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Direction de la séance

Projet de loi

Projet de loi de finances pour 2021

(1ère lecture)

SECONDE PARTIE

MISSION AGRICULTURE, ALIMENTATION, FORÊT ET AFFAIRES RURALES

(n° 137 , 138 , 139)

N° II-724

26 novembre 2020


 

AMENDEMENT

présenté par

C Défavorable
G Défavorable
Rejeté

MM. Patrice JOLY, MONTAUGÉ, TISSOT et KANNER, Mmes ARTIGALAS et BLATRIX CONTAT, MM. BOUAD, CARDON, MÉRILLOU, MICHAU, PLA, REDON-SARRAZY

et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain


Article 33 (Crédits de la mission)

(État B)


Modifier ainsi les crédits des programmes :

(en euros)

Programmes

Autorisations d’engagement

Crédits de paiement

 

+

-

+

-

Compétitivité et durabilité de l’agriculture, de l’agroalimentaire, de la forêt, de la pêche et de l’aquaculture

5 000 000

 

5 000 000

 

Sécurité et qualité sanitaires de l’alimentation

dont titre 2

 

 

 

 

Conduite et pilotage des politiques de l’agriculture

dont titre 2

 

5 000 000

 

5 000 000

TOTAL

5 000 000

5 000 000

5 000 000

5 000 000

SOLDE

0

0

Objet

Cet amendement vise à allouer 5 millions d'euros supplémentaires à l'action "Gestion équilibrée et durable des territoires" afin de renforcer le contrôle des structures en matière de foncier agricole.

Le renouvellement des générations est une condition sine qua non pour assurer la sécurité et la qualité de notre alimentation, produire de la valeur ajoutée économique et environnementale dans l’agriculture et aménager l’ensemble du territoire.

Cette priorité nationale repose sur un outil majeur : la régulation du marché foncier. Les règles qui le régissent doivent rendre possible la liberté d’entreprendre « pour tous » et garantir l’usage du foncier comme celui d’un bien commun dans la durée. Une politique des structures responsable doit privilégier le facteur humain au jeu des capitaux, favoriser la diversité au détriment des monopoles. C’est le sens du « pacte foncier » qui, depuis les années 1960, établit un équilibre entre la propriété et le travail et unit la France à son terroir. Fondée sur la dérive individualiste de la course à l’agrandissement, un relâchement du contrôle, des failles législatives et l’arrivée de fonds spéculatifs à partir de 2008, une « libéralisation » est à l’œuvre dans notre pays depuis une décennie.

Ces désordres risquent de devenir exponentiels et ont d’ores et déjà un effet sur la compétitivité de notre agriculture. L’enrichissement de quelques-uns se traduit par un appauvrissement collectif. Les spécialisations excessives qui en découlent ont des effets négatifs sur le plan agronomique.

Notre conviction profonde est qu’il n’y aura pas d’agroécologie sans relève et qu’une relève est impossible sans une politique foncière juste. Il y a 3 ans, les investisseurs chinois lors des opérations d’achat de terres françaises ont joué le rôle de « lanceurs d’alerte » : ils ont en quelque sorte été « l’arbre qui révèle la forêt » d’un délitement éthique de nos politiques foncières. C’est notamment le cas du détournement du travail à façon et du phénomène sociétaire qui, après la censure partielle du Conseil constitutionnel sur la loi relative à la lutte contre l’accaparement des terres agricoles, demeurent un angle mort des régulations attendues. Avec prudence, nous plaidons pour que la vigilance sur les usages du sol ne nous distraie pas de celle que nous devons avoir sur sa propriété.

Sur le temps long, la structure de la propriété foncière a inéluctablement des conséquences sur l’équilibre de notre société et notre rapport à la nature. Ce combat pour la terre fait écho à de nombreux travaux scientifiques, comme l’étude prospective Agrimonde-Terra, élaborée en 2016 par des scientifiques de l’INRA et du CIRAD avec l’appui d’experts internationaux, qui met en avant l’enjeu capital de la sauvegarde et de la partition des sols pour nourrir 10 milliards d’êtres humains en 2050 : tous les scénarios étudiés « impliquent de garantir un accès à la terre pour toutes les structures agricoles et de prendre en compte les dynamiques de développement rural » (Agrimonde-Terra, 2016, Étude prospective sur l’usage des terres et la sécurité alimentaire à 2050 - résumé).

Ce combat pour la terre s’inscrit dans l’esprit des États généraux de l’alimentation qui ont mis en avant l’urgence de régulations : « la santé dans son acception la plus large doit être protégée ainsi que l’environnement dans ses différents compartiments (eau, air, sol, biodiversité), en faisant de cette performance sanitaire et environnementale un levier de performance économique » et garantissant les cycles de fertilité (Atelier 11 des États généraux de l’alimentation, « Réussir la transition écologique et solidaire de notre agriculture en promouvant une alimentation durable »).

Ce combat pour la terre enfin est une réponse à l’état d’urgence formulé dans deux rapports publiés à quelques semaines d’intervalle à l’automne 2018 par l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) et par le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) : alors que la première tire la sonnette d’alarme sur les conséquences dramatiques du changement climatique sur la faim dans le monde et la progression de la sous-nutrition, le second confirme le rôle majeur des sols dans la résilience climatique.

Dans l’attente d’une réforme foncière, le présent amendement propose donc, à droit constant, de renforcer le contrôle des structures par les services de l’Etat. Cette somme correspond à une estimation de un ETP par département.

Afin d’être recevable, cet amendement propose de prélever ce montant sur l'action 1 « Moyens de l’Administration centrale »  du programme 215 « Conduite et pilotage des politiques de l’agriculture » et de les orienter vers l'action 24 "Gestion équilibrée et durable des territoires" du programme 149 "Compétitivité et durabilité de l’agriculture, de l’agroalimentaire, de la forêt, de la pêche et de l’aquaculture".