’est aussi le fait de pouvoir acheter et donc de ne pas se trouver empêché d’accéder de nouveaux produits et services, a fortiori lorsqu’ils sont construits à partir de programmes de la télévision publique.



NB :La présente rectification porte sur la liste des signataires.