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Direction de la séance

Proposition de loi

Utilisation des titres-restaurant

(1ère lecture)

(PROCÉDURE ACCÉLÉRÉE)

(n° 173 , 172 )

N° 3 rect.

18 décembre 2023


 

AMENDEMENT

présenté par

C Défavorable
G Défavorable
Rejeté

Mme PONCET MONGE, MM. BENARROCHE, DANTEC, DOSSUS, FERNIQUE et GONTARD, Mme GUHL, M. JADOT, Mme de MARCO, M. MELLOULI, Mme OLLIVIER, M. SALMON et Mmes SENÉE, SOUYRIS et Mélanie VOGEL


ARTICLE UNIQUE


Remplacer la date : 

31 décembre 2024

par la date :

30 juin 2024

Objet

Le titre restaurant (TR) a fait l’objet de dérogations dans son principe du fait d’abord de la crise COVID (télétravail, fermeture des restaurants) puis lors de la loi sur le pouvoir d’achat.

Au risque désormais d’une forme d’irréversibilité, le texte propose de prolonger de nouveau cette dérogation au 31 décembre 2024 pour des raisons de pouvoir d’achat.

Or, si la première dérogation a été approuvée par l’ensemble des organisations syndicales et patronales dans le contexte du Covid afin de permettre aux travailleurs de ne pas perdre leurs droits et de ne pas voir leurs tickets se périmer, cette deuxième et troisième dérogation est désormais présentée comme une politique de lutte contre l’inflation et s’agissant de cette PPL n’a pas fait l’objet de discussions et de négociations avec les deux collèges paritaires du CNTR qui pourtant travaillent depuis de longs mois avec la ministre du commerce sur la modernisation du TR.

Dans le contexte d’une crise du Pouvoir d’achat qui perdure, le ministre de l’économie est tenté de faire du TR un chèque alimentaire pour l’accès aux biens essentiels alimentaires, marque de son échec à préserver le pouvoir d’achat de tous les français (étudiants, retraités, majorité des salariés sans TR).

En effet, la hausse des prix de l’alimentation, provoquée par une boucle prix-profit gonflant les taux de marge du secteur de l’agroalimentaire pour plus de 48 %, étrangle les ménages les plus pauvres et les plus précaires. Selon le CREDOC, la précarité alimentaire quantitative (‘ne pas avoir assez à manger’) est passée de 9 % à 16 % entre 2016 et 2022.

Ce constat désastreux est le fruit du manque d’ambition des politiques de lutte contre l’inflation et contre la pauvreté de la part du gouvernement qui refuse d’augmenter les minimas sociaux et de taxer les taux de marge indus du secteur agroalimentaire.

Pour autant, le rôle du Titre Restaurant n’est pas de régler le problème du Pouvoir d’achat.

D’abord parce que seuls un peu plus de 5 millions de salariés sur les 26 millions disposent d’un titre restaurant, et, parmi eux, une grande part ne seraient pas concernés par un dispositif de chèque alimentaire dont la précarité alimentaire serait l’objet puisqu’alors il serait, comme dans le passé, réservé aux premiers déciles de revenus.

Faire du TR un outil de lutte contre la baisse du pouvoir d’achat ne répond pas à l’exigence d’en assurer le caractère redistributif et c’est l’éloigner de son objet défini par le code du travail.

Ensuite parce que cette mesure de prolongation n’est défendue que par la Fédération du Commerce représentant la grande distribution pour une raison simple, c’est que cette mesure a fait bénéficier à la grande distribution en un an seulement de dérogation, d’un transfert d’activité de 585 millions d’euros au détriment des restaurants et commerces de proximité, ce qui dans le contexte de la hausse des défaillances des restaurants, des boulangeries et des commerces de proximité se révèle particulièrement pénalisant.

En effet, la Banque de France comptabilise une hausse de 69 % de défaillances entre 2022 et 2023 et 907 boulangeries sont en défaillance depuis janvier, soit 37 4% de plus qu’en 2022.

Le TR est un apporteur d’affaires vital pour le tissu de proximité puisque 15 % du chiffre d’affaires des restaurants – notamment le service du midi - et bien plus des commerçants assimilés en dépend, alors qu’il ne représente qu’1 % de celui de la moyenne et grande distribution qui souhaite voir « leur part de marché » augmenter, raison pour laquelle elle se prononce non seulement pour la prolongation mais pour la pérennisation de la dérogation.

En d’autres termes, le dispositif semble profondément délétère pour le tissu économique de proximité, ce qui est l’une des raisons pour lesquelles l’U2P, l’UMIH et l’ensemble des organisations syndicales et patronales se sont prononcées contre une nouvelle prolongation de cette dérogation.

Enfin parce que ces dérogations successives mettent en péril l’exemption d’assiette fiscale et sociale dont le TR bénéficie en regard de son objet inscrit dans le code du travail, ce qui provoquerait sa disparition progressive.

Cela a été mis en avant par l’ensemble des organisations syndicales et patronales représentatives du CNTR qui s’inquiètent du risque de fragilisation des exemptions que fait peser cette nouvelle prolongation dans une lettre envoyée au gouvernement. Ce dernier n’a pas donné suite et soutient cette proposition de loi, sans jamais avoir consulté les partenaires sociaux.

Ce manquement à la démocratie sociale se double d’un manque de respect envers la démocratie parlementaire puisqu’il a été dit que cette PPL ne pouvait désormais souffrir d’être amendée car elle ne pourrait, pour autant qu’on valide la dérogation, terminer la navette parlementaire avant le 31 décembre, alors même qu’elle est arrivée très tardivement au parlement suite à une décision unilatérale du ministre de l’économie (le 17 novembre à l’Assemblée Nationale et le 23 novembre au Sénat), prenant ainsi les parlementaires de court et les forçant de fait à adopter en l’état ce texte.

Ainsi la dénaturation d’un dispositif issu du code du travail relatif à la santé et aux conditions de travail pour la pause méridienne en sous chèque alimentaire est à la fois inégalitaire, insuffisante pour ce nouvel objectif, délétère pour le tissu économique de proximité, dangereuse pour la pérennité de l’exemption fiscale et sociale du titre restaurant.

Pour toutes ces raisons, cet amendement se propose de limiter la prochaine prolongation à 6 mois, donnant ainsi le temps au gouvernement d’entériner de réelles mesures de lutte contre l’inflation, la pauvreté et la précarité, et en laissant aux partenaires sociaux de terminer leur travail afin de définir les voies négociées de la modernisation d’un dispositif qui relève de la négociation sociale.



NB :La présente rectification porte sur la liste des signataires.