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Direction de la séance

Proposition de loi

Justice patrimoniale au sein de la famille

(1ère lecture)

(PROCÉDURE ACCÉLÉRÉE)

(n° 417 , 416 )

N° 22

18 mars 2024


 

AMENDEMENT

présenté par

C Irrecevable article 45
G  
Irrecevable art. 45, al. 1 C (cavalier)

Mme ROSSIGNOL, MM. BOURGI et ZIANE, Mmes BLATRIX CONTAT et de LA GONTRIE, MM. DURAIN et CHAILLOU, Mme HARRIBEY, M. KERROUCHE, Mmes LINKENHELD et NARASSIGUIN, M. ROIRON

et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain


ARTICLE ADDITIONNEL APRÈS ARTICLE 1ER


Après l’article 1er

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. – Le second alinéa de l’article L. 523-2 du code de la sécurité sociale est supprimé. 

II. – Le Gouvernement remet au Parlement, dans un délai d’un an à compter de l’adoption de la présente proposition de loi, un rapport relatif à la diversité des façons de faire famille et aux conséquences sur la fiscalité.

III. – La perte de recettes résultant pour les organismes de sécurité sociale du I est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.

Objet

Cet amendement propose de réformer l’article L523-2 du code de la sécurité sociale afin de supprimer la suspension de l’allocation de soutien familial lorsque le parent bénéficiaire conclut un PACS, vit en concubinage ou se remarie.

En effet, la condition de célibat imposée pour la perception de l’allocation de soutien familial participe à la perpétuation des inégalités patrimoniales suite au divorce ou à la séparation.

L’article L523-2 du code de la sécurité sociale dispose que : « Peut bénéficier de l'allocation le père, la mère ou la personne physique qui assume la charge effective et permanente de l'enfant orphelin ou de l'enfant assimilé à un orphelin au sens de l'article L. 523-1.

Lorsque le père ou la mère titulaire du droit à l'allocation de soutien familial se marie, conclut un pacte civil de solidarité ou vit en concubinage, cette prestation cesse d'être due. ».

L’allocation de soutien familial est ouverte au père ou à la mère vivant seul.e résidant en France, et ayant au moins un enfant à charge pour lequel l'autre parent ne participe plus à l'entretien depuis au moins 1 mois ou verse une pension alimentaire inférieure à 116,11 €.

Cette prestation cesse lorsque le père ou la mère titulaire du droit à l'allocation de soutien familial se marie, conclut un pacte civil de solidarité ou vit en concubinage. Il s’agit donc d’une prestation destinée à l’enfant mais qui dépend de la vie affective et sexuelle du parent.

Avec 85% des familles monoparentales constituées de mères et de leurs enfants, la moitié de ces familles vivait avec moins de 1.200€ par mois en 2012 (INSEE). Ces familles représentent plus du double du pourcentage de la population générale considérée sous le seuil de pauvreté : 8% de la population nationale est estimée vivre sous ce seuil contre 19% pour les mères isolées (ONPES, 2018). Ces familles sont ainsi davantage en situation de précarité ou de pauvreté que la population générale. Derrière l’apparente neutralité de la qualification de « famille monoparentale » se cache en réalité un isolement fort des mères, qui doivent jongler entre l’éducation des enfants et leur activité professionnelle, et sur les épaules desquelles le quotidien pèse lourd. Les renoncements et sacrifices qui en découlent impactent pour beaucoup d’entre elles l’activité professionnelle, mais également la possibilité de disposer de moments de répit ou de temps libéré des obligations familiales. La constitution de réseaux d’entraide est rendue difficile par cette faible disponibilité.

Pour nombre de mères monoparentales, le fait de rencontrer quelqu’un et de se (re)mettre en couple représente une opportunité de diminuer la charge familiale qui pesait précédemment sur elles uniquement.

Celles qui ne peuvent se passer de l’allocation de soutien familial pour leur survie matérielle sont donc contraintes de rester célibataires, avec un niveau de vie médian avoisinant 1 180 € mensuel, soit 800€ de moins que le revenu moyen national estimé à 1 990 € (OCDE, 2019).

Pour d’autres, la perte de l’allocation de soutien familial peut entraîner un risque accru de dépendance économique vis-à-vis de leur nouveau partenaire, ce qui nuit à leur autonomie et constitue un facteur de risque dans l’hypothèse où le nouveau partenaire commettrait des violences, 10% des femmes étant victimes de violences conjugales déclarées chaque année (Enquête VIRAGE menée par l'INED, 2016). De surcroît, cette conditionnalité de l’ASF peut être un levier de contrôle par l’ancien partenaire de la vie affective du parent bénéficiaire, en donnant à l’ancien partenaire un moyen de chantage économique sur l’autre parent, par exemple dans des situations de violences post-séparation économiques, psychologiques).

Le mécanisme de suspension repose sur un postulat contestable, fictif et moralement inacceptable : la contribution du nouveau partenaire de vie à l’éducation des enfants. On ne peut ni le présumer ni l’établir comme règle. Le partenaire du parent peut être lui-même en difficulté ou assumer les charges d’éducation de ses propres enfants.

Faire dépendre une allocation destinée à l’entretien des enfants du statut affectif du parent est contraire à la philosophie de la politique familiale qui considère que les prestations sont liées à l’enfant.

Cette condition de non-reprise des liens affectifs du parent bénéficiaire lui impose de choisir entre la solitude et la dépendance économique, qui s'ajoute à l'assignation géographique qui peut être induite par le mode de résidence des enfants.

En conséquence, l’amendement supprime la condition de célibat, est gagé et demande au Gouvernement la remise d’un rapport au Parlement afin de mettre en lumière les conséquences de la diversification des modèles familiaux sur la fiscalité.


    Déclaré irrecevable au titre de l'article 45, alinéa 1, de la Constitution (cavalier) par la commission saisie au fond