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Direction de la séance

Projet de loi

Gestion de la sortie de crise sanitaire

(1ère lecture)

(PROCÉDURE ACCÉLÉRÉE)

(n° 597 , 596 )

N° 99

18 mai 2021


 

AMENDEMENT

présenté par

C Favorable
G Favorable
Adopté

Le Gouvernement


ARTICLE ADDITIONNEL APRÈS ARTICLE 7


Après l’article 7

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. – 1° Il est institué une procédure de traitement de sortie de crise ouverte sur demande d’un débiteur mentionné à l’article L. 620-2 du code de commerce qui, étant en cessation des paiements, dispose cependant des fonds disponibles pour payer ses créances salariales et justifie être en mesure, dans les délais prévus par le présent article, d’élaborer un projet de plan tendant à assurer la pérennité de l’entreprise.

La procédure ne peut être ouverte qu’à l’égard d’un débiteur dont le nombre de salariés et le total de bilan sont inférieurs à des seuils fixés par décret, et dont les comptes apparaissent réguliers, sincères et aptes à donner une image fidèle de la situation financière de l’entreprise.

L’ouverture de la procédure est examinée en présence du ministère public.

2° Le tribunal désigne un mandataire inscrit sur la liste prévue à l’article L. 811-2 du code de commerce ou sur celle prévue à l’article L. 812-2 du même code. Par décision spécialement motivée, il peut désigner une autre personne dans les conditions prévues à ces mêmes articles. Les dispositions des troisième et quatrième alinéas de l’article L. 621-4 et l’article L. 621-4-1 dudit code ne sont pas applicables.

Le mandataire ainsi désigné exerce les fonctions prévues par les articles L. 622-1, à l’exception de toute mission d’assistance, et L. 622-20 du même code.

3° Les contrôleurs sont désignés conformément aux dispositions de l’article L. 621-10 du même code, à l’exception de celles de son deuxième alinéa.

4° Le jugement ouvre une période d’observation d’une durée de trois mois. Au plus tard au terme d’un délai de deux mois à compter du jugement d’ouverture, le tribunal ordonne la poursuite de la période d’observation s’il lui apparaît que le débiteur dispose à cette fin de capacités de financement suffisantes.

5° Le ministère public saisit le tribunal à l’effet de mettre fin à la procédure de traitement de sortie de crise s’il apparaît que le débiteur ne sera pas en mesure de proposer un plan, avec l’assistance du mandataire désigné, dans le délai mentionné au 4° du I du présent article. Le tribunal peut également être saisi aux mêmes fins par le mandataire désigné ou le débiteur. Il est alors fait application, le cas échéant, des dispositions du 2° du IV du présent article.

II. – 1° L’inventaire du patrimoine du débiteur ainsi que des garanties qui le grèvent est établi conformément aux dispositions de l’article L. 622-6-1 du code de commerce. Le tribunal peut également dispenser le débiteur, à sa demande, de procéder à l’inventaire.

2° Le débiteur établit la liste des créances de chaque créancier identifié dans ses documents comptables ou avec lequel il est lié par un engagement dont il peut justifier l’existence. Cette liste comporte les indications prévues aux deux premiers alinéas de l’article L. 622-25 du code de commerce. Elle fait l’objet d’un contrôle dont les modalités sont fixées par décret en Conseil d’État.

3° La liste est déposée au greffe du tribunal par le débiteur. Le mandataire désigné transmet à chaque créancier figurant sur la liste l’extrait de cette liste déposée concernant sa créance. Dans des délais fixés par décret en Conseil d’État, les créanciers peuvent faire connaître au mandataire leur demande d’actualisation des créances mentionnées ou toute contestation sur le montant et l’existence de ces créances.

4° Les engagements pour le règlement du passif, mentionnés à l’article L. 626-10 du code de commerce, peuvent être établis sur la base de cette liste, actualisée le cas échéant, dès lors que ces créances ne sont pas contestées.

III. – 1° La procédure de traitement de sortie de crise est soumise aux règles du titre III du livre VI du code de commerce sous réserve des dispositions du présent article. N’y sont pas applicables les dispositions du III et du IV de l’article L. 622-13 du même code, celles des sections 1, 3 et 4 du chapitre IV et celles du chapitre V du titre II du même livre.

2° En cas de contestation par un créancier de l’existence ou du montant de sa créance portée sur la liste établie par le débiteur, le juge-commissaire, saisi par le mandataire désigné, le débiteur ou le créancier, statue sur la créance dans les conditions de l’article L. 624-2 du code de commerce. La décision du juge-commissaire n’a d’autorité qu’à l’égard des parties entendues ou convoquées. Les conditions et formes du recours ouvert à l’encontre de sa décision sont fixées par décret en Conseil d’État.

IV. – 1° Le tribunal arrête le plan dans les conditions du chapitre VI du titre II du code de commerce sous réserve des dispositions du présent article. Toutefois, le plan ne peut comporter de dispositions relatives à l’emploi que le débiteur ne pourrait financer immédiatement. Le mandataire désigné exerce les fonctions confiées au mandataire judiciaire par ces dispositions.

2° Le plan ne peut affecter que les créances, mentionnées sur la liste prévue au 2° du II du présent article, nées antérieurement à l’ouverture de la procédure. Il ne peut affecter les créances nées d’un contrat de travail, les créances alimentaires, les créances d’origine délictuelle, ni celles d’un montant inférieur à une somme fixée par décret en Conseil d’État.

3° Le montant des annuités prévues par le plan à compter de la troisième ne peut être inférieur à 8 % du passif mentionné par le débiteur.

4° A défaut de plan arrêté dans le délai prévu au 4° du I du présent article, le tribunal, à la demande du débiteur, du mandataire désigné, ou du ministère public, ouvre une procédure de redressement judiciaire, si les conditions de l’article L. 631-1 du code de commerce sont réunies, ou prononce la liquidation judiciaire, si les conditions de l’article L. 640-1 du même code sont réunies. Cette décision met fin à la procédure. La durée de la période d’observation de la procédure de traitement de sortie de crise s’ajoute à celle de la période définie à l’article L. 631-8 du même code.

V. – Les dispositions du titre VI du livre VI du code de commerce sont applicables en ce qu’elles concernent la présente procédure.

VI. – Le présent article est applicable à Wallis et Futuna.

VII. – Le présent article s’applique aux procédures ouvertes à compter du premier jour suivant la publication de la présente loi et aux demandes formées avant l’expiration d’un délai de deux ans à compter de cette même date.

Objet

Les mesures de soutien aux entreprises mises en œuvre depuis le début de la crise sanitaire ont conduit à une forte baisse du nombre de procédures collectives au cours de l’année 2020. La fin progressive de ces mesures devrait entraîner, d’après les estimations, une augmentation significative des procédures en 2021 et 2022, quoiqu’une incertitude demeure sur son ampleur et sa temporalité.

Dans ce contexte de sortie de crise, les adaptations déjà effectuées du livre VI du code de commerce par les ordonnances n° 2020-341 du 27 mars 2020 et 2020-596 du 20 mai 2020 pourraient s’avérer insuffisantes pour traiter rapidement et efficacement les difficultés des entreprises.

L’ordonnance qui sera prise en application de l’article 196 de la loi n° 2019-486 du 22 mai 2019 relative à la croissance et la transformation des entreprises, dans le cadre de la transposition de la directive UE 2019/1023, adaptera les procédures de sauvegarde et de sauvegarde accélérée afin de favoriser les restructurations préventives. Elle modifiera aussi les conditions de recours à la liquidation judiciaire simplifiée et au rétablissement professionnel afin de favoriser le traitement rapide de la situation des entreprises dont la situation est irrémédiablement compromise et le rebond de leurs dirigeants.

Il est néanmoins nécessaire de prévoir, temporairement, une procédure judiciaire simplifiée ayant pour finalité de permettre l’adoption rapide de plans de nature à régler les difficultés causées ou aggravées par la crise sanitaire. Cette nouvelle procédure ne sera pas préventive et l’habilitation donnée par l’article 196 de la loi PACTE ne permet pas au Gouvernement de prendre de telles mesures par ordonnance.

L’objectif du nouveau dispositif est de créer une procédure rapide destinée aux entreprises de moins de 20 salariés et ayant moins de 3 millions d’euros de montant de passif déclaré. Les entreprises visées sont celles qui fonctionnaient dans des conditions satisfaisantes avant la crise économique, afin de leur permettre de rebondir rapidement grâce à une restructuration de leur dette.  

On sait que les dirigeants et dirigeantes d’entreprises peuvent avoir des réticences à traiter les difficultés de leur entreprise par la voie judiciaire, en raison d’une appréhension liée aux tribunaux de commerce et de la crainte d’être soumis à une procédure longue, parfois éprouvante, et qui peut en outre dans certains cas entraîner la cession forcée de l’entreprise. Cela peut les conduire à n’avoir recours à de telles procédures que tardivement, ce qui réduit les chances de permettre la continuation de l’activité. 

La procédure proposée, caractérisée par sa durée d’exécution rapide de trois mois et ses modalités opérationnelles simplifiées, permettra de lever ces obstacles, tant psychologiques que procéduraux. Elle permettra par ailleurs, comme pour la sauvegarde, de préserver les personnes physiques coobligées et les personnes ayant consenti une sûreté personnelle ou ayant affecté ou cédé un bien en garantie, par exemple les cautions familiales.

Cette procédure rapide aura également comme effet induit de fluidifier le traitement des dossiers par les juridictions compétentes.

La procédure reprendra les dispositions du livre VI du code de commerce relatives à la sauvegarde accélérée et aussi au redressement judiciaire, et sera ouverte, sur leur demande, aux entreprises en état de cessation des paiements mais en mesure de présenter un projet de plan de continuation de l’activité dans un bref délai.

Elle sera ouverte en présence du procureur de la République et un mandataire sera désigné par le tribunal pour veiller à la régularité de la procédure, au respect des droits des créanciers et pour assister le débiteur dans l’élaboration du plan de continuation. Une conversion de la procédure en redressement judiciaire ou en liquidation judiciaire sera toujours possible si la société n’est pas en mesure de présenter un plan de traitement de créances crédible dans le délai imparti.

Le passif sera établi à partir du bilan comptable ; il n’y aura de déclaration de créances que par le débiteur. La période d’observation sera enserrée dans un délai de 3 mois.

Ce plan pourra prévoir un paiement échelonné du passif sur un délai maximal de 10 ans, délai similaire à celui prévu pour le redressement judiciaire. Il ne sera pas possible de sortir de la procédure via un plan de cession.

Cette procédure de sortie de crise n’aura pas vocation à être pérenne et est prévue pour une durée temporaire de deux ans.