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Direction de la séance

Projet de loi

Croissance, activité et égalité des chances économiques

(1ère lecture)

(PROCÉDURE ACCÉLÉRÉE)

(n° 371 , 370 )

N° 1245 rect.

10 avril 2015


 

AMENDEMENT

présenté par

C Défavorable
G Défavorable
Rejeté

Mmes ASSASSI et DAVID, M. WATRIN, Mme COHEN

et les membres du groupe communiste républicain et citoyen


ARTICLE ADDITIONNEL APRÈS ARTICLE 91


Après l’article 91

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L’article L. 3122-6 du code du travail est abrogé.

Objet

Cet amendement vise à supprimer cet article du code du travail qui a pour objectif de permettre aux employeurs d’imposer à leurs salariés d’importantes modulations du temps de travail, sans qu’ils n’aient à craindre les sanctions judiciaires, à l’image de celle prononcée par la Cour de cassation le 28 septembre 2010 qui avait clairement affirmé qu’un accord collectif ne pouvait imposer au salarié une modulation de son temps de travail sans requérir préalablement son consentement exprès.

Cette décision de la chambre sociale de la Cour de cassation est par ailleurs cohérente avec une série d’arrêts préalablement rendus par différentes juridictions, affirmant que la modulation du temps du travail devait s’assimiler à une modification du contrat de travail lui-même.

Or la modification du contrat de travail ne peut, en raison de l’application de la règle du parallélisme des formes, se réaliser sans le consentement du salarié. C’est la raison pour laquelle les employeurs présentent les modifications du contrat de travail des salariés comme de simples modifications dans les conditions de travail de ces derniers. Or, en l’état actuel du droit, tel qu’issu de l’adoption de la loi du 22 mars 2012 précitée, l’employeur n’est plus tenu au paiement d’une majoration pour le temps de travail excédent 35 heures dans une même semaine, puisque, de fait, la référence à la durée légale hebdomadaire de travail est supprimée.

Elle est pourtant d’ordre public social, ainsi que le seuil de déclenchement des heures supplémentaires également d’ordre public social. Ainsi, il pourrait y avoir des semaines où les salariés, bien que travaillant plus de 35 heures, ne gagneraient pas plus. Le temps de travail étant en quelque sorte lissé sur les semaines d’accroissement et de réduction de temps de travail. – 5 – mais on voit bien, au-delà de la seule question des heures supplémentaires, qu’il s’agit avec cet article d’une entreprise délibérée d’affaiblissement des droits des salariés via le renforcement des prérogatives unilatérales confiées à l’employeur.

Comment nier, par exemple, que la menace de licenciements économiques, dans un contexte de crise et où les représentants des salariés n’ont aucun pouvoir réel pour les empêcher ou pour constater la réalité économique des licenciements, puisse inciter les délégués syndicaux à signer des accords dérogatoires à la loi, parfois très défavorables aux salariés, dans le seul espoir de conserver leurs emplois. Souvenons-nous, – 6 – par exemple, du cas des salariés de Continental-Clairoix qui, en 2009, avaient renoncé aux 35 heures en échange de l’engagement patronal de conserver l’emploi. La réalité fut tout autre, le site fermant totalement l’année suivante. Si les salariés ont réellement renoncé à des droits existants, l’engagement de l’employeur n’est pour sa part que virtuel. C’est une conséquence directe du lien de subordination qui lie les salariés à leurs employeurs, c’est pourquoi tout doit être mis en œuvre pour que les mesures les plus protectrices s’appliquent à eux. Car au final les protections garanties aux salariés, tant dans leur contrat de travail que dans la loi, sont les contreparties légitimes à ce lien de subordination, qui place le salarié dans une telle situation de dépendance. Il en va ainsi de ce qu’il est convenu d’appeler le « principe de faveur », auquel l’inversion de la hiérarchie des normes et l’article 45 de la loi n° 2012-387 du 22 mars 2012 ont mis fin.

Or, en autorisant dans la loi l’employeur à organiser à sa guise le temps libre du salarié, en lui imposant contre sa volonté des modifications d’horaires, le législateur fait comme si l’employeur disposait en permanence d’un pouvoir sur ses salariés

Aussi, compte tenu de tous ces éléments, les auteurs de cet amendement proposent la suppression de l’article L. 3122-6 du code du travail afin de réaffirmer l’importance, pour les salariés, du maintien du principe de faveur.



NB :La rectification consiste en un changement de place (d'un article additionnel après l'article 81 bis vers un article additionnel après l'article 91).