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Direction de la séance

Projet de loi

Code de la justice pénale des mineurs

(1ère lecture)

(PROCÉDURE ACCÉLÉRÉE)

(n° 292 , 291 )

N° 1 rect.

23 janvier 2021


 

Question préalable

Motion présentée par

C Défavorable
G Défavorable
Rejeté

Mmes ASSASSI, CUKIERMAN

et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste


TENDANT À OPPOSER LA QUESTION PRÉALABLE


En application de l’article 44, alinéa 3, du Règlement, le Sénat décide qu’il n’y a pas lieu de poursuivre la délibération sur le projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, ratifiant l’ordonnance n° 2019-950 du 11 septembre 2019 portant partie législative du code de la justice pénale des mineurs (n° 292, 2020-2021).

Objet

Les auteurs de la motion estiment que ce projet de loi n’est acceptable ni sur la forme, ni sur le fond.

Alors qu’elle vise à créer un code de justice pénale des mineurs, cette réforme est particulièrement sensible dans le sens où elle met fin à l’ordonnance de 1945 relative à l’enfance délinquante.

La précipitation dans laquelle le texte a été présenté (un amendement au détour d’une séance publique) puis discuté (deux jours à l’Assemblée nationale et quelques demies journées à venir au Sénat) et la méthode brutale sans concertation employée par le gouvernement (ordonnance, procédure accélérée, publication de la partie réglementaire du code avant la partie législative, et diffusion d’une circulaire du garde des Sceaux le 18 décembre dernier, faisant fi de la lecture à venir au Sénat) est proprement inacceptable et marque un profond mépris et l'irrespect du gouvernement à l’égard de notre chambre haute.

Par ailleurs, comme le laissait craindre une telle méthode, ce projet de code manque cruellement d’ambition et ne permet pas, bien au contraire, de rompre avec la logique répressive à l’œuvre depuis les années 2000 en matière de justice pénale des mineurs.

Globalement, au lieu d’œuvrer pour une véritable révolution et amélioration de notre justice en la matière en réfléchissant à un code général de la protection de l’enfance, ce code de justice pénale des mineurs (CJPM) s’emploie à un rapprochement de la justice des enfants sur celle des adultes.

Plusieurs points précis illustrent ce rapprochement, ainsi que l’affaiblissement des grands principes à valeur constitutionnelle qui président à la justice des enfants.

Ainsi, aucune avancée n’est effective sur la présomption d’irresponsabilité pénale, puisque le seuil d’âge de 13 ans est associé à une présomption simple, susceptible d’être renversée. Ce qui n’est pas conforme aux textes internationaux, et notamment à l’article 40 de la CIDE.

Ce nouveau code rend possible le prononcé de peines en cabinet à juge unique, et rend insuffisantes les garanties procédurales offertes aux droits de la défense (allant parfois sur ces points vers une justice moins protectrice encore que celle des majeurs).

En parallèle est instaurée une procédure de césure qui, à moyens constants, n’est simplement pas tenable quant aux délais et portera atteinte au principe éducatif. Dans son avis, le Défenseur des droits estime qu’il y a un risque d’audiencement trop rapide, a fortiori si le mineur ne bénéficie pas d’un suivi éducatif, qui lui permette de préparer sa comparution dans les meilleures conditions et le cas échéant, de faire valoir sa réflexion sur les faits commis.

Quelques amendements de la rapporteure en commission des lois vont dans le bon sens, notamment celui supprimant la compétence en matière de justice des mineurs du Tribunal de police, ou encore le report du délai d’entrée en vigueur de cette ordonnance. Cependant, sur le fond, le texte reste inchangé et l’économie générale est pour le moins partagée : aller plus vite, à moindre coût … même pour rendre la justice à nos enfants.

Cela n’est pas la vision de la société que nous défendons. Il apparaît crucial de garder à l’esprit que les individus concernés par ce texte sont des enfants, autrement dit des êtres en construction dont le comportement dépend fortement de l’environnement social et familial dans lequel ils évoluent. Alors que la priorité devrait être à la lutte contre la pauvreté et à l’enfance en danger, un glissement inquiétant s’opère avec ce texte : celui de la priorité à la réponse répressive et de l'abaissement des garanties éducatives pour tout une partie de notre jeunesse qui, sans angélisme, est bien souvent en proie à d’autres difficultés que celles purement judiciaires ici considérées et auxquelles on voudrait répondre sans ambages.

« Il est peu de problèmes aussi graves que ceux qui concernent la protection de l’enfance, et parmi eux, ceux qui ont trait au sort de l’enfance traduite en justice. La France n’est pas assez riche d’enfants pour qu’elle ait le droit de négliger tout ce qui peut en faire des êtres sains. » Ces premières phrases de l’ordonnance de 1945, héritage du Conseil national de la résistance, continueront pour nous à être une boussole dans les débats sur le sujet et nous conduisent d’ores et déjà à souhaiter le retrait pur et simple de ce texte.



NB :En application de l'article 44, alinéa 3, du Règlement, cette motion est soumise au Sénat avant les orateurs des groupes.