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commission de l'économie

Projet de loi

Protection des consommateurs

(1ère lecture)

(n° 12 )

N° COM-86

2 décembre 2011


 

AMENDEMENT

présenté par

Rejeté

Mme LÉTARD et MM. DUBOIS, LASSERRE, MERCERON, MAUREY, TANDONNET, DENEUX et CAPO-CANELLAS


ARTICLE ADDITIONNEL APRÈS ARTICLE 10


Après l’article L. 313-6 du code monétaire et financier, il est inséré une sous-section 4 ainsi rédigée :

« Sous-section 4

« Répertoire national des crédits aux particuliers pour des besoins non professionnels

« Art. L. 313-6-1. – Il est institué un répertoire national recensant les crédits accordés aux personnes physiques pour des besoins non professionnels. La consultation de répertoire national géré par la Banque de France vise à donner aux établissements prêteurs les informations nécessaires à l’appréciation de la solvabilité de l’emprunteur.

« Les établissements de crédit visés par le livre V du présent code déclarent à la Banque de France les principales caractéristiques des crédits accordés à chaque emprunteur, et notamment le montant et la catégorie du crédit consenti.

« Pour procéder à la déclaration et à la consultation du fichier, ils sont habilités à demander à l’emprunteur les éléments nécessaires à son inscription dans le répertoire national.

Un décret en Conseil d’Etat après avis motivé de la Commission nationale de l’informatique et des libertés détermine la nature et les garanties en termes de sécurité de l’identifiant nécessaire à l’individualisation des données du répertoire national.

« La Banque de France est seule habilitée à centraliser les informations visées au premier alinéa. Les établissements de crédit susvisés ne peuvent consulter ce répertoire national à d’autres fins que l’examen de la solvabilité de l’emprunteur, notamment lors de la souscription du crédit ou lors de l’évaluation triennale de la solvabilité de l’emprunteur. Ils ne peuvent en aucun cas conserver les informations ainsi obtenues dans un fichier automatisé.

 « La Banque de France est déliée du secret professionnel pour la diffusion, aux établissements de crédit susvisés, des informations nominatives contenues dans le fichier à la demande de ceux-ci.

« L’inscription des données positives et négatives consultables par l’emprunteur et l’établissement prêteur est conservée pendant toute la durée d’exécution du contrat et durant la période de six mois au-delà de la durée d’exécution du contrat. La traçabilité des informations est autorisée dans un délai maximal de trois ans après l’extinction de l’obligation de vérification de la solvabilité de l’emprunteur par les établissements de crédit, par la seule Banque de France, à des fins de contrôle, et en interne, par les établissements prêteurs, à titre probatoire dans le cadre du règlement contentieux d’un litige. Les modalités de conservation et de la consultation sont déterminées par décret.

« Les personnes concernées disposent d’un droit d’information, d’accès et de rectification des données les concernant, dont les conditions sont déterminées par arrêté après avis de la Commission nationale de l’informatique et des libertés.

«  La remise à un tiers d’une copie des informations contenues dans le répertoire national ainsi que la demande de remise de données contenues dans le répertoire national ou l’accès à ce dernier par des personnes non autorisées à le consulter constituent des délits passibles de sanctions pénales précisées par décret en Conseil d'État.

« Ce répertoire national des crédits aux particuliers entre en vigueur dans un délai maximum de dix-huit mois après la promulgation de la présente loi. Il s’applique aux contrats conclus avant son entrée en vigueur. Un décret en Conseil d’Etat fixe les dispositions relatives à la période transitoire entre la publication de la loi n°……. du …….. renforçant les droits, la protection et l'information des consommateurs et la mise en service du répertoire national.

« Un arrêté du ministre des finances, pris après avis de la Commission nationale de l’informatique et des libertés et du comité visé à l’article L. 614-1, fixe notamment les modalités de collecte, d’enregistrement, de conservation et de consultation de ces informations.

« Dans les départements d’outre-mer, l’institut d’émission des départements d’outre-mer exerce, en liaison avec la Banque de France, les attributions dévolues à celle-ci par le présent article.

« Des décrets en Conseil d’État déterminent les conditions d’application du présent article. ».

Objet

Dans le respect des préconisations du rapport du comité, publié le 2 août 2011, le présent amendement crée le répertoire national des crédits aux particuliers, qui constitue un dispositif efficace de prévention du surendettement.

Le surendettement est à l’origine de situations de détresse : plus de 700 000 personnes sont en situation de surendettement en France en 2011, et le nombre de dossiers déposés à la commission nationale du surendettement connait une croissance de plus de 8%.

Du 1er janvier 2010 au 31 octobre 2010, les commissions de surendettement ont examiné et déclarés recevables 176 731 dossiers concernant 223 908 personnes.

Le surendettement, c’est plus de 6 milliards d’euros de dettes, dont plus de 80% sont des dettes bancaires.

Selon les chiffres de la Banque de France, l’endettement moyen est de 40 000€ par dossier dont 17 600€ pour les crédits assortis d’une échéance et 19 900€ en moyenne pour les crédits renouvelables. On constate une brusque accélération depuis le début de l’année 2009, ce qui permet d’établir une corrélation, dans la situation actuelle une corrélation entre l’augmentation des flux de dossiers et la crise économique (cf rapport annuel de la Cour des Comptes pour 2010).

Dans ces conditions, si des initiatives ont été prises pour améliorer le traitement des situations de surendettement, la prévention devient un impératif et notre législation doit être renforcée en ce sens.  Voilà pourquoi, afin d’intervenir plus en amont, notre groupe propose  la création d’un répertoire national, afin de prévenir les situations de surendettement et faciliter l’examen par le prêteur de la solvabilité de l’emprunteur.

Il s’agit en particulier d’éviter que des personnes touchées par un accident de la vie ne se tournent vers le crédit pour améliorer leur situation financière.

L’article 49 de la loi n° 2010-737 du 1er juillet 2010 portant réforme du crédit à la consommation pose le principe d’un fichier positif, et charge un comité de préfigurer le fichier positif « à la française ».

Existant dans la très large majorité des pays de la zone euro (sauf en Finlande, France, Slovénie et Slovaquie), et parfois de très longue date (1927 en Allemagne) le fichier positif permet de sécuriser la souscription de crédit, et donc d’en augmenter le nombre, tout en en faisant baisser le coût (car le risque de défaut est moindre).

Dans les pays où un tel fichier existe, la population exclue du crédit y est en moyenne de 20 % contre 40 % en France actuellement. La baisse du risque de défaut de l’emprunteur conjuguée à une concurrence accrue d’organismes prêteurs ayant accès au fichier centralisé permettrait finalement de faire diminuer les taux d’intérêt des crédits à la consommation, au bénéfice des consommateurs, et les risques d’impayés de crédits à la consommation pour les établissements bancaires.

Si la création d’un fichier positif est largement plébiscité (86% d’opinions favorables selon le sondage Ifop pour la Fédération du Commerce et de la Distribution en date de Septembre 2011), sa mise en œuvre doit respecter certains garde-fous.

Ainsi, le présent amendement prévoit que le fichier serait géré par la seule Banque de France à l’exclusion de tout autre organisme, et la consultation des informations limitée aux établissements de crédit que pour un temps limité, et l’interdiction de tout usage commercial de ce répertoire sous peine de sanctions pénales.

Si le présent article renvoie à un décret pour déterminer l’identifiant, ainsi que les modalités de mise en œuvre, le cadre fixé par la loi permet d’en fixer les principales exigences de fiabilité, de sécurité et d’individualité.

En Allemagne, le fichier géré par la SCHUFA fonctionne sur un mode similaire au FICOBA (nom/prénom/date et lieu de naissance/adresse). Il enregistre 66 millions de personnes physiques. Aucun litige grave n’a été recensé. L’utilisation d’un tel identifiant est, selon la délibération de la CNIL en date du 7 juillet 1992 « de nature à éviter les risques d’homonymie » et présente l’avantage de faciliter la reprise immédiate des stocks des banques.

Sur la question du coût, il semble d’après une comparaison avec la mise en œuvre de fichiers positifs dans d’autres pays d’Europe notamment, que, selon l’ASF, le coût de la mise en place ne devrait pas excéder 100 millions d’euros, de 100 à 150 M€ pour la reprise du stock,  et 15 à 20 M€ pour le fonctionnement (hors consultation). On est loin des 315 à 510 millions d’euros avancés par les organisations professionnelles.

Mais la mise en place de ce répertoire étant un investissement, les retombées permettent in fine de le financer largement.

Ainsi, par son aspect préventif, le registre limite le nombre de créances abandonnées par les personnes surendettées, du fait de la diminution de leur nombre du montant moyen de l’encourt. Le montant moyen aujourd’hui de surendettement est deprès de 40 000 € en France (données de la banque de France en 2011) contre 18 000 € en Hollande et 15 000 € en Belgique, où de tels fichiers existent. La baisse prévue de cas de surendettement entraine la baisse des coûts de traitement des dossiers de surendettement pour la Banque de France, coût estimé aujourd’hui à 215 M€ par an par la Cour des comptes.

En outre, avec la diminution des risques de surendettement, la mise en place du registre permettra d’élargir l’accès au crédit. Dans l’ensemble des pays où les fichiers a été mis en place, il a été constaté une hausse de la production de crédits d’environ 10% la première année, soit environ 7 Md€ injectés dans la consommation. Il est donc évident que les gains pour les établissements de crédit, comme pour les organismes prêteurs ou l’Etat (économies réalisées dans le cadre du traitement du surendettement par les Commissions de surendettement ou par la Justice) excèderont largement les coûts de mise en œuvre et de fonctionnement du répertoire.

Enfin, il permettra à de nombreux ménages aux très faibles ressources d’éviter de s’engager dans la spirale des prêts à répétition débouchant à terme sur des drames humains. Les statistiques de l’enquête typologique 2010 sur le surendettement de la Banque de France montrent que ce sont d’abord des personnes vivant  seules ( 65% des cas contre 58% en 2001), et majoritairement des femmes (62,6% des personnes orientées vers un PRP) qui sont concernées. Elles pointent aussi l’augmentation des personnes surendettées âgées de plus de 55 ans ( 23% contre 13% en 2001).  A l’évidence, le projet de loi que nous débattons visant à renforcer la protection et l’information des consommateurs doit avancer sur la question de la prévention.

Tel est l’objet de cet amendement.