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Direction de la séance

Projet de loi constitutionnelle

Protection de la Nation

(1ère lecture)

(n° 395 , 447 )

N° 45 rect.

15 mars 2016


 

AMENDEMENT

présenté par

C Défavorable
G  
Tombé

M. YUNG, Mmes KHIARI, LEPAGE et CONWAY-MOURET, M. ANZIANI, Mme MEUNIER, MM. VAUGRENARD et DURAN, Mme CLAIREAUX, MM. PATRIAT et NÉRI, Mme GUILLEMOT, MM. LABAZÉE et DAUDIGNY, Mmes LIENEMANN et YONNET, M. ROGER et Mme MALHERBE


ARTICLE 2


Rédiger ainsi cet article :

Le deuxième alinéa de l’article 34 de la Constitution est remplacé par deux alinéas ainsi rédigés : 

« – les droits civiques, y compris les conditions de dégradation de ces droits ainsi que des droits civils et de famille lorsqu’une personne est condamnée pour un crime ou un délit constituant une atteinte grave à la vie de la Nation ;

« – les garanties fondamentales accordées aux citoyens pour l’exercice des libertés publiques ; la liberté, le pluralisme et l’indépendance des médias ; les sujétions imposées par la Défense nationale aux citoyens en leur personne et en leurs biens ; ».

Objet

La France a été frappée à plusieurs reprises par des terroristes issus de son sol et se revendiquant de l’organisation Daesh. Ces hommes et femmes se sont attaqués à notre nation, suscitant une condamnation unanime. Symboliquement, cette condamnation peut se trouver traduite dans le texte fondateur de la République pour marquer l’union de la Nation contre le terrorisme.

Il s’agirait d’inscrire à l’article 34 de la Constitution la dégradation des droits civiques, civils et de famille et de réintégrer par là même dans notre droit la notion de peine infamante.

En effet, l’idée d’exclure de la communauté civique des individus ayant rompu avec ses valeurs n’est pas nouvelle. Elle a été mise en œuvre dès la Révolution, et plus récemment à la Libération pour punir les actes de collaboration, et ce sous diverses dénominations allant du crime de « lèse-nation » à celui d'« indignité nationale ».

Ainsi, l’ordonnance du 26 août 1944 prévoyait l’application d’une peine de dégradation nationale pour punir le crime d’indignité nationale, qui entraînait la privation de tous les droits civils, civiques et familiaux ainsi que de multiples interdictions professionnelles et l’interdiction de se rendre dans certaines zones.

Directement lié à la période 1940-1944 et à l’épuration, ce chef d’accusation n’a pratiquement pas été utilisé après la loi d’amnistie de 1951. Sans avoir été formellement abrogée, cette incrimination s’est éteinte par désuétude. Sans qu’aucun obstacle juridique ne s’y oppose, la réactivation de cette incrimination semble inopportune, comme le souligne le rapport d’information du 25 mars 2015 de la commission des lois de l’Assemblée nationale.

Il nous semble dès lors plus judicieux de retenir une autre solution juridique, dépourvue d’anachronisme, en promouvant la dégradation civique.

Depuis l’entrée en vigueur du code pénal de 1992, cette dégradation civique prend la forme d’une « interdiction des droits civiques, civils et de famille ». Elle est notamment applicable, comme peine complémentaire, aux auteurs des crimes et délits portant atteinte aux intérêts fondamentaux de la Nation (article 414-5) ou constituant des actes de terrorisme (article 422-3). Elle porte sur le droit de vote, l’éligibilité – ce qui emporte incapacité d’exercer une fonction publique –, le droit de témoigner en justice, le droit d’être tuteur ou curateur, etc. (article 131-26).

Nous souhaitons requalifier cette interdiction en dégradation, et en inscrire le principe dans la Constitution. Cela marquerait le caractère infamant de cette peine, sorte de « mort civique symbolique », qui serait tout aussi fort que dans le cadre de la déchéance de nationalité.

Remplacer la déchéance de nationalité par la dégradation civique aurait notamment pour avantage d’abolir toute inégalité entre les Français, qu’ils soient binationaux nés Français, binationaux ayant acquis la nationalité française, ou mononationaux, et cela tout en évitant la création d’apatrides.

Ainsi, alors que la déchéance de nationalité serait une mesure inefficace car à la portée terriblement réduite, la peine de dégradation civique pourrait s’appliquer à tous. Si un seul des terroristes responsables des attaques de 2015 aurait pu être déchu de la nationalité française, en sa qualité de binational franco-belge, l’ensemble des auteurs de ces attentats auraient pu être concernés par la mesure que nous proposons d’inscrire dans la Loi fondamentale.

Enfin, et selon les enquêtes d’opinion, près de 70% des Français expriment leur préférence pour l’indignité nationale par rapport à la déchéance de nationalité. Alors que le débat portant sur le projet de loi constitutionnelle fait rage depuis plus de deux mois, tant à gauche qu’à droite, la réinstauration de la dégradation civique aurait donc le mérite d’y mettre définitivement un terme.



NB :La présente rectification porte sur la liste des signataires.
La mention « Tombé » signifie qu'il n'y avait pas lieu de soumettre l'amendement au vote du Sénat dans la mesure où soit l'objectif poursuivi par l'amendement a été atteint par l'adoption d'un autre amendement (ex. : amendement de rédaction globale incluant la modification proposée), soit, au contraire, l'amendement était incompatible avec un amendement précédemment adopté (ex. : l'adoption d'un amendement de suppression fait tomber tous les autres).