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Direction de la séance

Projet de loi

Confiance dans l'action publique

(1ère lecture)

(PROCÉDURE ACCÉLÉRÉE)

(n° 609 , 607 , 602)

N° 205

10 juillet 2017


 

AMENDEMENT

présenté par

C Défavorable
G Favorable
Rejeté

Le Gouvernement


ARTICLE 1ER BIS


Supprimer cet article.

Objet

La commission des lois du Sénat a adopté un amendement visant à modifier la rédaction du délit de prise illégale d'intérêts au motif que la jurisprudence retient une acception trop imprécise de la notion d'intérêt, en permettant notamment de sanctionner la prise d'un intérêt moral voire d'une simple erreur de forme. Il en résulterait pour les élus locaux une forte exposition à risque de condamnation pénale pour des manquements purement formels.

 Le Gouvernement conteste une telle analyse et souhaite rétablir ce texte dans sa rédaction actuelle.

 En effet, ce délit ne doit pas être confondu avec l'infraction de corruption qui suppose l'existence d'un pacte aux termes duquel l'agent public peut obtenir une contrepartie, de quelque nature qu'elle soit.

 La prise illégale d'intérêts sanctionne quant à elle une forme de conflit d'intérêts afin de s'assurer que les décideurs publics n'aient pas un intérêt autre que celui de l'intérêt général lorsqu'ils sont en charge de la surveillance, l'administration, la liquidation ou le paiement dans une entreprise ou une opération. Il s'agit de s'assurer que leur jugement ne soit pas altéré par un autre intérêt que l'intérêt général d'une part, et qu'ils ne puissent pas être suspectés de complaisance dans l'exercice de leurs prérogatives d'autre part. A l'inverse, la rédaction proposée dans l'amendement aurait pour conséquence de dépénaliser toutes les situations dans lesquelles l'intérêt de l'élu rejoint l'intérêt de la collectivité lorsqu'il participe à la décision, alors qu'elles peuvent mettre en cause la probité de l'élu et favoriser le clientélisme.

 C'est d'ailleurs le sens de la jurisprudence de la Cour de cassation, qui considère que la prise illégale d'intérêts ne sanctionne qu'un comportement d'ingérence et en aucun cas l'objectif poursuivi ou le résultat escompté par l'auteur des faits.

 Or il est parfaitement légitime de réprimer un tel comportement, y compris lorsque le décideur public a un intérêt moral notamment lorsqu'un avantage a été accordé à une personne avec laquelle l'agent disposait de liens affectifs, notamment familiaux ou amicaux. Cela permet par exemple ainsi de sanctionner des personnes dépositaires de l'autorité publique qui interviennent dans des décisions qui intéressent directement leurs proches, par exemple pour l'attribution d'un l'immeuble appartenant à la commune, au prix du marché, à un membre de la famille d'un élu, en écartant d'autres candidats : la collectivité locale ne subirait aucun préjudice de cette attribution, qui implique pour autant un manque d'impartialité de la part du décideur.

 D'ailleurs, les juridictions font une application particulièrement limitée de ces dispositions dans la mesure où le nombre de condamnations annuelles pour des faits de prise illégale d'intérêts oscille autour d'une quarantaine. Une modification de l'incrimination ne pourrait alors conduire qu'à faire diminuer plus encore ce nombre de condamnations.

 Il convient enfin de rappeler que s'agissant spécifiquement des élus locaux, des exceptions sont prévues dans certaines situations s'agissant des communes de moins de 3500 habitants, pour tenir compte des spécificités de ces collectivités et de ne pas entraver leur gestion de manière excessive.

 L'article 1er bis doit donc être supprimé.