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Direction de la séance

Proposition de loi

Droit à la vie privée à l'heure du numérique

(1ère lecture)

(n° 331 , 330 , 317)

N° 32

23 mars 2010


 

AMENDEMENT

présenté par

C Défavorable
G Favorable
Rejeté

Le Gouvernement


ARTICLE 4 SEPTIES


Supprimer cet article.

Objet

L'article 4 septies vise à imposer de nouvelles obligations aux procureurs de la République en matière de mise à jour des fichiers d'antécédents judiciaires (STIC pour la police nationale et JUDEX pour la gendarmerie nationale) : délai d'un mois pour traiter les requêtes des particuliers, information du requérant en cas de maintien d'une mention au fichier, mise à jour quel que soit le motif de classement sans suite (y compris en cas de mesures alternatives aux poursuites), et information simultanée à tous les gestionnaires de fichiers de police judiciaire, aux fins de mise à jour.

De telles obligations ne paraissent pas de nature à atteindre l'objectif d'une mise à jour plus rigoureuse des fichiers JUDEX et STIC.

Il convient, tout d'abord, de souligner que les délais de traitement des requêtes de mise à jour des particuliers sont déjà encadrés, à un niveau règlementaire.

En effet, l'article 87-1 du décret n°2005-1309 du 20 octobre 2005 pris pour l'application de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés dispose que le procureur de la République se prononce dans un délai de trois mois sur les suites qu'il convient de leur réserver. Si la demande a d'abord été adressée à la Commission nationale de l'informatique et des libertés, qui saisit ensuite le parquet compétent, le délai maximal de traitement est de six mois.

Le recensement mené par le ministère de la justice pour l'année 2008 montre que les parquets respectent déjà ces prescriptions, et traitent ces requêtes dans un délai compris entre 15 jours et 2 mois, selon la complexité de la demande.

Ces délais de traitement, déjà inférieurs aux obligations règlementaires, ne sont pas imputables à l'inertie des juridictions, mais justifiés par la mise en œuvre des diligences nécessaires à l'instruction des requêtes : interrogation des services gestionnaires des fichiers pour obtenir la liste des procédures enregistrées (les parquets n'ont pas accès aux fichiers JUDEX et STIC), recherche et réponse de ces services, comparaison par les parquets avec les données enregistrées au casier judiciaire national et dans les chaînes pénales ainsi que, le cas échéant, recherche des procédures, puis instructions éventuelles de mise à jour et, enfin, prise en compte de ces instructions par les services gestionnaires. De telles démarches peuvent s'avérer complexes et longues, dès lors que la personne a été mise en cause dans des dizaines de procédures, qui peuvent en outre avoir été établies dix ou vingt années auparavant, dans des ressorts de juridictions différentes.

Fixer aux parquets, par la loi, un délai d'un mois pour le traitement des requêtes des particuliers n'apporterait donc aucune plus-value dans la diligence dont ils font, déjà, preuve : au contraire, fixer un délai, dans certains cas, trop court pourrait s'avérer contre-productif, en ce que les parquets le sauraient, d'office, irréalistes.

Par ailleurs, les décisions de mise à jour des fichiers d'antécédents judiciaires, certes prises sur prescription du procureur de la République, relèvent de la compétence exclusive des services gestionnaires des traitements, qui procèdent du reste seuls, sur le plan pratique, à ladite mise à jour : il n'est d'ailleurs pas rare que les prescriptions du parquet ne soient pas suivies par les services, comme les termes de l'article 21 de la loi du 18 mars 2003 les y autorisent. Dans cette hypothèse, ou lorsque le service gestionnaire n'a pu, pour des raisons pratiques, mettre rapidement à exécution les prescriptions du parquet (le rapport des députés Mme BATHO et M. BENISTI faisait état de retards importants chez certains services gestionnaires), l'information par le parquet pourrait même s'avérer trompeuse pour le requérant qui croirait, à tort, avoir obtenu satisfaction.

Dès lors, si une information du requérant est envisagée en cas de maintien d'une mention au fichier, elle doit incomber aux services gestionnaires des traitements, seuls décideurs, et non pas aux parquets, qui ne sont que prescripteurs.

De plus, l'obligation de mettre à jour les fichiers d'antécédents judiciaires quel que soit le motif de classement sans suite apparaît peu opportune, compte-tenu de la diversité des motifs sous-tendant les décisions d'orientation des procédures judiciaires.

En effet, les classements sans suite consécutifs à des alternatives aux poursuites tiennent compte d'éléments divers tenant à l'ancienneté et la gravité des faits, mais aussi à la personnalité de l'auteur et à la politique pénale mise en œuvre sur chaque ressort judiciaire. En tout état de cause, ces décisions de classement sans suite ne peuvent s'apprécier comme le reflet du seul critère de la faible gravité des faits : au contraire, la diversité des paramètres qui les motivent ne permet pas de les ériger en critère légal et équitable de mise à jour des fichiers d'antécédents.

Enfin, les différents fichiers de police judiciaire ne poursuivent pas les mêmes finalités et n'obéissent absolument pas aux mêmes règles de mise à jour. Par exemple, un individu est poursuivi pour viol, puis bénéficie d'une relaxe en raison de l'abolition de son discernement : en l'état des textes, le procureur de la République peut, pour cette même procédure, prescrire l'effacement de données dans le STIC, tout en sollicitant leur maintien dans SALVAC, qui est un fichier de rapprochement des procédures de crimes et délits graves commis contre les personnes, et au Fichier national automatisé des empreintes génétiques, qui est un fichier d'identification des auteurs d'infractions. Dans un tel cas, l'effacement de toutes les données dans tous les fichiers ne pourrait être que contradictoire avec les objectifs de lutte contre l'insécurité et de prévention de la récidive.

La mise à jour simultanée des fichiers de police judiciaire paraît donc moins relever du domaine législatif que de celui des bonnes pratiques recommandées aux parquets, dans le respect de leurs prérogatives et des règles et finalités propres à chaque fichier.