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Direction de la séance

Projet de loi

Sécurité sanitaire du médicament

(1ère lecture)

(PROCÉDURE ACCÉLÉRÉE)

(n° 45 , 44 )

N° 88

24 octobre 2011


 

AMENDEMENT

présenté par

C Favorable
G Défavorable
Adopté

Mme ARCHIMBAUD, M. KERDRAON, Mmes KLÈS et GÉNISSON, M. LE MENN

et les membres du Groupe Socialiste, Apparentés et Groupe Europe Écologie Les Verts rattaché


ARTICLE ADDITIONNEL APRÈS ARTICLE 30


Après l’article 30

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. – Après l’article L. 1143-1 du code de la santé publique, il est inséré un chapitre IV ainsi rédigé :

« Chapitre IV

« Action de groupe

« Art. L. 1144-1. – L’action de groupe a pour objet, dans les conditions prévues au présent chapitre, de réparer intégralement les préjudices de toute nature subis individuellement par plusieurs personnes physiques, ayant pour origine commune l’inexécution ou la mauvaise exécution par un exploitant du médicament des obligations légales, réglementaires, et contractuelles liées à l’exploitation du médicament.

« Art. L. 1144-2. – L’action est introduite par une association agréée en application de l’article L. 1114-1 ne recevant pas de subventions ou avantages des entreprises produisant ou commercialisant des produits mentionnés au II de l’article L. 5311-1 ou assurant des prestations liées à ces produits.

« Art. L. 1144-3. – Lorsque plusieurs associations introduisent plusieurs actions de groupe visant les mêmes faits, l’action est regroupée devant une même juridiction. Les associations désignent, par un accord, l’une d’entre elles pour l’accomplissement des actes procéduraux. À défaut d’accord, le juge procède à cette désignation.

« Art. L. 1144-4. – La recevabilité de l’action de groupe est soumise à quatre conditions :

« – L’existence du préjudice ;

« – Le lien de causalité entre le préjudice et le fait du professionnel ;

« – Le caractère sérieux et commun des prétentions ;

« – L’impossibilité de mener une procédure conjointe ou une procédure avec mandat.

« Art. L. 1144-5. – Les victimes ayant subi un dommage objet de l’action mentionnée à l’article L. 1144-1, ainsi que les victimes par ricochet, bénéficient de l’interruption de la prescription résultant de l’introduction de l’action de groupe, pendant la durée de la procédure et, au plus tard, jusqu’au jour du prononcé du jugement statuant sur la responsabilité de l’exploitant.

« Art. L. 1144-6. – Le cas échéant, le juge définit les critères de rattachement au groupe dans le jugement déclarant la responsabilité de l’exploitant.

« Art. L. 1144-7. – Le juge ordonne, aux frais de l’exploitant intéressé, la diffusion, par tous moyens appropriés, de l’information sur le jugement déclarant sa responsabilité afin de permettre aux victimes ayant subi un dommage objet de l’action prévue par l’article L. 1144-1 d’en avoir connaissance.

« Art. L. 1144-8. – Tout personne physique qui estime avoir subi un dommage de la nature de celui ou de ceux qui ont fait l’objet du jugement déclaratoire de responsabilité peut demander à l’exploitant intéressé une indemnité correspondant aux préjudices subis.

« L’exploitant est tenu d’adresser à la victime une offre d’indemnité ou d’indiquer les motifs du refus dans des conditions et délais fixés par décret en Conseil d’État. Le refus de l’exploitant est homologué par le juge.

« Art. L. 1144-9. – La victime qui refuse l’offre de l’exploitant ou à laquelle aucune offre d’indemnité n’a été faite dans le délai imparti, adresse une demande à la juridiction ayant prononcé le jugement déclaratoire de responsabilité.

« Les parties ne sont pas tenues de constituer avocat ou avoué. Elles ont la faculté de se faire assister ou représenter selon les règles applicables devant le tribunal d’instance ou par une des associations visées à l’article L. 1142-2.

« Art. L. 1144-10. – Lorsqu’aucune offre d’indemnité n’a été faite dans le délai imparti ou si l’offre proposée par l’exploitant est manifestement insuffisante, le juge qui fixe l’indemnité peut d’office condamner l’exploitant à verser à titre de pénalité à la victime une somme au plus égale à 50 % de l’indemnité allouée.

« Art. L. 1144-11. – Les tribunaux de grande instance appelés à connaître des actions de groupe sont déterminés par décret.

« Art. L. 1144-12. – Les modalités d’application du présent chapitre sont fixées par décret en Conseil d’État. »

II. – Le Gouvernement remet au Parlement, avant le 1er janvier 2015, un rapport sur le fonctionnement et la mise en œuvre des actions de groupe.

Objet

Cet amendement vise à créer la possibilité d’action de groupe.

De fait, il n’y a rien en droit français pour protéger les droits des patients si ce n’est l’action en représentation conjointe qui n’a été utilisé que cinq fois depuis sa création car trop lourde et complexe dans sa mise en œuvre.

Or l’affaire du MEDIATOR a permis de mesurer à quel point les victimes sanitaires étaient démunies face à des grands groupes industriels qui avaient les capacités économiques et judiciaires de retarder les procédures et de faire subir un véritable parcours du combattant aux victimes déjà atteintes psychologiquement ou physiquement ainsi qu’à leurs familles.

C’est bien, ici, l’égalité des armes qui est niée du fait de l’inadaptation de nos lois et du refus des Gouvernements successifs de légiférer en ce sens.

Il faut déplorer par ailleurs, que l’action publique (l’action pénale) n’ait pas été engagée, d’abord, par le parquet (Ministère public) à l’initiative de l’État comme le Garde des sceaux en avait le pouvoir et qu’il ait fallu attendre le concours de la CNAMTS, de la Mutualité et des associations de victimes pour que le Juge pénal soit saisi et qu’une instruction soit initiée.

Par ailleurs, le traitement sans cohérence des drames sanitaires conduit à une injustice et à une discrimination majeure à l’endroit d’autres victimes qui ont assisté à une sur-médiatisation de l’affaire du Médiator dont l’ampleur n’a d’égal que le silence qu’elles doivent supporter pour elles.

Ainsi dénoncé le déni actuel à l’endroit, par exemple, des victimes du distilbène, ce produit administré en masse jusque dans les années 80 aux femmes enceintes avec les conséquences que l’on connaît jusqu’à la troisième génération. De même, le sort des victimes des syndromes de Lyell et de Stevens-Johnson, atteintes graves de la peau et des muqueuses, a été évoqué également.

Aujourd’hui, il est donc urgent de faire adopter dans notre arsenal judiciaire une action de groupe permettant aux victimes du médicament une indemnisation rapide et directe auprès du responsable sans attendre 10 ou 15 années de procédure ou la constitution d’un énième fonds d’indemnisation dont le financement, au final, est le plus souvent assuré par les deniers publics.