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Direction de la séance

Projet de loi

Financement de la sécurité sociale pour 2024

(1ère lecture)

(n° 77 , 84 , 80)

N° 807 rect.

13 novembre 2023


 

AMENDEMENT

présenté par

C Défavorable
G Défavorable
Rejeté

Mmes PONCET MONGE et SOUYRIS, MM. BENARROCHE, Grégory BLANC et DANTEC, Mme de MARCO, MM. DOSSUS, FERNIQUE et GONTARD, Mme GUHL, MM. JADOT et MELLOULI, Mme OLLIVIER, MM. PARIGI et SALMON et Mmes SENÉE et Mélanie VOGEL


ARTICLE 9


Supprimer cet article.

Objet

La réforme des retraites a entériné la fermeture des régimes spéciaux. L'article 9 poursuit la bascule vers le régime général et inscrit ainsi dans ce texte des dispositions transitoires. 

Plutôt que de renforcer notre système de retraites en travaillant sur les conditions de travail ou la pénibilité, le Gouvernement a choisi la stratégie du nivellement par le bas en fermant les régimes spéciaux dont les niveaux de protection et d'indemnisation tenaient compte de la pénibilité, des contraintes spécifiques de la branche et de ce fait étaient plus favorable que le régime général.  La crise du travail en France semble être une réalité que le Gouvernement ne souhaite pas prendre en compte. Rappelons quelques chiffres : 

En 2019, 37% des actifs occupés français disaient que leur travail était “insoutenable” (Enquête européenne sur les conditions de travail) ;  Selon la DARES, entre 1984 et 2016, le taux de salariés exposés à trois contraintes physiques ou plus est passé de 12,1% à 34% En 1984, 21,2% des ouvriers non qualifiés étaient exposés à au moins trois contraintes physiques, ils sont 63,4% en 2016 ; 23,5% des ouvriers qualifiés étaient exposés à au moins trois contraintes physiques en 1984, ils sont 60,8% en 2016 ; 13,2% des employés (commerces et services) étaient exposés à au moins trois contraintes physiques en 1984, ils sont 46,9% en 2016 ; 2,1% des cadres en 1984 étaient exposés à au moins trois contraintes physiques, ils sont 26,1% en 2016. L’intensification du travail s’étend à toutes les catégories socio-professionnelles. Selon la dernière enquête européenne sur les conditions de travail, la France reste championne sur la pénibilité et des accidents du travail, puisque sur le port de charges lourdes, les postures douloureuses, l’exposition aux produits chimiques et vibrations, la part des salariés français qui y est exposée est toujours supérieure à la moyenne européenne.  Selon les chercheurs Nicolas Dufour, Caroline Diard et Abdel Bencheikh, la France est championne d'Europe des accidents du travail et des morts au travail. Entre 2009 et 2017, la France est passé de 557 à 585 morts au travail, soit 28 décès supplémentaire, alors que dans le même temps, le nombre de morts au travail baissait dans toute l’Union Européenne, passant en Italie par exemple de 703 morts en 2009 à 484 en 2017, de 159 en 2009 à 96 en 2017 en Autriche, 88 à 43 aux Pays-Bas sur la même période, de 489 à 430 en Allemagne sur la même période et de 213 à 140 au Portugal sur la même période. Selon les chercheurs « la France est le seul pays qui a vu le nombre de décès s’accroitre entre 2009 et 2017 passant de 2,17 décès par 100 000 travailleurs à 2,64 pour 100 000, soit une augmentation de 22% en huit ans. ». En comparaison, « les Pays-Bas dont le taux de décès est déjà faible à l’origine, ont réussi à le faire baisser de 45% en huit ans en passant de 1,07 à 0,59 décès par 100 000 travailleurs. Ils sont l’exemple par excellence de l’objectif zéro mort au travail ».  Selon les dernières prévisions Eurostat, la France n’atteindra jamais l’objectif de zéro mort au travail d’ici 2035 à ce rythme. Sans même parler des décès, le taux d’incidence en France est énorme, selon les chercheurs cités plus haut « le taux d’incidence en France était en 2009 de 1887 accidents pour 100 000 travailleurs et en 2017 il a atteint 3 3396 accidents par 100 000 travailleurs, soit une évolution de +47% en huit ans ». Ce taux d’incidence est le plus élevé d’Europe, ce que confirme aussi l’agence Eurostat. Selon Opinion Way en 2022 : 34% des salariés sont en état de burn out dont 14% en burn out sévère, 41% sont en détresse psychologique

Les régimes spéciaux constituaient une protection pour les salariés. Cet article confirme leur disparition en proposant des modes de financements discutables puisqu’il prévoit une ponction des réserves de l’AGIRC-ARRCO, ce que refuse les partenaires sociaux.

En conséquence, parce que cet article prolonge une régression pour les droits des travailleurs et propose des modes de financement qui vont à l’encontre des partenaires sociaux, cet amendement se propose de supprimer l’article 9.