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Direction de la séance

Projet de loi

Projet de loi de finances pour 2023

(1ère lecture)

SECONDE PARTIE

MISSION ÉCOLOGIE, DÉVELOPPEMENT ET MOBILITÉ DURABLES

(n° 114 , 115 , 116, 119)

N° II-1029 rect.

30 novembre 2022


 

AMENDEMENT

présenté par

C Demande de retrait
G Demande de retrait
Retiré

MM. JACQUIN, GILLÉ et Joël BIGOT, Mme BONNEFOY, MM. KANNER et DEVINAZ, Mme Martine FILLEUL, M. HOULLEGATTE, Mme PRÉVILLE

et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain


Article 27 (crédits de la mission)

(État B)


Modifier ainsi les crédits des programmes :

(en euros)

Programmes

Autorisations d’engagement

Crédits de paiement

 

+

-

+

-

Infrastructures et services de transports

 3 000 000 000

 

 3 000 000 000

 

Affaires maritimes, pêche et aquaculture

 

 

 

 

Paysages, eau et biodiversité

 

 

 

 

Expertise, information géographique et météorologie

 

 

 

 

Prévention des risques

dont titre 2

 

 

 

 

Énergie, climat et après-mines

 

 

 

 

Service public de l'énergie

 

3 000 000 000

 

 3 000 000 000

Conduite et pilotage des politiques de l’écologie, du développement et de la mobilité durables

dont titre 2

 

 

Charge de la dette de SNCF Réseau reprise par l’État (crédits évaluatifs)

 

 

 

 

Fonds d’accélération de la transition écologique dans les territoires

 

 

 

 

TOTAL

3 000 000 000

3 000 000 000

 3 000 000 000

3 000 000 000

SOLDE

0

 0

 

Objet

Les auteurs de l’amendement considèrent qu’un plan de développement du transport ferroviaire de voyageurs et de marchandises est nécessaire.

Ce plan doit se traduire par un effort supplémentaire de 3 Mds par an d’ici à 2030 pour reconstruire l’efficacité du réseau ferroviaire de 2030, et lui permettre de jouer pleinement son rôle en matière de décarbonation des transports.

Nous vivons une crise écologique profonde dont la crise sanitaire de la Covid 19 qui n'a pas encore épuisé ses effets, a constitué, sous une forme particulièrement violente au regard de ses conséquences économiques et sociales, l’une de ses manifestations les plus perceptibles. Aujourd'hui cette crise écologique se traduit par le retour des tensions inflationnistes d'origine énergétique sur fond d'épuisement des ressources pétrolières.

La SNCF grosse consommatrice d’électricité est particulièrement impactée par la hausse des prix énergétiques, l’électricité étant sur le marché énergétique européen indexé sur les prix du gaz et du pétrole.

Certes, des efforts financiers importants ont été consentis en faveur du secteur ferroviaire (la reprise de 35 Mds € de la dette de la SNCF en 2021 et 2022 notamment et les 4,1 Mds € de sa recapitalisation fin 2020) mais ils sont néanmoins largement insuffisants au regard des immenses besoins d'investissements de renouvellement et de modernisation du réseau ferroviaire d'un côté et d'investissements de capacités de l'autre pour faire face à la décarbonation des transports (avec report modal de la route vers le rail) et aux augmentations de trafics prévus dans la stratégie nationale bas carbone. Tandis que le Contrat de plan entre SNCF-Réseau et l’État exige des efforts de productivité irréalistes, la facture d’électricité ne cesse d'augmenter risquant d'engloutir une partie des gains de productivité. 

Au contraire et comme le soulignaient déjà les sénateurs dans une tribune intitulée Le ferroviaire mérite lui aussi son plan de relance publiée en juin 2021 dans le journal Les échos, mais restée lettre morte, « la situation exige un volontarisme politique ferme en faveur du ferroviaire pour répondre à la triple urgence écologique, sociale et territoriale » (https ://www.lesechos.fr/idees-debats/cercle/opinion-le-ferroviaire-merite-lui-aussi-son-plan-de-relance-1215928).

Car en effet, le secteur des transports ferroviaires (de voyageurs et de marchandises) constitue un levier indispensable pour répondre à l’urgence écologique en raison notamment des externalités positives (réduction des émissions de gaz à effet de serre, décongestionnent des réseaux routiers,...) qu’il génère. Il exerce par ailleurs des effets d'entraînement sur les autres secteurs d'activités (notamment via la commande publique).

A plusieurs reprises et dans le cadre d’une audition récente en commission du développement durable et de l’aménagement du territoire, le PDG de la SNCF a chiffré le besoin d’investissement supplémentaire à 100 milliards d’euros sur 15 ans pour atteindre la neutralité carbone en 2050 et doubler la part du ferroviaire.

Le report de 10 % de la part modale de fret et voyageurs de la route au rail remplirait 22 % à 33 % de l’objectif de décarbonation des transports de la France.

Une partie importante de ce montant sera fléché sur la qualité du réseau. L’âge moyen du réseau ferroviaire français est d’environ 30 ans contre 17 en Allemagne qui a pourtant présenté en 2019 un plan d’investissement record de 86 milliards d’euros jusqu’en 2030, soit 8.6 milliards par an ! De la même manière l’Italie vient d’annoncer un plan de 120 milliards d’euros sur 10 ans en faveur du ferroviaire.

La France ne peut pas être en reste. Ce dont nous avons besoin c'est d’une vision à long terme ancrée sur une véritable loi de programmation pluriannuelle pour le ferroviaire déclinant à moyen terme (5 ans) un premier plan de relance.

Il s'agirait de doubler la part du train en France, développer des RER métropolitains qui relieront des territoires éloignés, doubler la part du Fret et moderniser l’ensemble du réseau. Nous proposons d’organiser un débat à l’Assemblée sur la politique ferroviaire du pays qui pourrait déboucher sur une programmation pluriannuelle du ferroviaire à l’instar de ce qui existe pour l’énergie. Cet investissement massif dès la première année permettra d’enclencher une politique ferroviaire globale à travers plusieurs aspects :
- les « petites » lignes : nous avions indiqué dès la discussion sur la Loi d’orientation des mobilités le risque de délaissement de ces « petites lignes », pourtant si importantes sur nos territoires notamment ruraux. Elles garantissent l’attractivité économique et touristique, la mobilité des populations à l’intérieur et entre les territoires et constituent une alternative bas-carbone à la voiture individuelle.
- les trains de nuit : nous proposons de multiplier ces trains de nuit sur le territoire, mais aussi avec nos partenaires européens.
- le fret ferroviaire : ces 20 dernières années, des centaines de gares de fret et d’embranchements ont été fermés et le nombre de cheminots travaillant à Fret SNCF est passé de 12 000 à 4 000. Afin d’enrayer cette dynamique et se fixer un objectif de 30 % du transport de marchandises par le fret ferroviaire avant 2030, nous proposons de stopper la privatisation de Fret SNCF, d’accorder un bonus écolo aux entreprises réalisant 50 % de leur transport de marchandise par rail et de prélever 1 milliard par an sur les profits réalisés sur les sociétés d’autoroutes afin d’investir dans le développement des infrastructures de fret ferroviaire.

Les investissements seraient répartis de la manière suivante : 1,5 milliards d’euros pour la relance du fret ferroviaire (chiffres : coalition 4F);  0,5 milliard d’euros pour la régénération du réseau structurant (chiffres : audit 2018 de l’état du réseau ferroviaire en rapport avec le Contrat de Performance État - SNCF Réseau 2017-2026); 0,7 milliard d’euros pour la régénération des petites lignes selon le rapport Philizot, 0,2 milliard d’euros pour la résorption des nœuds ferroviaires (scénario 2 du rapport du Conseil d’orientation des infrastructures de février 2018), et 0,150 milliard d’euros pour le développement du train de nuit (chiffres du collectif Oui au train de nuit). Cette mesure est particulièrement nécessaire quelques mois après la signature malheureuse du contrat de performance entre l’État et la SNCF Réseau, qui est parvenu à faire l’unanimité contre lui en raison de son manque d’ambition. Il pourrait conduire à de nombreux ralentissements sur le  réseau et même des fermetures de lignes. Le nouveau contrat de performance entérine en effet la dégradation de l’indice de consistance de la voie (ICV) qui permet de mesurer l’état des voies. Plusieurs dizaines de lignes seraient concernées par cette dégradation telles que : Caen-Alençon-Le Mans-Tours, Nantes-La Roche-sur-Yon-La Rochelle-Bordeaux ou encore Bourges-Montluçon.

Cet amendement a été travaillé avec l’aide d’éléments provenant du Réseau Action Climat, de la Coalition 4F et du Collectif Oui au train de nuit.

Afin d’assurer sa recevabilité, l’amendement prélève 3 milliards d’euros en AE et CP de l’action 17 « Mesures exceptionnelles de protection des consommateurs » du programme 345 « Service public de l’énergie » afin d’abonder de 3 milliards d’euros en AE et CP l’action 41 « Ferroviaire » du programme 203 « Infrastructures et services de transports ». Le but de notre groupe n’est ni de diminuer le soutien de l’État dans les zones non interconnectées ni de réduire les crédits alloués au pilotage des politiques du Ministère mais les règles de recevabilité budgétaire obligent à ce gage.