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Direction de la séance

Projet de loi

Plein emploi

(1ère lecture)

(PROCÉDURE ACCÉLÉRÉE)

(n° 802 , 801 )

N° 510

6 juillet 2023


 

AMENDEMENT

présenté par

C Défavorable
G Défavorable
Rejeté

Mmes PONCET MONGE et Mélanie VOGEL, MM. BENARROCHE, BREUILLER et DANTEC, Mme de MARCO et MM. DOSSUS, FERNIQUE, GONTARD, LABBÉ, PARIGI et SALMON


ARTICLE 5


Supprimer cet article.

Objet

L’article 5 se propose de transformer les missions dévolues à l’opérateur Pôle Emploi qui assurait, jusqu’à présent, les missions les plus essentielles du service public de l’emploi. Or le projet France Travail transforme en profondeur les missions de l’opérateur en lui octroyant des missions d’animation du réseau, de production d’indicateurs de suivi et d’évaluation, d’orientation des inscrits vers les organismes membres du réseau, aussi de mesurer les résultats des actions d’accompagnement, de proposer un socle communs au comité national de France Travail, de concevoir les outils numériques, de s’assurer de la gestion de l’académie France Travail et d’appuyer les comités territoriaux.

Toutes ces missions s’ajoutent et retirent des moyens à l’opérateur quant à sa mission première, à savoir l’accompagnement des personnes en demandes d’emploi vers un emploi durable et à la protection des conditions de travail de ses salariés.

Car toutes ces missions vont accroitre la pression sur l’opérateur alors que celui-ci n’a déjà que peu de moyens comparativement à nos homologues européens. Ainsi le service public de l’emploi représente à peine 8,4 % de la structure des dépenses de politique de l’emploi en 2017 en France, tandis que le Danemark investi 13,1% de ses dépenses dans le SPE et que l’Allemagne investi 27,9% de ses dépenses dans le SPE.

En conséquence, Pôle Emploi dispose d’environ 50 000 ETP quand l’Allemagne dépasse les 100 000. Or les 2,7 milliards prévus dans le rapport Guilluy ne prévoient pas explicitement l’embauche de personnels supplémentaire, ni l’amélioration des conditions de travail ou l’amélioration de la qualité du service. Le risque de l’enchevêtrement de toutes ces missions, couplé au manque récurrent de moyens, est bien de transformer l’opérateur France Travail en simple guichet d’enregistrement des inscrits et d’orientation de ces derniers vers les deux autres opérateurs : cap emploi ou les missions locales, ou de plus en plus vers des prestataires externes, au prix d’une dégradation du service rendu envers les usagers et d’une perte complète de sens dans le travail des conseillers.

Le risque, c’est une externalisation des missions du service public de l’emploi vers des opérateurs privés dont on a analysé qu’ils sont légèrement moins efficaces que le SPE sans même tenir compte d’une orientation éventuellement de publics en moindre difficulté.

Dans une étude de 2007 sur la sous-traitance de l’accompagnement des chômeurs dans le monde, la DARES constatait pour l’Australie et le Royaume-Uni, « l’existence de forts effets de parking des demandeurs d’emploi. En effet, les plus employables ont accès à de nombreux services, tandis que les plus vulnérables restent longtemps en Intensive Assistance, sans obtenir les services de formation et d’accompagnement correspondants. Après six mois, ils ont peu de contact avec l’agence. Par ailleurs, les évaluations de la première vague d’appels d’offres révèlent un très fort effet de carrousel dans le sens où, à la fin de leur dispositif d’accompagnement, les demandeurs d’emploi se réinsèrent sur des contrats de travail précaires, qui peuvent ne pas être reconduits. »

A travers cet article 5, ce sont les missions premières de Pôle Emploi qui risquent d’être fortement fragilisées au profit d’une usine à gaz dont l’efficacité risque de ne pas être au rendez-vous, tant le nombre de missions supplémentaires données à l’opérateur sont importantes face au peu de moyens dont il dispose.

Dans ce contexte, le service public de l’emploi ne peut assurer l’animation d’un réseau, ni devenir une machine à sanctionner, il est avant tout un opérateur au service des demandeurs d’emploi, dont le cœur de mission est d’abord l’accompagnement, le retour à un emploi durable, l’orientation bienveillante des personnes en recherche d’emploi.

C’est pour que l’opérateur se recentre sur ses missions premières et que des moyens pour les réaliser lui soit enfin correctement octroyés, avant d’envisager de le transformer, que cet amendement propose la suppression de l’article 5.