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Direction de la séance

Projet de loi

Représentation des Français hors de France

(Nouvelle lecture)

(n° 684 , 686 )

N° 1

25 juin 2013


 

AMENDEMENT

présenté par

C Sagesse du Sénat
G Défavorable
Rejeté

MM. COINTAT, CANTEGRIT, del PICCHIA, DUVERNOIS, FERRAND et FRASSA et Mmes GARRIAUD-MAYLAM et KAMMERMANN


ARTICLE 2


Rédiger ainsi cet article :

Les conseillers consulaires et les conseillers à l’Assemblée des Français de l’étranger sont élus pour six ans au suffrage universel direct.

 

Objet

L’Assemblée nationale a maintenu l’élection de l’Assemblée des Français de l’étranger au suffrage universel indirect. Ce système est un rejet pur et simple des délibérations unanimes de l’Assemblée des Français de l’étranger qui a explicitement demandé à plusieurs reprises ces deux dernières années une élection au suffrage universel direct. Nul n’est certes tenu de répondre aux vœux unanimes des représentants des Français de l’étranger démocratiquement élus au suffrage universel direct. Mais on ne reprochera pas aux auteurs du présent amendement de défendre jusqu’au bout la position claire, précise et surtout essentiellement démocratique de l’Assemblée que la loi du 7 juin 1982 qualifie d’« Assemblée représentative des Français de l’étranger. »

« La France est une République démocratique » précise l’article 1er de la Constitution. Les Français de l’étranger, entièrement convaincus de la pertinence de ce principe constitutionnel, souhaitent qu’à tous les niveaux de représentation, leurs instances représentatives soient élues au suffrage universel direct. Le refuser, c’est, à l’évidence, faire régresser la démocratie. Il serait très dommageable de commencer une réforme de la représentation des Français de l’étranger par un recul démocratique. On ne peut à la fois se réclamer de la République et dénier à nos compatriotes expatriés le droit d’élire eux-mêmes directement leurs représentants. On ne peut que constater qu’on les prive ici d’un droit en adoptant la solution du suffrage indirect.

Il s’agit d’autant plus d’une régression qu’il importe de constater que la « démocratie de proximité » prétendument consacrée par le projet de loi aboutit à élire des conseils consulaires sans aucun pouvoir. Ce principe d’exclusion de toute attribution délibérative a été clairement souligné par le Gouvernement, avec une certaine insistance, durant les travaux préparatoires du présent projet de loi. On ne veut pas gêner l’administration et on n’a pas eu l’imagination nécessaire pour trouver des compétences délibératives effectives. Il s’agit donc de beaucoup d’énergie déployée pour créer des instances sans pouvoirs autres que purement consultatifs. Une véritable réforme aurait consisté à doter les instances représentatives de pouvoirs effectifs comme l’avait demandé l’Assemblée des Français de l’étranger. Le Gouvernement et l’administration n’y ont pas cru et ne l’ont pas voulu. Il s’agit donc d’une pseudo-réforme a minima. Les conseils consulaires seront complètement entre les mains de l’administration qui en fera ce qu’elle voudra.

Compte tenu de l’expérience acquise avec les conseillers à l’Assemblée des Français de l’étranger, dont plusieurs ont décrit pendant ces vingt dernières années les difficultés de se faire entendre ou reconnaître, qu’il s’agisse des invitations en cas de visites ministérielles, de participation aux différentes commissions consulaires, des manifestations nationales, de la tenue des permanences dans les différents locaux publics à l’étranger, ou des interventions des élus à l’AFE en faveur de nos compatriotes, cette réforme s’annonce mal. Elle risque d’être, en fait, une mise sous tutelle des futurs élus.

Le choix d’empêcher les membres de l’AFE d’être élus comme tels au suffrage universel direct aura pour effet non seulement son abaissement et une moindre considération de la part du Gouvernement, mais également de la réduire au rang d’ectoplasme juridique ou de conseil fantomatique. Etait-ce l’un des objectifs des promoteurs de cette réforme ? Il s’agira, en tout cas, d’une assemblée dépourvue de tout pouvoir délibératif. Ses membres ès qualités étaient électeurs des sénateurs. Cette compétence disparaît. Ils ne le seront qu’en qualité de conseillers consulaires. On ignore encore ce qu’il adviendra de leur faculté de parrainer les candidats à la présidence de la République, dernière attribution qui leur reste encore. Quant à la faculté d’élire plusieurs des membres de la Caisse des Français de l’étranger, elle disparaîtra bientôt. Dès lors, nous aurons une assemblée des Français de l’étranger à la coquille vide, d’un rang inférieur au précédent Conseil supérieur des Français de l’étranger avant son élection au suffrage universel direct.

Le véritable but de la réforme entreprise était donc de priver les instances représentatives des Français de l’étranger de toute compétence délibérative et de n’en faire que des appendices provisoires et bien commodes de l’administration. Etrange réforme prétendument démocratique en effet. Le précédent Gouvernement avait au moins développé la représentation démocratique des Français de l’étranger en créant les députés des Français de l’étranger, véritables élus du suffrage universel. On voit la différence entre les deux politiques.

Nous proposons au moins de sauver l’élection des conseillers à l’Assemblée des Français de l’étranger au suffrage universel direct, ce qui devrait assurer aux conseillers un minimum de considération de la part du Gouvernement et de l’administration, considération minimale qu’ils ont eu tant de mal à obtenir.

Nous proposons qu’il y ait donc deux scrutins le même jour au suffrage universel direct: l’élection des conseillers consulaires et celle de l’Assemblée des Français de l’étranger. Il y aurait deux déclarations de candidature distinctes, dans chaque lieu de vote, deux bureaux de vote, deux bulletins par électeur, deux listes d’émargement, des isoloirs distincts par catégorie d’élections, deux urnes électorales distinctes, deux dépouillements et recensements général des votes. Le recensement définitif pour l’élection des membres de l’AFE aurait lieu au chef-lieu de chaque circonscription AFE, après transmission des résultats des bureaux de vote, par voie électronique ou télématique. Les mêmes modalités de vote seraient applicables pour les deux scrutins.

On a excipé, au cours des travaux préparatoires, des difficultés de procéder à deux scrutins simultanément. Cette simultanéité introduirait de la confusion dans l’esprit des électeurs. Il existe, à cet égard, plusieurs précédents républicains :

- la tenue concomitante des élections législatives et régionales en 1986 ;

- la tenue concomitante des élections cantonales et municipales, en 2001 et en 2008 ;

- la tenue concomitante des élections cantonales et régionales, en 1992, 1998 et 2004.

Plusieurs décisions du Conseil constitutionnel ont reconnu la constitutionnalité de la concomitance d’élections au suffrage universel direct (90-280 DC, 6 décembre 1990 ; 2010-603 DC, 11 février 2010).

La concomitance de ces élections n’a entraîné aucune difficulté fondamentale. Dans tous ces cas, la complexité d’organisation des élections n’a pu être prouvée. Pourquoi ce qui est possible en métropole ne pourrait l’être à l’étranger ? En vérité, l’application de ce droit électoral commun fait peur aux auteurs de la réforme.

Une loi récente, la loi n° 2013-403 du 17 mai 2013 a d’ailleurs prévu le déroulement simultané de plusieurs élections locales en métropole (élections des conseils départementaux et des conseils régionaux, cf. dernier alinéa nouveau de l’article L 336 du code électoral, résultant de l’article 44 de ladite loi). Sans doute les promoteurs de cette simultanéité seraient-ils stupéfaits d’entendre les arguments invoqués, pour la représentation des Français de l’étranger, à l’encontre d’une organisation concomitante de deux scrutins seulement. Le refus d’accepter la concomitance des élections des conseillers consulaires et des conseillers à l’Assemblée des Français de l’étranger est donc uniquement motivé par la crainte de tracas administratifs. On ne voit pas pourquoi ce qui est accepté en métropole ne peut l’être ici pour les Français de l’étranger, traités ainsi de citoyens de deuxième zone.

L’argument d’inintelligibilité de la loi ne peut donc être invoqué à l’encontre d’une organisation concomitante de l’assemblée des Français de l’étranger. Il suffit que l’administration, les partis politiques et les associations représentatives de nos compatriotes accomplissent leur mission d’information et se mobilisent.