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Direction de la séance

Projet de loi

Programmation 2018-2022 et réforme pour la justice

(1ère lecture)

(PROCÉDURE ACCÉLÉRÉE)

(n° 13 , 11 )

N° 181 rect.

10 octobre 2018


 

AMENDEMENT

présenté par

C Favorable
G Favorable
Adopté

Le Gouvernement


ARTICLE ADDITIONNEL APRÈS ARTICLE 42


Après l’article 42

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. – Le code de procédure pénale est ainsi modifié :

1° L’article 706-75 est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Toutefois, le tribunal de grande instance et la cour d’assises de Paris exercent une compétence concurrente sur l’ensemble du territoire national pour l’enquête, la poursuite, l’instruction et le jugement des crimes et délits mentionnés au premier alinéa du présent article, dans les affaires qui sont ou apparaîtraient d’une très grande complexité, en raison notamment du ressort géographique sur lequel elles s’étendent. » ;

2° Au premier alinéa de l’article 706-77, les mots : « autre que ceux visés à l’article 706-75 » sont supprimés ;

3° Au second alinéa de l’article 706-80, après le mot : « moyen, », sont insérés les mots : « au procureur de la République déjà saisi et », et les mots : « ou le cas échéant, au procureur de la République saisi en application des dispositions de l’article 706-76 » sont supprimés ;

4° La section 1 du chapitre II du titre XXV du livre IV est complétée par deux articles 706-80-1 et 706-80-2 ainsi rédigés :

« Art. 706-80-1. – Dans le cadre d’une opération de surveillance de personnes contre lesquelles il existe une ou plusieurs raisons plausibles de les soupçonner d’avoir commis l’une des infractions entrant dans le champ d’application des articles 706-73, 706-73-1 ou 706-74, et lorsque les nécessités de l’enquête ou de l’instruction l’exigent, les officiers de police judiciaire et, sous leur autorité, les agents de police judiciaire en charge des investigations peuvent, avec l’autorisation du procureur de la République ou du juge d’instruction saisi des faits qui en avise préalablement le parquet, demander à tout fonctionnaire ou agent public de ne pas procéder au contrôle et à l’interpellation de ces personnes afin de ne pas compromettre la poursuite des investigations.

« Dans le cadre d’une opération de surveillance de l’acheminement ou du transport des objets, biens ou produits tirés de la commission de l’une des infractions entrant dans le champ d’application des articles 706-73, 706-73-1 ou 706-74 ou servant à les commettre, et lorsque les nécessités de l’enquête ou de l’instruction l’exigent, les officiers de police judiciaire et, sous leur autorité, les agents de police judiciaire en charge des investigations peuvent, avec l’autorisation du procureur de la République ou du juge d’instruction saisi des faits qui en avise préalablement le parquet, demander à tout fonctionnaire ou agent public de ne pas procéder au contrôle et à la saisie de ces objets, biens ou produits afin de ne pas compromettre la poursuite des investigations.

« L’autorisation du procureur de la République ou du juge d’instruction, qui peut être donnée par tout moyen, est mentionnée ou versée au dossier de la procédure. Le procureur de la République informe sans délai le procureur de la République près le tribunal de grande instance de Paris de la délivrance de cette autorisation.

« Art. 706-80-2. – Dans le cadre d’une opération de surveillance de l’acheminement ou du transport des objets, biens ou produits tirés de la commission de l’une des infractions entrant dans le champ d’application des articles 706-73, 706-73-1 ou 706-74 ou servant à les commettre, et lorsque les nécessités de l’enquête ou de l’instruction l’exigent, les officiers de police judiciaire et, sous leur autorité, les agents de police judiciaire en charge des investigations peuvent, avec l’autorisation du procureur de la République ou du juge d’instruction saisi des faits qui en avise préalablement le parquet, livrer ou délivrer à la place des prestataires de services postaux et des opérateurs de fret ces objets, biens ou produits, sans être pénalement responsables.

« À peine de nullité, l’autorisation du procureur de la République ou du juge d’instruction est écrite et motivée. Cette autorisation est versée au dossier de la procédure et les actes autorisés ne peuvent constituer une incitation à commettre une infraction. »

II. – Le code des douanes est ainsi modifié :

1° Le I de l’article 67 bis est ainsi modifié :

a) Au premier alinéa, le mot : « procèdent » est remplacé par les mots : « peuvent procéder » ;

b) Au troisième alinéa, les mots : « selon le cas, » et les mots : « ou au procureur de la République saisi en application des dispositions de l’article 706-76 du code de procédure pénale » sont supprimés ;

2° La section 7 du chapitre IV du titre II est complétée par deux articles 67 bis-3 et 67 bis A ainsi rédigés :

« Art. 67 bis-3. – Dans le cadre d’une opération de surveillance de personnes contre lesquelles il existe une ou plusieurs raisons plausibles de les soupçonner d’avoir commis un délit douanier dont la peine d’emprisonnement encourue est égale ou supérieure à deux ans ou d’y avoir participé comme complice ou intéressée à la fraude au sens de l’article 399, et lorsque les nécessités de l’enquête ou de l’instruction l’exigent, les agents des douanes habilités par le ministre chargé des douanes dans les conditions fixées par décret peuvent, sur l’ensemble du territoire national, avec l’autorisation du procureur de la République près le tribunal de grande instance dans le ressort duquel les opérations de surveillance sont susceptibles de débuter, demander à tout fonctionnaire ou agent public de ne pas procéder au contrôle et à l’interpellation de ces personnes afin de ne pas compromettre la poursuite des investigations.

« Dans le cadre d’une opération de surveillance de l’acheminement ou du transport des objets, biens ou produits tirés de la commission d’un délit douanier dont la peine d’emprisonnement encourue est égale ou supérieure à deux ans ou servant à le commettre, et lorsque les nécessités de l’enquête ou de l’instruction l’exigent, les agents des douanes habilités par le ministre chargé des douanes dans les conditions fixées par décret peuvent, sur l’ensemble du territoire national, avec l’autorisation du procureur de la République près le tribunal de grande instance dans le ressort duquel les opérations de surveillance sont susceptibles de débuter, demander à tout fonctionnaire ou agent public de ne pas procéder au contrôle et à la saisie de ces objets, biens ou produits afin de ne pas compromettre la poursuite des investigations.

« L’autorisation du procureur de la République, qui peut être donnée par tout moyen, est mentionnée ou versée au dossier de la procédure. Le procureur de la République informe sans délai le procureur de la République près le tribunal de grande instance de Paris de la délivrance de cette autorisation.

« Art. 67 bis-4. – Dans le cadre d’une opération de surveillance de l’acheminement ou du transport des objets, biens ou produits tirés de la commission d’un délit douanier dont la peine d’emprisonnement encourue est égale ou supérieure à deux ans ou servant à le commettre, et lorsque les nécessités de l’enquête ou de l’instruction l’exigent, les agents des douanes habilités par le ministre chargé des douanes dans les conditions fixées par décret peuvent, sur l’ensemble du territoire national, avec l’autorisation du procureur de la République près le tribunal de grande instance dans le ressort duquel les opérations de surveillance sont susceptibles de débuter, livrer ou délivrer à la place des prestataires de services postaux et des opérateurs de fret ces objets, biens ou produits, sans être pénalement responsables.

« À peine de nullité, l’autorisation du procureur de la République est écrite et motivée. Cette autorisation est versée au dossier de la procédure et les actes autorisés ne peuvent constituer une incitation à commettre une infraction. »

Objet

Le présent amendement propose de clarifier le cadre procédural applicable en matière de surveillance et de livraisons surveillées qui constituent des actes d’enquête particulièrement efficaces dans la lutte contre la criminalité et la délinquance organisées.

Ces actes d’enquête consistent à assurer soit la surveillance de personnes soupçonnées d’avoir commis une infraction, soit la surveillance de l’acheminement d’objets, de biens ou de produits tirés de la commission d’une infraction ou servant à la commettre, en différant les opérations d’interpellations et de saisies pour les besoins de l’enquête.

Si ces différentes opérations sont déjà possibles en l’état du droit, il apparaît néanmoins souhaitable de les encadrer davantage afin de permettre un contrôle efficace de ces opérations par l’autorité judiciaire et de mettre fin à des pratiques divergentes sur le territoire national.

Il est ainsi proposé de permettre aux enquêteurs, sur autorisation de l’autorité judiciaire, de différer l’interpellation de personnes suspectes ou la saisie des produits des trafics, en demandant à d’autres services de ne pas procéder au contrôle et à l’interpellation de ces personnes pour ne pas compromettre la poursuite des investigations, notamment lorsque les suspects passent par des points de contrôles frontaliers. Ces techniques visent en effet à pouvoir identifier les complices ou commanditaires. Le procureur de Paris sera sans délai informé de ces opérations en raison de la compétence nationale de la JIRS de Paris précédemment évoquée.

Dès lors, cet amendement étend la compétence de la juridiction interrégionale spécialisée (JIRS) de Paris à l’ensemble du territoire national pour les affaires de criminalité et délinquance organisées d’une très grande complexité, en raison notamment du ressort géographique sur lequel elles s’étendent.

Tout en conservant les huit juridictions interrégionales spécialisées (Bordeaux, Lille, Lyon, Marseille, Nancy, Paris, Rennes et Fort-de-France) qui ont démontré leur efficacité dans la lutte contre le crime organisé, il est ainsi proposé de centraliser certaines procédures exceptionnellement lourdes et complexes au sein de la JIRS de Paris.

Cette mesure constitue une adaptation nécessaire à la réalité de certaines affaires de la grande criminalité qui dépassent largement l’échelle régionale.

Elle permettra par exemple à la JIRS de Paris de pouvoir se saisir des affaires dans lesquelles elle aura été informée d’une livraison surveillée transfrontalière présentant un degré de complexité particulièrement important.

Cette centralisation pourra permettre notamment d’effectuer des recoupements dans des procédures actuellement traitées dans différentes juridictions au niveau régional.

Par ailleurs, cet amendement mentionne d’autre part expressément la possibilité pour les enquêteurs de livrer, à la place des services postaux, et en raison du danger que comporte l’opération, les produits du crime ainsi acheminés par voie postale aux fins de démanteler les réseaux criminels.

Des dispositions équivalentes sont créées dans le code des douanes en raison de la mission de lutte contre les trafics également assignée au droit pénal douanier.