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Direction de la séance

Projet de loi

Financement de la sécurité sociale pour 2022

(1ère lecture)

(n° 118 , 130 , 122)

N° 958 rect. bis

8 novembre 2021


 

AMENDEMENT

présenté par

C Défavorable
G Défavorable
Rejeté

Mme LUBIN, MM. JACQUIN, JOMIER et KANNER, Mmes CONCONNE et FÉRET, M. FICHET, Mmes JASMIN, LE HOUEROU, MEUNIER, POUMIROL et ROSSIGNOL, M. ANTISTE, Mmes BLATRIX CONTAT et BONNEFOY, M. BOUAD, Mme BRIQUET, MM. CHANTREL, DURAIN, GILLÉ et Patrice JOLY, Mme Gisèle JOURDA, MM. LECONTE, LUREL, MÉRILLOU et MICHAU, Mme MONIER, MM. MONTAUGÉ et PLA, Mme PRÉVILLE, M. REDON-SARRAZY, Mme Sylvie ROBERT, MM. SUEUR, TEMAL, TISSOT, VAUGRENARD, STANZIONE, COZIC

et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain


ARTICLE 50 BIS


Supprimer cet article.

Objet

Cet amendement du groupe Socialiste Ecologiste et Républicain vise à supprimer l'article 50 Bis qui entérinerait la création d'un « tiers-statut» cumulant les inconvénients du salariat, et notamment le lien de dépendance vis-à-vis de l’entreprise (qui fixe les tarifs des prestations et impose les règles de travail sous peine de sanction), avec ceux du « véritable » travail d’indépendant, notamment en ce qui concerne l’accès à la protection sociale (pas de congés payés, pas d’assurance contre les accidents du travail, etc.) et le manque de visibilité sur les revenus du fait de la référence à l’ordonnance n° 2021-484 du 21 avril 2021 relative aux modalités de représentation des travailleurs indépendants recourant pour leur activité aux plateformes et aux conditions d’exercice de cette représentation et portant habilitation du Gouvernement à compléter par ordonnance les règles organisant le dialogue social avec les plateformes .

Aujourd'hui, l'idée de créer un statut à mi-chemin entre le salariat et l'indépendance fait l'unanimité contre elle. En effet, qu'il s'agisse des organismes représentants les salariés ou les indépendants, aucun acteur du monde de travail ne souhaite institutionnaliser un tiers-statut qui apporterait de la confusion et qui, à un moment où le risque d'expansion du phénomène d' « ubérisation » pèse sur un nombre croissant de secteurs d’activité, constituerait un précédent particulièrement dangereux.

Plutôt que de protéger un modèle reposant sur l'optimisation fiscale et sociale, il apparaît primordial de renforcer le salariat et de mieux définir les périmètres du statut d’indépendant. Nous souhaitons ainsi mettre fin aux pratiques  abusives des plateformes qui, sous couvert des statuts dévoyés d’auto et de microentrepreneurs – qu’il conviendra de réformer dans  d’autres textes – condamnent des milliers de travailleurs à la précarité et les  privent de droits sociaux.

Pour cela, nous proposons un certain nombre de mesures réalistes et efficaces, notamment la présomption de salariat, complétée par la possibilité d'action de groupe et le renversement de la charge de la preuve. A ce stade, alors que de telles solutions sont déjà mises en œuvre dans d'autres pays européens (notamment en Espagne où la présomption salariale s'applique désormais pour les livreurs) et qu'elles sont préconisées par le Parlement européen (dans le cadre d'une résolution adoptée le 16 septembre dernier à l'initiative de la députée européenne MoDem Sylvie Brunet), l'exécutif et sa majorité refusent d'agir.

Le présent article semble avoir pour vocation principale de détricoter la décision de la Cour de cassation de mars 2020 ayant conduit la plus haute juridiction française à reconnaître un lien de subordination entre plateforme et travailleur et à qualifier le statut de ce dernier d’ « indépendance fictive ». En effet, le simple fait d’institutionnaliser ce dialogue, placé hors du giron du code du travail, risque de fragiliser les procédures de requalification dans la mesure où ce nouveau dispositif grave dans le marbre l'existence juridique du tiers-statut. Mais au 4° de l’article 2 du présent projet de loi la démarche est encore plus explicite. Ces dispositions habilitent en effet le Gouvernement à « renforcer l’autonomie » des travailleurs des plateformes dans l’objectif « de réduire le faisceau d’indices susceptibles de révéler l’existence d’un lien de subordination, tel que celui-ci est défini par la jurisprudence, entre les plateformes et les travailleurs » (p. 22 du projet de rapport de Mme la Rapporteure), de telle sorte que « le risque d’une requalification par le juge du contrat liant les deux parties soit aussi réduit que possible » (p. 11 de ce même projet de rapport).

Enfin, notons que l'organisation d'un « dialogue social » ad hoc entre travailleurs « indépendants » et entreprises de plateformes est particulièrement incongrue d’un point de vue juridique. Le dialogue social ne peut avoir lieu qu’entre salariés et employeurs. Organiser un tel dialogue entre « patrons » d’entreprises (les autoentrepreneurs d’un côté et les entreprises de plateforme de l’autre) reviendrait à créer une forme d'entente, qui pourrait s'avérer contraire au droit européen de la concurrence.

Afin d'éviter de telles incohérences juridiques et s'assurer que les travailleurs des plateformes puissent bénéficier des protections du droit du travail, il convient de refuser l'institutionnalisation du tiers-statut opérée par le présent projet de loi.



NB :La présente rectification porte sur la liste des signataires.