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commission des lois

Proposition de loi

Simplification du droit

(1ère lecture)

(n° 33 )

N° COM-36

19 décembre 2011


 

AMENDEMENT

présenté par

M. RETAILLEAU


ARTICLE ADDITIONNEL APRÈS ARTICLE 93 OCTIES (NOUVEAU)


Après l'article 93 octies, rédiger un article ainsi rédigé:

 Au I de l’article L.36-8 du code des postes et des communications électroniques, après la deuxième phrase du deuxième alinéa est insérée la phrase suivante :

« L’autorité peut, à la demande de la partie qui la saisit, décider que sa décision produira effet à une date antérieure à sa saisine, sans toutefois que cette date puisse être antérieure à la  date à laquelle le différend est apparu entre les parties. »

Objet

Conformément au cadre européen régissant le droit des communications électroniques, les opérateurs doivent être libres de négocier entre eux les modalités techniques et commerciales des prestations d’interconnexion et d’accès. Les directives prévoient toutefois que lorsqu’un différend survient, il peut être porté, à la demande de l’une des parties, devant le régulateur national qui devra résoudre le litige. Il découle donc de ces dispositions, qui ont été transposées à l’article L. 36-8 du code des postes et des communications électroniques, que la compétence de règlement de différend dévolue à l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (ARCEP) n’existe que pour autant qu’un désaccord soit survenu entre les parties.

Par ailleurs, il ressort de la pratique décisionnelle de l’ARCEP et de la jurisprudence de la Cour d’appel de Paris (voir par exemple l’arrêt de la Cour d’appel de Paris du 20 janvier 2004, numéro 2003/13088) que les décisions de règlement de différend peuvent avoir une portée rétroactive. Cette exception au principe de non-rétroactivité des actes administratifs se justifie par la nécessité d’assurer la pleine effectivité du mécanisme du règlement de différend, pour des motifs d’ordre public économique liés à la régulation du secteur.

Ce principe a été confirmé par un arrêt récent de la Cour de cassation (Cass. com., 14 décembre 2010, n° 09-67371). Toutefois, la formulation retenue par cet arrêt peut créer une incertitude quant à la date  à partir de laquelle une  décision de règlement de différend peut produire effet. En effet, la Cour de cassation indique dans cet arrêt que « le pouvoir conféré à l'ARCEP de préciser, au titre de la procédure de règlement des différends, les conditions équitables, d'ordre technique et financier, dans lesquelles l'interconnexion ou l'accès doivent être assurés, s'étend à l'ensemble de la période couverte par le différend dont elle se trouve saisie, peu important la date de son émergence entre les parties ; qu'il s'ensuit que cette autorité peut remettre en cause l'application, pendant cette période, des tarifs fixés dans la convention d'accès à la boucle locale ».

Or, il apparaît très délicat de déterminer à partir de quand débute la période couverte par le différend, si ce différend n’a pas encore émergé entre les parties. Ceci  fait peser une incertitude importante sur les relations entre opérateurs de communications électroniques et pourrait fragiliser le développement du secteur.

Une intervention législative est donc nécessaire pour lever cette incertitude, en précisant que l’ARCEP peut décider de donner effet à sa décision à une date, certes antérieure à sa saisine, mais qui ne peut être antérieure à celle à laquelle le différend est apparu entre les parties, c’est-à-dire la date à laquelle il peut être constaté un échec des négociations entre les parties. Cette solution est conforme au droit européen, qui prévoit, comme cela a été rappelé, que le régulateur ne peut intervenir en règlement de différend que dans la mesure où les négociations entre opérateurs ont échoué. En permettant à l’ARCEP d’écarter toute demande portant sur une période antérieure à cette date, la simplification proposée permettra d’éviter que le mécanisme de règlement de différend ne soit utilisé à d’autres fins que celle de la régulation des marchés actuels, par des opérateurs qui souhaiteraient utiliser cette voie de droit pour faire trancher des litiges portant sur des périodes révolues, engendrant ainsi des incertitudes juridiques et financières préjudiciables à la vie des affaires qui ne relèvent pas de la régulation des communications électroniques. De tels litiges relèvent en effet, par nature, de la compétence du juge commercial, qui n’a nullement été remise en cause par l’instauration de la procédure de règlement de différend, comme l’a rappelé le Conseil constitutionnel dans sa décision du 23 juillet 1996.