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Direction de la séance

Projet de loi

Croissance, activité et égalité des chances économiques

(1ère lecture)

(PROCÉDURE ACCÉLÉRÉE)

(n° 371 , 370 )

N° 1552

2 avril 2015


 

AMENDEMENT

présenté par

C Défavorable
G Favorable
Rejeté

Le Gouvernement


ARTICLE 11


Rédiger ainsi cet article :

Le code de commerce est ainsi modifié :

1° Au premier alinéa de l’article L. 464-8, après la référence : « L. 464-6-1 », est insérée la référence : « , L. 752-26 » ;

2° L’article L. 752-26 est ainsi rédigé : 

« Art. L. 752-26. – I. – En cas d’existence d’une position dominante et de détention par une entreprise ou un groupe d’entreprises exploitant un ou plusieurs magasins de commerce de détail d’une part de marché supérieure à 50 %, qui soulève des préoccupations de concurrence du fait de prix ou de marges élevés que l’entreprise ou le groupe d’entreprises pratique en comparaison des moyennes habituellement constatées dans le secteur économique concerné, l’Autorité de la concurrence peut faire connaître ses préoccupations de concurrence à l’entreprise ou au groupe d’entreprises en cause, en précisant son estimation de la part de marché et du niveau de prix ou de marges qui justifie ces préoccupations. L’entreprise ou le groupe d’entreprises peut, dans un délai de deux mois, lui proposer des engagements dans les conditions prévues à l’article L. 464-2.

« La part de marché mentionnée au premier alinéa du présent I est évaluée selon le chiffre d’affaires réalisé dans le secteur économique et dans la zone de chalandise concernés ou selon les surfaces commerciales exploitées dans la zone de chalandise concernée.

« II. – Si l’entreprise ou le groupe d’entreprises conteste les préoccupations de concurrence soulevées, ne propose pas d’engagements, ou si les engagements proposés ne lui paraissent pas de nature à mettre un terme à ses préoccupations de concurrence, un rapport est notifié par l’Autorité de la concurrence à l’entreprise ou au groupe d’entreprises qui peut présenter ses observations dans un délai de deux mois.

L’Autorité de la concurrence peut, par une décision motivée, prise après réception des observations de l’entreprise ou du groupe d’entreprises en cause et à l’issue d’une séance devant le collège, lui enjoindre de modifier, de compléter ou de résilier, dans un délai déterminé qui ne peut excéder six mois, tous accords et tous actes par lesquels s’est constituée la puissance économique qui permet les prix ou les marges élevés constatés. Elle peut, dans les mêmes conditions, lui enjoindre de procéder, dans un délai  qui ne peut être inférieur à six mois, à la cession d’actifs, y compris de terrains, bâtis ou non, si cette cession constitue le seul moyen permettant de garantir une concurrence effective. L’Autorité de la concurrence peut sanctionner l’inexécution de ces injonctions dans les conditions prévues à l’article L. 464-2.

« III. – Au cours des procédures définies aux I et II du présent article, l’Autorité de la concurrence peut demander communication de toute information dans les conditions prévues aux articles L. 450-3, L. 450-7 et L. 450-8 et entendre tout tiers intéressé. »

Objet

L’amendement vise à revenir au texte adopté par l’Assemblée nationale tout en renforçant le caractère contradictoire de la procédure.

En effet le texte adopté par la Commission spéciale affaiblit l’efficacité du dispositif tout en introduisant une complexification de la procédure.

En premier lieu, les préoccupations de concurrence ne peuvent pas consister à démontrer que l’entreprise dégage une rentabilité élevée par le constat de marges nettes anormalement élevées. La substitution d’un tel critère à celui de prix ou marge élevés rendrait la loi très facilement contournable. Il est en effet relativement aisé de diminuer artificiellement le résultat net. L’entreprise peut ainsi payer un loyer élevé à une SCI dont elle est propriétaire, faire remonter des sommes l'argent à sa centrale d'achat ou de référencement par différents jeux de facturation interne, rémunérer le propriétaire du magasin en salaire plutôt qu'en dividendes.

En deuxième lieu, le texte rompt l’équilibre entre les deux phases négociée et contentieuse prévues en conférant à la phase négociée les caractéristiques d’une procédure contentieuse. En effet, dès la phase négociée, l’ADLC devrait produire ses préoccupations de concurrence dans un rapport sur lequel les entreprises en cause devraient pouvoir faire des observations à l’issue d’une séance devant l’ADLC. A l’instar d’une notification de griefs, le rapport devrait être accompagné des documents sur lesquels il se fonde. Cette procédure complexifierait la phase négociée qui par définition ne soulève pas de contestation de l’entreprise. Le renforcement de la procédure à ce stade est inutile.

En revanche, comme le prévoit le texte adopté par la Commission spéciale, le gouvernement est très favorable au renforcement du contradictoire de la phase contentieuse. Il s’agirait ainsi :

- De contraindre l’ADLC à établir un rapport soumis au débat contradictoire lorsqu’elle souhaite prendre une mesure d’injonction structurelle alors que les entreprises contestent les préoccupations de concurrence, ne proposent pas d’engagements ou si les engagements proposés paraissent insuffisants à l’ADLC.

De passer de 3 mois à un délai qui ne peut excéder 6 mois, le délai dans lequel l’injonction de résiliation des accords ou actes ayant permis la constitution de la puissance d’achat qui s’est traduite par des prix ou marges élevées doit être exécutée. De passer d’un délai laissé à l’appréciation de l’ADLC et sans limité inférieure de durée à un délai qui ne peut être inférieur à 6 mois la mise en œuvre de l’injonction de cession d’actifs.

En troisième lieu, le texte adopté par la Commission spéciale vise à exclure l’utilisation des informations obtenues par l’ADLC a l’occasion de la procédure d’injonction structurelle dans le cadre d’une procédure ultérieure pour pratiques anticoncurrentielle. Il vise également à ne pas permettre d’user de la procédure d’injonction structurelle dans les 3 années qui suivent une décision de non-lieu pour abus de position dominante et dans les 3 années d’une décision d’autorisation de concentration dont les engagements ont été respectés.

Sur le premier point, cette précision est inutile dans la mesure où l’ADLC ne peut pas juridiquement utiliser les pièces d’un dossier clos pour alimenter une procédure d’infraction dans un autre dossier.

Sur le deuxième point, et notamment sur l’engagement d’une procédure d’injonction structurelle après un non-lieu pour abus de position dominante, il s’agit d’une hypothèse d’école. En effet, l’ADLC saisie in rem, c’est à dire de faits, n’est pas liée par la qualification juridique des faits qui lui sont soumis. En conséquence si la plainte qu’elle instruit dénonce une pratique d’abus de position dominante résultant de prix anormalement élevés, et dans l’hypothèse où le standard habituel de preuve d’une telle pratique ne serait pas établi, elle peut examiner si les faits dénoncés peuvent être qualifié au regard des critères justifiant des mesures d’injonction structurelle.

Sur le troisième point, les procédures d’injonction structurelle et de concentration obéissent à des conditions de mise en œuvre radicalement distinctes. L’injonction structurelle intervient à titre curatif pour mettre un terme à une situation objective impliquant la réunion de critères précis (position dominante, part de marché supérieure à 50 %, pratiques de prix ou de marges élevés en comparaison de moyennes habituellement constatés dans le secteur économique concerné), alors que l’intervention de l’ADLC en matière de concentration économique répond à une demande des entreprises (notification de l’opération) et revêt un caractère préventif fondé sur le risque potentiel d’une atteinte à la concurrence sur un marché.