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Direction de la séance

Projet de loi

Modernisation du système de santé

(1ère lecture)

(PROCÉDURE ACCÉLÉRÉE)

(n° 654 , 653 , 627, 628)

N° 243 rect. bis

14 septembre 2015


 

AMENDEMENT

présenté par

C Avis du Gouvernement
G Défavorable
Adopté

MM. HOUPERT, BONNECARRÈRE, CADIC, LONGUET, SAUGEY et MAYET, Mme DEROMEDI et MM. LEFÈVRE, JOYANDET, CHARON et GUERRIAU


ARTICLE ADDITIONNEL APRÈS ARTICLE 50 B


Après l’article 50 B

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. – Au premier alinéa du IV de l’article 146 de la loi n° 2011-1977 du 28 décembre 2011 de finances pour 2012, la date : « 1er janvier 2012 » est remplacée deux fois par la date : « 5 septembre 2001 ».

II. – Le premier alinéa de l’article L. 252-1 du code des assurances est complété par une phrase ainsi rédigée :

« Il en est de même des personnes soumises à la même obligation et se voyant opposer à deux reprises des exigences de primes augmentées au-delà des seuils maximum d’appel de cotisations retenus pour la fixation de l’aide à la souscription d’assurance prévue à l’article 16 de la loi n° 2004-810 du 13 août 2014 relative à l’assurance maladie. » 

III. – Au premier alinéa de l’article L. 1142-29 du code de la santé publique, après les mots : « à leur indemnisation », sont insérés les mots : « au coût de leur couverture assurantielle ».

Objet

Cet amendement a pour objet de simplifier et de rendre plus justes, d’une part, les conditions d’intervention du fonds de garantie des dommages consécutifs à des actes de prévention, de diagnostic ou de soins dispensés par les professionnels de santé exerçant à titre libéral, d’autre part, les conditions de saisie par les médecins libéraux du Bureau central de tarification (BCT) - qui a pour rôle de fixer le montant de la prime par laquelle un assureur est tenu de garantir le risque qui lui a été proposé-, et, enfin, le mode de fonctionnement de l’observatoire des risques médicaux (ORM).

Pour faire revenir les assureurs sur le marché de la responsabilité civile professionnelle des praticiens et établissements de santé, les lois n° 2002-303 du 4 mars 2002 (dite « Kouchner ») et n° 2002-1577 du 30 décembre 2002 (dite « About ») ont réformé la couverture d’assurance responsabilité civile professionnelle médicale. Ces réformes, qui ont créé une grande complexité juridique, ont eu pour effet secondaire regrettable de priver les médecins, dans plusieurs hypothèses, d’une couverture d’assurance suffisante, de sorte que ces praticiens de santé furent alors exposés à des risques de « trous de garantie » dans la couverture de leur assurance.

Une première réforme du dispositif est intervenue par l’adoption de l’article 44 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2010. Mais cette disposition s’est avérée insuffisante concernant particulièrement les obstétriciens car, lorsqu’un enfant est victime d’un grave handicap à la naissance, la prescription ne commence qu’au jour de la majorité de cet enfant et les dommages-intérêts alloués par les juges tiennent compte du coût des soins à délivrer toute une vie à une personne lourdement handicapée : la réforme ne protégeait pas les obstétriciens d’un risque de ruine du fait d’un dépassement des plafonds d’assurance. Une nouvelle réforme s’est donc avérée nécessaire.

L’article 146 de la loi n° 2011-1977 du 28 décembre 2011 de finances pour 2012 a alors créé « un fonds de garantie des dommages consécutifs à des actes de prévention, de diagnostic ou de soins dispensés par les professionnels de santé exerçant à titre libéral ». Financé par une contribution forfaitaire annuelle à la charge des professionnels de santé libéraux, ce fonds doit prendre en charge la part des indemnisations allouées aux victimes et, en cas de décès, à leurs ayants droit, qui dépasse le montant minimal d’un plafond fixé par décret ou, s'il est supérieur, du plafond de garantie prévu par le contrat d'assurance.

Cependant, le paragraphe IV de l’article 146 précité limite l’intervention du fonds de garantie aux cas des sinistres faisant l'objet d'une réclamation « mettant en jeu un contrat d'assurance conclu, renouvelé ou modifié à compter du 1er janvier 2012 ». En clair, cela signifie que si une réclamation a été portée avant 2012 contre un praticien qui a ensuite changé d’assureur - soit qu’il y ait été contraint du fait d’une augmentation insoutenable de la prime d’assurance, soit qu’il ait pu faire jouer la concurrence, comme le recommandent les pouvoirs publics -, alors ce praticien ne peut bénéficier de l’intervention du Fonds de garantie qui ne prendra pas en charge la part des indemnisations allouées qui dépasse le plafond de la couverture d’assurance puisque le contrat applicable à compter du 1er janvier 2012 n’avait pas été conclu antérieurement et n’est donc pas mis en jeu par la réclamation et qu’il ne peut être considéré comme un renouvellement ou une modification du précédent.

De plus, lorsqu’un praticien a cessé toute activité avant 2012, le dernier contrat conclu par le praticien continue à faire effet pendant dix ans après l’arrêt du travail mais si une réclamation est portée pendant cette période ou avant même la cessation d’activité, la part des indemnisations supérieure au plafond de la couverture d’assurance reste là encore à la charge du praticien, car la réclamation ne met pas en jeu un contrat « conclu, renouvelé ou modifié à compter du 1er janvier 2012 ».

Malheureusement, ces hypothèses ne sont pas théoriques : plusieurs obstétriciens sont aujourd’hui menacés de ruine car ils ont fait l’objet de réclamations déposées avant 2012 et pour lesquelles les juges ne fixeront le montant définitif de l’indemnisation que dans plusieurs années, à la majorité des victimes des dommages. Or, compte tenu des progrès de la médecine, l’espérance de vie d’un enfant handicapé, même lourdement, est comparable à celle des autres personnes : les indemnisations doivent donc couvrir le coût de soins qui seront dispensés pendant toute une vie, en tenant compte de surcroît des effets de l’inflation prévisible pendant cette période. Pour ces raisons, les dommages-intérêts qui seront définitivement arrêtés pourront s’élever à des sommes considérables qui dépasseront de beaucoup les plafonds de couverture d’assurance en vigueur au moment où les réclamations ont été portées, alors que le Fonds de garantie ne pourra pas intervenir parce que chacune de ces affaires exceptionnelles ne met pas en jeu un contrat « conclu, renouvelé ou modifié à compter du 1er janvier 2012 ».

Le risque de ruine auquel sont exposés plusieurs obstétriciens ne repose sur aucune logique, alors surtout que la création du Fonds de garantie avait précisément pour objectif d’éviter de telles situations qui peuvent s’avérer dramatiques pour les praticiens concernés et leurs familles. Pour l’ensemble de ces raisons, le premier paragraphe du présent amendement a pour objectif d’étendre le champ d’intervention du Fonds de garantie créé en 2011 afin qu’il couvre le champ des contrats conclus, renouvelés ou modifiés à compter non plus du 1er janvier 2012 mais du 5 septembre 2001, date de prise d’effet de la loi précitée du 4 mars 2002. Cette réforme ne coûtera rien à la collectivité publique puisque le Fonds de garantie est financé par les seuls praticiens libéraux.

D’autre part, si les praticiens de santé sont assujettis à l’obligation de souscrire une assurance pour couvrir leur responsabilité professionnelle, certains spécialistes, comme les obstétriciens, se heurtent fréquemment à des refus d’assurance. L’article L 252-1 du code des assurances, créé par la loi n° 2002-303 du 4 mars 2002 précitée, autorise certes ces praticiens, s’ils ont fait l’objet de deux refus, à saisir le Bureau central de tarification  (BCT) qui « a pour rôle exclusif de fixer le montant de la prime moyennant laquelle l’entreprise d’assurance intéressée est tenue de garantir le risque qui lui a été proposé ».

Mais, depuis la loi n° 2002-1577 du 30 décembre 2002 précitée, le contrat conclu par le praticien lors de sa dernière année d’activité couvre ce dernier pour les plaintes portées pendant les dix années qui suivent la cessation d’activité. Pour cette raison, les assureurs élèvent fortement les primes d’assurance des praticiens qui approchent l’âge auquel ils peuvent prendre leur retraite. Ces niveaux de prime s’avèrent alors excessifs en regard des tarifs des actes fixés par l’assurance maladie et qui servent de base de rémunération des praticiens. Ces derniers ne peuvent saisir le BCT pour fixer une prime raisonnable car une proposition de prime très élevée, même manifestement excessive, n’est pas considérée par le BCT comme un refus d’assurance. Cette situation conduit de nombreux médecins expérimentés à cesser d’exercer leur spécialité de façon anticipée alors que leur expérience serait nécessaire au bon fonctionnement du système de santé. D’autres praticiens encore se voient proposer au cours de leur carrière de brutales augmentations de primes d’assurance qui ne sont pas justifiées par une augmentation significative de la sinistralité. Or, compte tenu du petit nombre d’assurances sur le marché de la responsabilité médicale, les chirurgiens et obstétriciens ne peuvent espérer résister aux augmentations abusives des primes en faisant jouer la concurrence entre les compagnies d’assurance.

Pour ces raisons, le deuxième paragraphe du présent amendement a pour objectif d’élargir le droit des praticiens à saisir le BCT afin que celui-ci puisse déterminer le montant des primes d’assurance des praticiens sur des bases objectives et rationnelles, lorsque les propositions des assureurs ne paraissent pas justifiées par la sinistralité des demandeurs et qu’elles pourraient s’analyser comme un refus d’assurance dissimulé. La réforme s’inspire du mécanisme institué pour la fixation du montant de l’aide à la souscription d’assurance prévue à l’article 16 de la loi n° 2004-810 du 13 août 2004 et plus particulièrement des seuils maximum d’appel de cotisations fixés sur ce point par un décret.

Enfin,  si l’article L 1142-29 du code de la santé publique prévoit le rattachement à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) d’un « observatoire des risques médicaux [ORM] dont l'objet est d'analyser les données relatives aux accidents médicaux, affections iatrogènes et infections nosocomiales, à leur indemnisation et à l'ensemble des conséquences, notamment financières, qui en découlent », cet ORM ne collecte pas les informations relatives aux primes versées par les praticiens de santé, lesquelles ne peuvent être donc mises en regard des indemnisations versées par les assureurs. Le troisième paragraphe du présent amendement a pour objectif de corriger cette lacune afin que l’ORM soit en mesure d’apprécier le bien-fondé de la politique tarifaire des assurances au regard du coût réel de la sinistralité médicale.



NB :La présente rectification porte sur la liste des signataires.