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Direction de la séance

Proposition de loi organique

Modernisation de la gestion des finances publiques

(1ère lecture)

(PROCÉDURE ACCÉLÉRÉE)

(n° 832 , 831 )

N° 53

22 septembre 2021


 

AMENDEMENT

présenté par

C Favorable
G Défavorable
Adopté

M. ÉBLÉ


ARTICLE ADDITIONNEL APRÈS ARTICLE 11


Après l’article 11

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. – Après l’article 53 de la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 précitée, il est inséré un article 53-… ainsi rédigé :

« Art. 53.… – I. – Est jointe à tout projet de loi de finances et projet de loi de finances rectificative une annexe explicative contenant le code source traduisant, en langage informatique, chacune des dispositions proposées relatives à l’assiette ou au taux des impositions de toutes natures.

« Cette annexe est publiée en même temps que les évaluations préalables des articles du projet de loi de finances ou du projet de loi de finances rectificative concerné.

« II. – Cette annexe contient, pour chaque imposition de toute nature modifiée, les documents administratifs suivants, au sens de l’article L. 300-2 du code des relations entre le public et l’administration :

« 1° Le code source correspondant à l’ensemble des dispositions législatives et réglementaires en vigueur pour cette imposition et des instructions et circulaires publiées par l’administration qui portent sur cette imposition ;

« 2° Le code source correspondant aux dispositions législatives proposées et, à titre facultatif, aux dispositions réglementaires, instructions et circulaires envisagées ;

« 3° Les données synthétiques et les hypothèses retenues pour évaluer les conséquences économiques, financières, sociales et environnementales, ainsi que des coûts et bénéfices financiers attendus des dispositions envisagées pour chaque catégorie d’administrations publiques et de personnes physiques et morales intéressées, en indiquant la méthode de calcul retenue.

« III. – Les documents administratifs mentionnés au II sont publiés sous réserve des dispositions des articles L. 311-5 et L. 311-6 du même code et conformément aux dispositions de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés. 

« IV. – Les codes sources mentionnés au II sont publiés sous forme électronique, dans un standard ouvert, aisément réutilisable et exploitable par un système de traitement automatisé. Le standard utilisé est identique pour l’ensemble de chaque annexe. »

II. – Le présent article est applicable au plus tard à compter du dépôt du projet de loi de finances initiale pour l’année 2023.

Objet

Cet amendement vise à prévoir la publication, en annexe de chaque projet de loi de finances ou projet de loi de finances rectificative, du code source informatique correspondant aux dispositions fiscales proposées.

Il s’agirait là d’un progrès majeur pour l’information des citoyens et du Parlement, qui s’inscrirait dans la continuité du mouvement d’ouverture des données publiques (open data) engagé avec la loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016 pour une République numérique.

En effet, le code source est une traduction en langage informatique, exhaustive et rigoureuse, des dispositions votées par le législateur ainsi que des dispositions réglementaires et de la doctrine qui les précisent. Dans le cadre plus spécifique de l’examen des lois de finances, cette réforme permettrait :

– d’une part, de clarifier l’intention du Gouvernement, dans la mesure où les dispositions législatives proposées ou en vigueur comportent parfois des ambigüités voire des contradictions, et que leur portée effective dépend largement de mesures d’application qui ne relèvent pas du Parlement ;

– d’autre part, de « tester » plus facilement les réformes proposées, de retenir des hypothèses différentes et de formuler des propositions alternatives de manière rigoureuse. La commission des finances du Sénat avait, par exemple, mis en ligne un simulateur de la mesure proposée dans un rapport du 29 mars 2017 sur la fiscalité de l’économie collaborative.

La réforme proposée sera donc utile au Parlement, aux citoyens ou encore aux chercheurs. Elle nourrirait le débat public, avant et après le vote de la loi, dans une démarche d’évaluation des politiques publiques cohérente avec la réforme de la procédure d’examen des lois de finances actuellement envisagée par le Gouvernement.

Cet amendement vise donc à tirer les conséquences, en ce qui concerne le processus législatif, du principe général d’ouverture des données publiques posé par l’article 1erde la loi du 7 octobre 2016 pour une République numérique.

L’article 2 de cette loi a ajouté les « codes sources » à la liste des documents administratifs dont la liberté d’accès est garantie par les articles L. 300-1 et L. 300-2 du code des relations entre le public et l’administration. Les administrations sont tenues de publier en ligne ou de communiquer ces documents à toute personne qui en fait la demande. L’article 4 a quant à lui créé un principe de communication des algorithmes lorsque ceux-ci ont participé au fondement d’une décision individuelle, ce qui s’applique naturellement aux impôts.

À ce jour, toutefois, seules des initiatives ponctuelles ont eu lieu, essentiellement à la suite de décisions juridictionnelles : la publication du code source d’Admission Post-Bac (APB) par le ministère de l’Éducation nationale en octobre 2016, ou encore la publication du code source de l’impôt sur le revenu par la direction générale des finances publiques (DGFiP) en mars 2016. En septembre 2018, la direction générale du Trésor a mis à disposition du public les codes source des modèles Mésange, Opale et Saphir. Il s’agit, avec cet amendement, d’aller plus loin.

L’amendement prévoit ainsi la publication :

1° du code source correspondant à l’ensemble du droit en vigueur pour un impôt donné, c’est-à-dire, concrètement, l’algorithme utilisé par le logiciel de l’administration pour calculer l’impôt ;

2° du code source correspondant spécifiquement à la modification législative proposée ;

3° des données (sous une forme synthétique) et des hypothèses retenues par le Gouvernement dans l’évaluation préalable de l’impact des dispositions proposées, afin notamment de pouvoir proposer des évaluations alternatives.

Ces éléments correspondent aux documents administratifs que l’administration est d’ores et déjà tenue de publier ou de communiquer aux personnes qui en font la demande, et ne couvrent aucun document portant atteinte, entre autres, au secret des délibérations du Gouvernement ou du pouvoir exécutif, au secret de la défense nationale, à la vie privée, au secret médical ou encore au secret commercial. Ils seraient publiés dans le respect de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés.

Les codes sources visés par l’amendement existent déjà, puisqu’ils sont, par définition, utilisés par les systèmes d’information de l’administration fiscale (notamment le site impots.gouv.fr). Si certains sont écrits dans un langage informatique dédié, il existe d’ores et déjà des outils permettant d’assurer leur transcription dans un format standard ouvert.

Afin de faciliter leur utilisation par le Parlement et les citoyens, ces éléments seraient publiés sous forme électronique, dans un langage informatique standard sous licence libre (par exemple le langage Python), exploitable par un système d’information répandu, et identique pour l’ensemble de chaque annexe.

Il s’agirait d’une avancée majeure pour la qualité du débat public.