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Direction de la séance

Proposition de loi

Indivision successorale et politique du logement ultramarin

(1ère lecture)

(n° 380 , 379 )

N° 11

3 avril 2018


 

AMENDEMENT

présenté par

C Défavorable
G Favorable
Rejeté

Le Gouvernement


ARTICLE 5 A


Supprimer cet article.

Objet

Cet amendement a pour objet de supprimer l’article 5 A.

Cette disposition vise à ériger en principe le partage s’effectue par souche.

En droit commun, si le principe en droit commun est le partage par tête, le partage s’effectue toutefois par souche quand il y a lieu à « représentation » au sens du droit successoral. Lorsque un héritier est prédécédé, il est en effet représenté par ses propres héritiers qui « montent » au degré successoral du représenté pour hériter en ses lieu et place. Cependant si les héritiers viennent en représentation de leur auteur, ils ne se représentent nullement entre eux, au sein de la même souche, leurs intérêts pouvant être divergents. Le partage par souche n’induit ainsi aucune représentation procédurale entre les différents membres de la souche.

D’un point de vue procédural, la présente disposition visant à consacrer la jurisprudence de la cour d’appel de Papeete acceptant que les partages judiciaires en Polynésie française puissent s’effectuer sans que l’ensemble des indivisaires soit appelé à la cause, se heurte aux droits au recours et à l'accès au juge, qui sont des principes dont la protection est assurée par la Constitution et la Convention européenne des droits de l'homme. Elle revient en effet à permettre la réalisation d'un partage judiciaire à l'insu de l'un des intéressés, le privant de la sorte de son droit à voir sa cause entendue par un juge et ce, sans aucune justification objective - seulement par commodité pour une partie - et alors même que les successions sont justement un domaine dans lequel les divergences d'intérêts entre les parties en cause sont fréquentes.

La Cour de cassation est venue rappeler ce principe dans un arrêt du 13 septembre 2007 dans lequel elle a censuré la jurisprudence de la cour d’appel de Papeete.

Le Conseil constitutionnel a également rappelé dans une décision du 25 juillet 1989 l’importance de la liberté de conduire personnellement la défense de ses intérêts pour toute personne concernée une l’action en justice. Il en ressort que, pour permettre à une personne d'agir à la place d'une autre, ce à quoi conduit en pratique la présente proposition, il faut a minima que cette personne ait été mise en mesure de manifester son accord. L’intervention du juge en la matière ne changerait rien, le juge n’ayant pas à se substituer à cette personne pour apprécier l’opportunité pour elle d’agir personnellement ou d’être représentée par l’action d’une autre.

Au-delà de cette objection d’ordre procédural, la proposition pose des questions de fond, en particulier : comment et par qui le « représentant » de la souche est désigné/choisi ? Quel rôle exact joue le membre de la souche choisi par le demandeur au partage pour représenter procéduralement cette souche ? Doit-il aussi être considéré comme censé représenter les autres membres de sa souche dans la gestion du lot revenant à la souche ?

Dès lors, si la réflexion sur ce sujet mérite d’être poursuivie, la disposition envisagée dans la proposition de loi se heurte à de nombreuses difficultés juridiques tant procédurales que de fond.

En tout état de cause, il n’est pas certain que la rédaction de l’article 5A soit de nature à prémunir contre une nouvelle cassation de la jurisprudence de la Cour d’appel de Papeete. En effet il est indiqué que le partage judiciaire s’effectue par souche lorsqu’il « ne peut être effectué par tête ». Or, outre le fait qu’il n’est donné aucun élément permettant de savoir quand le partage par tête ne peut pas s’opérer, la disposition se borne à renforcer le principe du recours au partage par souche. Mais le partage par souche n’induit aucune représentation procédurale entre les différents membres de la souche. La représentation est uniquement celle du défunt.

Pour ces raisons le Gouvernement sollicite la suppression de ce dispositif en souhaitant mener plus avant avec les élus de Polynésie française la réflexion pour traiter la question de l’indivision dans ce territoire.