Logo : Sénat français

Direction de la séance

Projet de loi

Lutte contre le dérèglement climatique

(1ère lecture)

(PROCÉDURE ACCÉLÉRÉE)

(n° 667 , 666 , 634, 635, 649, 650)

N° 757

9 juin 2021


 

AMENDEMENT

présenté par

C Avis du gouvernement
G  
Non soutenu

M. LAFON


ARTICLE 38


Alinéa 17

Remplacer cet alinéa par six alinéas ainsi rédigés : 

« Une part des projets d’absorption du carbone est obligatoirement située sur le territoire d’États membres de l’Union européenne.

« Cette obligation entre en vigueur selon les modalités suivantes :

« 1° 50 % au minimum à compter du 1er janvier 2022, 

« 2° 75 % au minimum à compter du 1er janvier 2023,

« 3° La totalité des projets doivent être situés sur le territoire d’États membres de l’Union européenne à compter du 1er janvier 2024.

« Sont privilégiés les projets favorisant le renouvellement forestier, l’agroforesterie, l’agrosylvopastoralisme, mais aussi les prairies et toute autre forme d’agriculture régénérative.

Objet

Les mécanismes de compensation des émissions aériennes de CO2 via la séquestration des GES dans des puits de carbone peuvent constituer un atout non négligeable pour atténuer l’ampleur du changement climatique. D’ailleurs, si nous souhaitons atteindre les 2 tonnes d’eqCO2 par an et par habitant auquel nous sommes contraints par l’Accord de Paris, les efforts seront tellement considérables que miser sur la seule sobriété et la seule réduction de nos émissions serait une impasse. L’ensemble des scénarios du rapport du GIEC sur l’Accord de Paris permettant de limiter la hausse des températures mondiales à 2° degrés intègrent tous de gigantesques capacités de captation du carbone atmosphérique, d’au moins 10 milliards de tonnes par an, soit autant que ce qu’émet la Chine ! Encourager le développement de solutions technologiques permettant d’atteindre cet objectif est donc absolument vital, au-delà des puits de carbone naturels qui ne suffiront pas. 

Pour autant, aujourd’hui, si les mécanismes de compensation permettent à des entreprises ou des secteurs d’activité entiers d’afficher une promesse commerciale de “neutralité carbone”, ils se heurtent à de très nombreuses limites. Premièrement, à l’échelle de la société toute entière, il n’existe pas assez de puits de carbone naturels ou technologiques permettant d’absorber suffisamment de carbone atmosphérique pour compenser les activités à l’origine du réchauffement anthropique : la fuite en avant que constitue cette course à la compensation carbone ne doit pas nous bercer d’illusions sur l’ampleur des changements à opérer dans notre vie quotidienne. Deuxièmement, la valeur climatique réelle de la compensation peut être tout à fait contestable. Par exemple, la compensation par le biais d'investissements dans des énergies renouvelables ne correspond pas à la notion de compensation telle qu'elle est définie par le GIEC. Aussi, la compensation carbone par le biais d’une plantation d’arbres destinés à alimenter une centrale électrique biomasse ne permet en aucun cas de retirer du CO2 de l'atmosphère de manière durable ! 

Plus l’implantation de l’organisme assurant la compensation est lointaine de notre pays, moins il sera possible de vérifier que le projet correspond réellement à une élimination pérenne et durable de CO2 anthropique de l'atmosphère. Pour que la compensation soit pérenne, conformément à l’esprit de l’amendement COM-64 qui a redéfini la notion de compensation, il est nécessaire d’implanter les projets au plus près du territoire français.

D’ailleurs, l'article 38 prévoyait initialement que les projets d'absorption du carbone situés sur le territoire français et sur celui des autres États membres de l'Union européenne soient “privilégiés”, prouvant ainsi la circonspection de l’exécutif sur un trop fort éloignement des projets. En Commission, le Sénat a donc naturellement tenu à rehausser le niveau d’ambition du texte initial en fixant un seuil minimal de 50 % de projets de compensation carbone situés sur le territoire français ou celui de l'Union européenne. 

Dans la mesure où la fiabilité et la crédibilité des projets de compensation carbone peut difficilement être appréciée, il apparaît légitime de généraliser ce principe de territorialisation européenne des compensation, en fixant une trajectoire par palier permettant d’aboutir à une localisation européenne de l’ensemble des projets, garantissant davantage l’effectivité de la compensation. L’amendement propose donc qu’à horizon 2024, la compensation des émissions de gaz à effet de serre du secteur aérien à l'intérieur du territoire national soit exclusivement effectuée dans l’Union Européenne.

Cet amendement paraît d’autant plus légitime que le périmètre de cette compensation carbone est extrêmement limité puisqu’il porte sur les seuls vols intérieurs dont le départ et l'arrivée sont effectués sur des aéroports situés en France. Compenser des émissions franco-françaises en Europe plutôt qu’à l’autre bout du monde paraît être un principe de bon sens.