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Direction de la séance

Proposition de loi organique

Modernisation de la gestion des finances publiques

(1ère lecture)

(PROCÉDURE ACCÉLÉRÉE)

(n° 832 , 831 )

N° 9 rect.

22 septembre 2021


 

AMENDEMENT

présenté par

C Favorable
G Sagesse du Sénat
Adopté

M. LECONTE, Mmes LEPAGE et CONWAY-MOURET, MM. FÉRAUD et KANNER, Mme BRIQUET, MM. COZIC et ÉBLÉ, Mme ESPAGNAC, MM. JEANSANNETAS, Patrice JOLY et LUREL, Mmes ARTIGALAS et BONNEFOY, MM. MONTAUGÉ, REDON-SARRAZY

et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain


ARTICLE ADDITIONNEL APRÈS ARTICLE 8


Après l’article 8

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L’article 6 de la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 précitée est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Les recettes des établissements du réseau de coopération et d’action culturelle français à l’étranger, services des missions diplomatiques disposant d’une autonomie financière conformément à l’article 66 de la loi n° 73-1150 du 27 septembre 1973 de finances pour 1974, sont affectées directement à leurs dépenses en vue de concourir à l’autofinancement de leurs activités. À l’exception des dotations de l’État, les recettes et les dépenses consolidées de ces établissements sont retracées au sein d’états financiers joints au projet de loi de finances de l’année en application de l’article 51 de la présente loi organique. »

Objet

Pour assurer notre présence à l’étranger dans les domaines linguistiques, culturels ou dans le domaine de la coopération et de la recherche, nos postes diplomatiques s’appuient sur des établissements à autonomie financière, établis par le décret 76-832 du 24 août 1976 pris en application de l’article 66 de la loi de finances pour 1974. Ces établissements se passent de disposer d’une existence juridique propre dans leur pays d’action et sont rattachés, pour ce qui est de leur existence en droit local, aux services de nos ambassades. Ainsi, ils peuvent disposer de recettes propres, leur permettant d’adapter le volume de leur action à leurs revenus locaux. Les Instituts français à l’étranger, les Instituts français de recherche, sont dans la quasi-totalité des cas des établissements à autonomie financière (EAF). Ainsi, les recettes d’un cours de langue, d’un contrat de recherche, d’une pièce de théâtre ou d’un mécénat permettent de financer directement les dépenses qu’ils engendrent sans que la recette ne revienne au budget général de l’État et sans que la dépense ne soit impérativement programmée par le budget annuel du poste diplomatique. Le statut des EAF n’est pas conforme aux principes d’unité et d’universalité budgétaires posés par l’article 6 de la LOLF, qui imposent l’enregistrement intégral des recettes et dépenses dans le budget général de l’État et interdisent d’affecter des recettes à des dépenses. Cette lecture, faite par le ministère des Finances, a été officiellement confirmée par le Conseil d’État en 2011 et reprise par la Cour des Comptes dans son enquête de 2013 sur « le réseau culturel de la France à l’étranger ».

Cette situation est donc particulièrement préoccupante pour la présence de la France à l’étranger. La suppression de l’autonomie financière mettrait en péril nos instituts car elle engendrerait une absence totale de flexibilité de nos dispositifs de présence à l’international. En effet, nos instituts ne pourraient plus adapter en temps réel leurs prestations à la demande et aux besoins, au motif que  ces dépenses n’auraient pas été budgétées. Concernant les activités financées par du mécénat, celles-ci seraient probablement réduites à néant. Un EAF peut faire appel à un tel mécanisme pour financer une activité spécifique, par exemple un concert ou une exposition. Mais il est plus difficile de convaincre un sponsor d’abonder le budget de l’État afin de programmer l’année suivante l’activité, sous réserve en outre que le Parlement vote le budget nécessaire à la mise en place de l’activité sponsorisée… Bien entendu, des prévisions annuelles d’activité ou de sponsoring pourraient être réalisées, mais nous perdrions toute flexibilité et capacité d’adapter rapidement l’offre à la demande. Pourtant la croissance de l’activité de nos instituts et leur adaptation aux besoins et capacités locales sont au cœur de leur mission.

Enfin, les instituts étant services d’ambassade, ils ne sont pas soumis à la fiscalité locale, qui mettrait, pour nombre d’entre eux leur équilibre budgétaire en péril ou nécessiterait une compensation sur crédits budgétaires.

Nous devons toutefois constater que l’inadéquation du statut des EAF avec les exigences de la LOLF conduit le ministère des Finances à pousser à la réduction progressive des EAF. Certains EAF ont été fermés, d’autres ont fusionné. Lorsque nous n’avons plus d’EAF dans un pays, c’est un outil rapidement adaptable que  nous perdons.

Le décret 2017-655 du 27 avril 2017 est depuis lors intervenu pour modifier le décret du 24 août 1976, mais il n’a pas remis en question l’attribution à ceux-ci de l’autonomie financière. Le problème reste donc entier : l’attribution de l’autonomie financière à des établissements qui ne disposent pas de la personnalité juridique n’est pas conforme aux exigences de la LOLF.

Pour résoudre cette situation, la solution pourrait consister à modifier le statut des EAF, soit en supprimant leur autonomie financière (ce qui passerait alors par une modification de l’article 66 de la loi de finances pour 1974 qui permet à un décret de leur reconnaître cette autonomie), soit en leur attribuant une personnalité juridique propre. Un consensus semble cependant se dégager pour considérer que ces options ne seraient pas les meilleures : d’un côté, les EAF doivent pouvoir conduire leurs activités sans disposer de la personnalité morale et percevoir, en plus des dotations de l’État, des recettes liées à leurs activités, des subventions des autorités locales et des dons et legs de mécènes privés ; de l’autre côté, ils doivent bénéficier de l’affectation intégrale des ressources perçues, en conservant à la fin de l’exercice l’excédent d’exploitation. Enfin, sous réserve que le Parlement en décide ainsi lors de la prochaine loi de finances, la non soumission des EAF aux plafonds d’autorisation des emplois leur permettrait de recruter des salariés de droit local avec plus de souplesse, notamment pour ajuster leurs activités à la demande locale.

De nombreux interlocuteurs au Quai d’Orsay considèrent que la LOLF doit être modifiée, ce qui est également la position des rapporteurs spéciaux de la partie du PLF 2020 relative à l’Action extérieure de l’État.

MM. les Sénateurs Vincent Delahaye et Rémi Féraud considèrent que les autres options envisagées, à savoir la budgétisation des EAF au sein des ambassades et leur transformation en établissement public, « pourraient porter atteinte au réseau culturel de la France », position retenue par les différents rapports parlementaires sur le sujet1.

Dès lors, si l’on admet que le statut des EAF ne doit pas être adapté à la LOLF, c’est à la LOLF qu’il convient de s’adapter aux statuts des EAF : le dispositif proposé ici part de ce postulat.

Il consiste à prévoir, au sein de l’article 6 de la LOLF, posant par sa rédaction les principes d’unité et d’universalité, un alinéa spécifique prévoyant les dérogations nécessaires à la mise en conformité du statut actuel des EAF avec la LOLF, tout en proposant une pleine redevabilité, jusque-là non portée à l’attention des parlementaires, de l’activité générée par le réseau de ces établissements.



NB :La présente rectification porte sur la liste des signataires.