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Direction de la séance

Projet de loi

Orientation et programmation du ministère de l'intérieur

(1ère lecture)

(PROCÉDURE ACCÉLÉRÉE)

(n° 20 , 19 , 9)

N° 90

9 octobre 2022


 

AMENDEMENT

présenté par

C Défavorable
G Défavorable
Rejeté

MM. BENARROCHE, BREUILLER et DANTEC, Mme de MARCO, MM. DOSSUS, FERNIQUE, GONTARD, LABBÉ et PARIGI, Mme PONCET MONGE, M. SALMON, Mme Mélanie VOGEL

et les membres du groupe Écologiste - Solidarité et Territoires


Article 1er

(RAPPORT ANNEXÉ)


Après l’alinéa 1

Insérer dix alinéas ainsi rédigés : 

Le Gouvernement restaure une véritable police de proximité, dont la priorité est de rétablir une relation privilégiée avec la population. Il remet en cause l’évaluation chiffrée de la performance policière : le travail de la police nationale, de la police municipale et de la gendarmerie sera évalué en fonction du service rendu aux habitantes et habitants, et non en fonction de la politique du chiffre et de statistiques de la délinquance.

Le Gouvernement mènera une réflexion d’ampleur sur les missions de la police, dans l’objectif de réaffirmer son caractère de service public, mû par les principes d’accessibilité et d’égalité. La restauration de la confiance entre la police et la population sera l’objectif majeur et incontournable de ces réflexions. 

L’importance de la distinction claire et étanche entre les missions de police administrative, intervenant en amont de troubles à l’ordre public, et les missions de police judiciaire, intervenant en aval de la commission d’infractions, sera rappelée. 

Il revalorise les missions sociales des policiers et gendarmes : des partenariats sont systématiquement mis en place afin de renforcer les liens avec les collectivités territoriales et les différents acteurs œuvrant sur le terrain, des missions sociales pour accompagner les populations vulnérables sont développées, à l’instar de l’opération #Répondreprésent lancée par la Gendarmerie nationale lors de la crise du Covid-19. Ces partenariats se traduisent également par l’organisation de rencontres fréquentes entre les habitants et les policiers affectés à leur territoire.

Le Gouvernement évaluera régulièrement la qualité de la relation entre population et habitants, au sein des commissariats de police et des brigades de gendarmerie, à partir d’indicateurs précis et participatifs évaluant la satisfaction des usagers, qui doivent être tout autant pris en compte en termes de carrière, d’avancement et d’évaluation de l’activité policière que les indicateurs traditionnels (taux d’élucidation d’affaires, taux de présence policière sur la voie publique, etc.). A l’échelle locale, la qualité de l’accueil policier devrait faire l’objet d’un « programme d’action local », élaboré en concertation avec les habitants et les élus, adapté à chaque situation qui identifie d’une part les besoins et les attentes des usagers et, d’autre part, les manques et les actions à entreprendre.

Le Gouvernement mettra en place des programmes de formation permettant d’améliorer le professionnalisme de l’accueil. Ces formations devraient notamment porter sur l’acquisition de savoir-faire en communication (accessibilité ; clarté et fiabilité des informations et des échanges) en psychologie/victimologie (empathie, respect et adaptation de la réponse) et en gestion (qualité et facilité des procédures). L’ensemble des forces de police devrait être formé aux méthodes d’accueil, en mettant l’accent, conformément au code de déontologie, sur le traitement respectueux et égalitaire des usagers

Tous les commissariats et brigades seront rendus accessibles aux personnes en situation de handicap.

Les pratiques de contrôle d’identité et de verbalisation seront évaluées à l’aune de leur impact, positif ou négatif, sur la confiance entre la police et la population. Le Gouvernement restreindra les possibilités de contrôle d’identité qui laissent une marge d’appréciation extrêmement large sur l’opportunité de contrôler une personne. La légalité des contrôles d’identité sera conditionnée à la remise d’un récépissé papier nominatif, indiquant le fondement légal du contrôle et les éléments de faits permettant à l’agent de justifier la légalité du contrôle. Un dispositif de suivi des contrôles, interne au service de police, sera mis en place pour permettre aux hiérarchies de prendre connaissance des conditions de leur mise en œuvre.

Une formation sera dispensée aux élèves policiers et gendarmes au sein de leur formation initiale, afin de les sensibiliser au caractère discriminatoire de l’usage de préjugés liés à l’apparence physique des administrés et des justiciables dans l’appréciation de l’opportunité de contrôler l’identité et de verbaliser.

Le Gouvernement refusera tout usage du pouvoir de verbalisation à d’autres fins que celle prévue par la loi. Aussi, cesseront les verbalisations ayant pour objectif informel d’évincer des individus jugés indésirables de l’espace public, ou de les intimider. Les services hiérarchiques prohibent par ailleurs la verbalisation à distance des usagers, qui empêchent le destinataire d’en être informé avant de recevoir l’avis de contravention.

Objet

Les objectifs développés dans le rapport annexé ont pour but premier de renforcer la présence des gendarmes et des policiers sur le terrain : "remettre du bleu" sur la voie publique, selon l’expression d’Emmanuel Macron. Mais quelle sera la réelle mission du policier ? Le policier sur le terrain sera-t-il un agent verbalisateur dont la première mission sera de sanctionner, de constater les infractions, de verbaliser, d’écarter les personnes indésirables sur la voie publique ? Alors même que la relation entre la police et la population n’est pas apaisée, il n’y a, dans ce rapport, aucune contrepartie, aucun contrôle qui permettent de s’assurer d’un équilibre entre l’exercice des missions de sécurité et celui des missions sociales des agents des forces de l’ordre, ni aucune perspective d’amélioration des liens entre la population et la police. Nous craignons très clairement que le ministre Darmanin déploie plus d’officiers sur le terrain dans une logique exclusivement répressive. 

Le malaise de la police – parallèle à celui de l’institution judiciaire, s’accroît d’années en années. Il est lié à plusieurs facteurs qui s’entretiennent et se renforcent mutuellement : la dégradation des conditions de travail, un travail axé sur la politique du chiffre et du résultat, des locaux de travail vétustes, l’augmentation du nombre d’interventions, un management désuet, une confiance rompue avec les citoyens.. Seule une réforme d’ampleur, modifiant les prérogatives et missions des polices, permettra de revaloriser ces métiers. 

Le Groupe écologiste, solidarité et territoires appelle de ses vœux une grande réforme  pour instaurer une police plus territorialisée, s’appuyant sur la connaissance de son terrain, tout en répondant au sentiment d’insécurité des habitants. Nous voulons une police au plus près de la population et qui produit de la confiance (sur le modèle de la police de voisinage anglaise et canadienne). Une police qui soit en contact permanent avec les bailleurs sociaux, les maires, les associations de résidents et de quartier. 

Comme l’a indiqué la CNCDH dans son rapport sur les liens entre la police et la population : “L’instauration d’un climat de confiance entre les habitants et leurs polices, notamment dans les quartiers défavorisés, s'avère plus efficace sur le long terme qu’une approche exclusivement répressive pour prévenir des incivilités et de la petite délinquance”. 

En ce qui concerne l'accueil des usager, le livre Blanc de la sécurité intérieure  reconnaissait que «  améliorer la qualité de l’accueil du public est (…) l’un des vecteurs premiers d’une relation de confiance entre la population et les forces de sécurité intérieure  ». Aussi, il importe que le ministère de l’intérieur prenne un soin particulier à améliorer l'accueil des usagers au sein des brigades et des commissariats. Comme l’indique le rapport de la CNCDH relatif aux rapports entre police et population, “à l’échelon local, l’amélioration de la qualité de la relation police-habitants ne doit pas seulement être un objectif, mais elle doit être pensée, mise en œuvre et enfin évaluée systématiquement”. 

La solution proposée par les sénateurs et sénatrices du groupe écologistes, solidarité et territoires, consiste dans la création d’un programme local, permettant d’identifier les besoins et les attentes des usagers, établie entre les habitants et les forces de l’ordre. La satisfaction des usagers concernant leur accueil devra également être évaluée pour chaque policier et gendarme.

Il est essentiel que le Gouvernement repense les missions de la police et les pratiques actuelles décriées par les associations et par la CNCDH. La police est le représentant le plus accessible de l’Etat et des pouvoirs publics. Il se doit d’être le reflet des valeurs de notre République, dont on ne saurait trop rappeler la devise liberté, égalité, fraternité. 

L’évaluation de l’impact des pratiques policières sur la qualité de la relation police-population est un angle mort et un impensé de la politique du ministère de l’intérieur. Pourtant, les politiques publiques doivent être jugées dans leur globalité, c’est-à-dire au regard de l’objectif recherché, mais également au regard des effets “secondaires”. Dès lors, les

membres du groupe écologiste, solidarité et territoire appellent de leurs vœux une véritable prise en compte des choix politiques du ministère de l’intérieur au regard de leur conséquence sur la relation entre la police et la population. Les écologistes rappellent également que le renforcement de cette confiance n’est pas seulement au service des citoyens, mais permettra également d’améliorer les conditions de travail des fonctionnaires de police et des militaires de la gendarmerie.

Certaines pratiques policières renforcent la dimension répressive du travail des agents et portent atteinte à la bonne relation entre la police et la population. Sont surtout concernés les contrôles d’identité et la verbalisation.

Les contrôles d’identité représentent une des principales occasions d’interaction entre les forces de l’ordre et certaines catégories de la population, à la source de tensions. La CNCDH a relevé l'existence d’un dévoiement de certaines pratiques qui, “si elles relèvent juridiquement d’un contrôle d’identité, confinent le plus souvent à un contrôle social, selon des modalités qui conduisent parfois à la violence et empruntent souvent à l’humiliation, à l’origine d’un sentiment d’injustice chez les personnes ainsi contrôlées”. Il importe de remettre en cause ces pratiques qui se relèvent peu utiles dans le cadre des enquêtes judiciaires, mais se montrent délétères en ce qui concerne la confiance entre la police et certaines catégories de population particulièrement sujettes à ces contrôles, notamment les jeunes de quartiers défavorisés.  

D’une façon similaire, la CNCDH a pris acte d’un dévoiement du pouvoir de verbalisation de la police à l’encontre de certaines catégories de la population à des fins d’éviction de l'espace public ou d’intimidation, qui prend notamment la forme de contraventions à répétitions pour des contraventions, à l’encontre des personnes jugées “indésirables” ou des bénévoles des associations venant en aide aux personnes migrantes. Les auteurs de cet amendement considèrent que le pouvoir contraventionnel ne doit pas être un instrument de répression de certaines catégories de la population. Ces pratiques, bien qu’informelles, doivent être dénoncées.