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Direction de la séance

Projet de loi

Projet de loi de finances pour 2008

(1ère lecture)

SECONDE PARTIE

ARTICLES NON RATTACHÉS

(n° 90 , 91 )

N° II-186

5 décembre 2007


 

AMENDEMENT

présenté par

C Favorable
G Demande de retrait
Retiré

MM. ARTHUIS, LAMBERT, LONGUET et MARINI


ARTICLE ADDITIONNEL APRÈS ARTICLE 39 B


Après l'article 39 B, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I.- Le plafond des sommes qui peuvent être déposées sur un livret des caisses d'épargne est fixé à 16.000 euros. La capitalisation des intérêts peut porter le solde du livret au-delà de ce plafond.

II.- Le début du 7° de l'article 157 du code général des impôts est ainsi rédigé :

« 7 ° Dans la limite d'un montant de dépôts de 16.000 euros, les intérêts des sommes inscrites ... (le reste sans changement) ».

III.- Le dernier alinéa du 1° du III bis de l'article 125 A du même code est complété par les mots : « et aux intérêts des livrets des caisses d'épargne ne bénéficiant pas de l'exonération mentionnée au 7° de l'article 157 ».

Objet

On comptait au 31 décembre 2006 43.266.440 livrets A pour un encours total de 111,6 milliards d'euros. Le livret A présente une double nature.

Il est présenté le plus souvent comme un produit d'épargne populaire : 67,8 % des livrets (près de 30 millions) ont en dépôt moins de 750 euros, mais ne représentent que 2,4 % du total des liquidités déposées. 56,3 % (soit plus de 24 millions) ont un encours inférieur à 150 euros, et ne représentent que 0,6 % des dépôts. Ces livrets font office de comptes courants pour les populations les plus pauvres, ce qui illustre le rôle social joué par La Poste et les Caisses d'épargne sur l'ensemble du territoire. Ces populations ne payent pas pour la plupart l'impôt sur le revenu : elles bénéficient de la simplicité du Livret A, et de la facilité d'accès au réseau de distribution de la banque postale et des Caisses d'épargne, sans tirer profit de l'exonération fiscale des intérêts prévus par le 7° de l'article 157 du code général des impôts.

Sur le plan fiscal, à l'inverse, le niveau du plafond, comme la possibilité de disposer au sein d'un ménage d'autant de livrets que celui-ci compte de membres, profitent aux ménages les plus aisés, qui y voient un moyen de placer des liquidités sans prélèvement au profit de l'Etat et de la sécurité sociale. Ces ménages « saturent » les placements défiscalisés avant de placer leur épargne sur d'autres véhicules fiscalisés. Cette pratique dévoie l'objet social du livret A. Elle n'est conforme, ni aux besoins de l'économie, ni même aux intérêts des épargnants, que l'argument lié à la fiscalité empêche de réaliser des choix conformes à leur optimum financier.

Fin 2006, l'encours total des dépôts des fonds d'épargne centralisés atteignait 191,7 milliards d'euros, intérêts capitalisés compris, tandis que l'encours total des prêts atteignait 93,4 milliards d'euros. Selon le ministère du logement et de la ville, « l'excédent de 98,3 milliards d'euros, soit 51% des dépôts est suffisant pour garantir le financement des emplois d'intérêt général à moyen terme ». Ce taux de 50% est bien au-delà des ratios prudentiels nécessaires.

Dans le cadre d'un réexamen des mesures dérogatoires en matière d'épargne, qui conduit notamment à relever le taux du prélèvement libératoire en matière de revenus d'intérêt de 16 % à 18 %, l'amendement propose de faire cesser l'effet d'aubaine qui consiste à défiscaliser les intérêts des livrets A capitalisés au-delà du plafond. Le réexamen des niches fiscales doit permettre d'en limiter le coût et d'en circonscrire le périmètre de manière stricte par rapport aux objectifs poursuivis.

Il n'apparaît pas souhaitable, d'une part, que le livret A soit détourné de son objet initial, pour devenir un véhicule défiscalisé pour les ménages aisés, et que, d'autre part, la dépense fiscale oriente les placements des épargnants vers des produits à la fois liquides et sans risques. Les  6,3 % des déposants au-delà du plafond profitent de 44,3 % des 280 millions d'euros de dépense fiscale.

Dans cette perspective, la fiscalisation des revenus d'intérêt du livret A au-delà du plafond de dépôt constitue une mesure de justice.

Le contribuable aurait le choix entre le prélèvement libératoire de 18 % ou l'intégration à l'IRPP. Les ménages non imposables ne seraient donc pas touchés.

Dans la mesure où le plafond du livret A n'a pas été relevé depuis 1991, l'amendement propose de porter le plafond de 15.300 euros à 16.000 euros, soit une augmentation de 4,5 %. Cette mesure est aussi de nature à rassurer ceux qui craindraient une décollecte trop importante des fonds centralisés par la caisse des dépôts et consignations pour le financement du logement social. Cette crainte n'a pas lieu d'être : le montant des dépôts au-delà de 15.300 euros représente 5,9 milliards d'euros.