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Direction de la séance

Projet de loi

Consommation

(1ère lecture)

(n° 810 , 809 , 792, 793, 795)

N° 651 rect.

11 septembre 2013


 

AMENDEMENT

présenté par

C Favorable
G Favorable
Adopté

Le Gouvernement


ARTICLE ADDITIONNEL APRÈS ARTICLE 72


Après l’article 72

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. - Sans préjudice de l'action publique et à l'exception des conflits relevant des procédures d'arbitrage professionnelles, sont soumis à une conciliation préalable :

1°  les litiges relatifs à l'application de la loi n° 81-766 du 10 août 1981 relative au prix du livre ;

2°  les litiges relatifs à l'application de la loi n° 2011-590 du 26 mai 2011 relative au prix du livre numérique.

Cette conciliation est mise en œuvre par le médiateur du livre.

Sans préjudice du droit des parties de saisir le juge, le médiateur du livre peut également être saisi des litiges opposant des éditeurs privés à un éditeur public au sujet de ses pratiques éditoriales.

II. - Le médiateur du livre peut être saisi par tout détaillant, toute personne qui édite des livres, en diffuse ou en distribue auprès des détaillants, toute organisation professionnelle ou syndicale concernée, les prestataires techniques auxquels ces personnes recourent, ou par le ministre intéressé. Il peut également se saisir d'office de toute affaire entrant dans sa compétence.

Pour l'examen de chaque affaire, le médiateur du livre invite les parties à lui fournir toutes les informations qu'il estime nécessaires, sans que puisse lui être opposé le secret des affaires, et peut entendre toute personne dont l'audition lui paraît utile.

Cette démarche de conciliation s'exerce dans le respect de la compétence de l'Autorité de la concurrence et du ministre chargé de l'économie. Lorsque les faits relevés par le médiateur du livre apparaissent constitutifs de pratiques anticoncurrentielles visées aux articles L. 420-1 et suivants du code de commerce, le médiateur du livre saisit l'Autorité de la concurrence.

Dans le respect de la liberté de négociation commerciale des parties, le médiateur du livre favorise ou suscite toute solution de conciliation. Lorsque le médiateur constate un accord entre les parties, il rédige un procès-verbal précisant les mesures à prendre pour le mettre en oeuvre. Il peut rendre public le procès-verbal de conciliation sous réserve des informations couvertes par le secret des affaires.

Si aucun accord n'a pu être trouvé entre les parties, le médiateur peut adresser aux parties une recommandation précisant les mesures qui lui paraissent de nature à mettre fin à la situation litigieuse.

En cas d'échec de la conciliation, le médiateur du livre peut, dans les domaines relevant de sa compétence, saisir la juridiction compétente pour lui demander d'ordonner la cessation des pratiques contraires aux lois du 10 août 1981 et du 26 mai 2011 précitées.

Si les faits dont il a connaissance sont susceptibles de recevoir une qualification pénale, le médiateur du livre informe le ministère public.

Le médiateur du livre peut formuler des préconisations afin de faire évoluer les dispositions normatives relevant de son champ de compétences.

Le médiateur du livre adresse chaque année un rapport sur ses activités au ministre chargé de la culture.

Un décret en Conseil d’État précise les conditions d'application des présentes dispositions, notamment les modalités de désignation du médiateur.

Objet

Les spécificités économiques et culturelles de l'industrie du livre ont conduit les pouvoirs publics à mettre en place des mécanismes de régulation par le recours à des dispositifs législatifs (loi de 1981 relative au prix du livre, loi de 2011 relative au prix du livre numérique, etc.). Cependant, dans un contexte en profonde mutation, ces dispositifs législatifs ne suffisent pas à garantir les équilibres économiques entre les différents acteurs de la chaîne du livre. En raison de l’arrivée de nouveaux acteurs issus de l’Internet, qui ne participent pas aux instances interprofessionnelles existantes et de rapports de force qui, parfois, ne permettent pas au dialogue entre partenaires commerciaux d’aboutir, les instances mises en place par l’interprofession peinent à arbitrer les conflits, le recours au juge étant par ailleurs envisagé avec une très grande prudence par les professionnels. Ce constat tend à démontrer l'utilité d'une autorité intermédiaire pouvant être saisie facilement et favorisant la conciliation des litiges.

Il est proposé de confier cette fonction à un médiateur du livre qui sera institué en tant qu'autorité administrative indépendante et dont le principe doit être inscrit dans la loi afin de le doter de l'autorité nécessaire à l'accomplissement de ses missions. La nécessité pour le secteur du livre de disposer d'une autorité forte, indépendante et capable de s'interposer face à des opérateurs puissants s'impose aujourd'hui.

La compétence du médiateur du livre est définie de manière précise et limitative : la conciliation des litiges portant sur l'application de la loi du 10 août 1981, de la loi du 26 mai 2011 ainsi que les différents portant sur l'activité éditoriale des éditeurs publics. S’agissant de cette dernière mission, le médiateur se substitue au médiateur de l’édition publique, sans personnalité juridique, qui avait été institué par circulaire le 9 décembre 1999.

Sa saisine est largement ouverte aux différentes catégories d'acteurs de la commercialisation du livre ainsi qu'à leurs organisations représentatives et au ministre chargé de la culture. Le texte prévoit également la possibilité d'une auto saisine par le médiateur.

Sauf lorsqu'il est saisi de litiges portant sur l'activité éditoriale des éditeurs publics, la saisine du médiateur est un préalable obligatoire à toute saisine du juge compétent, la partie défenderesse se trouvant de ce fait obligée de déférer à la demande de conciliation pré juridictionnelle.

Le rôle du médiateur est de deux ordres différents :

- tout d'abord l'organisation de la conciliation avec la réunion des parties. Son rôle est d'inciter les parties à trouver un accord dans des termes conformes à la loi. En cas d'accord, le procès-verbal établi par le médiateur sera soumis à la signature des parties.

- dans un deuxième temps, et en cas d'échec de la conciliation, le médiateur peut intervenir comme autorité régulatrice et adresser une recommandation aux parties. Elle aurait notamment pour objet de proposer aux parties une solution équitable au litige et conforme à la loi. Les parties à qui elle s'adresserait seraient libres de ne pas la suivre mais seraient toutefois tenues d'informer le médiateur des suites qu'elles envisageraient de lui donner. Ce pouvoir de recommandation devrait permettre au médiateur d'intervenir aussi au-delà de ce qui apparaîtrait illicite. On peut imaginer des situations qui, sans pouvoir être qualifiées de pratiques commerciales illicites, peuvent avoir des effets négatifs sur des équilibres de la filière du livre. La recommandation laisserait les opérateurs libres de ne pas modifier leur comportement, celui-ci n'étant par hypothèse pas illicite.

En cas d'échec de la conciliation et seulement s'il constate un manquement aux lois relatives au prix du livre, le médiateur a la capacité de saisir les juridictions compétentes. Le texte ne donne pas en revanche de pouvoir de décision au médiateur en cas d'échec de la conciliation.

Le médiateur n'aura pas à s'immiscer dans ce qui relève de la concertation professionnelle. Les réflexions sur les questions générales intéressant la profession incombent aux organisations syndicales et professionnelles (Syndicat national de l'édition, syndicat de la librairie française, etc.) dans le cadre des instances spécialement créées à cet effet (commission des usages commerciaux, commission de suivi du protocole d'accord, etc.).

La création du médiateur du livre ne doit pas apporter de restriction à ce qui doit relever de la liberté de négociation commerciale. A la différence d'autres autorités administratives, le médiateur du livre n'a pas le pouvoir de fixer par une décision administrative un des aspects de la relation commerciale (la remise au libraire par exemple).

Enfin, la conciliation doit s'exercer dans le respect de la compétence de l'Autorité de la concurrence. Si le médiateur a connaissance de faits qui lui paraissent constitutifs de pratiques anticoncurrentielles, le médiateur du livre doit alors saisir l'Autorité de la concurrence.

Le médiateur du livre peut par ailleurs établir des préconisations à l'attention des pouvoirs publics sur l'adaptation des textes en vigueur dans son champ de compétences.