Logo : Sénat français

Commission spéciale sur le projet de loi pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques

Projet de loi

pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques

(1ère lecture)

(n° 300 )

N° COM-474

13 mars 2015


 

AMENDEMENT

présenté par

Adopté

Mme ESTROSI SASSONE, rapporteur


ARTICLE 10 A (NOUVEAU)


Supprimer cet article.

Objet

L'article 10 A soulève de nombreuses interrogations.

Il étend à tous les commerces, quel que soit leur secteur, un dispositif conçu à l'origine pour le commerce alimentaire de détail non spécialisé en libre service, autrement dit la grande distribution à dominante alimentaire. Cette extension par voie d'amendement, sans concertation des acteurs d'un secteur qui compte des dizaines de millers d'entreprises et des millions de salariés, et sans étude d'impact, constitue un saut dans l'inconnu qui inquiète, à juste titre, l'ensemble des commerçants franchisés, associatifs et coopératifs. On ne mesure ni les effets perturbateurs éventuels pour ces acteurs que cela peut avoir ni les gains qui peuvent être attendus en termes d'animation de la concurrence.

A supposer même que le dispositif soit recentré sur la grande distribution à dominante alimentaire, le bilan de ses effets positifs et négatifs n'apparaît pas pour autant très clairement.

Du côté des effets positifs, sont mis en avant, par l'Autorité de la concurrence et par le Gouvernement, les gains en termes d'intensification de la concurrence dans les zones de chalandise. Or, on peut être sceptique sur ce point. C’est l’entrée de nouveaux acteurs sur un marché qui constitue le principal facteur d'augmentation de la pression concurrentielle et, à cet égard, on peut remarquer que la situation de la distribution de détail n'est pas figée en France. Par rapport à des pays comparables, le niveau de concentration du commerce de détail y est moins élevé. Même s’il est indéniable que les conditions d’implantation (notamment urbanistiques) de nouveaux magasins sont complexes et coûteuses et qu’elles créent une barrière à l’entrée des zones de chalandise, on peut rappeler que la loi de modernisation de l'économie, en 2008, a facilité l’entrée de nouveaux commerçants (les discounters). Par ailleurs, l’apparition de nouveaux modes de commercialisation, avec la croissance exponentielle du commerce en ligne et, dans une moindre mesure, le développement des « drive », modifie elle-aussi les conditions de la concurrence. Par rapport à des changements structurels de ce type, la fluidification des changements d’enseignes dans une zone de chalandise donnée ne semble pas être un phénomène de nature à modifier de façon très marquée les conditions concurrentielles.

Du côté des effets négatifs, outre que le ciblage de ce dispositif recentré est alors si précis qu’il permet d’identifier très précisément les deux enseignes de distribution qui seront directement impactées par les nouvelles règles, on peut s'interroger sur ses effets perturbateurs sur une forme originale d’organisation de l’activité économique, à savoir l’association et la coopérative, dont la légitimité a été récemment réaffirmée par la loi sur l’économie sociale et solidaire. Au nom de quel motif d'intérêt général clair et indiscutable intervenir pour limiter la liberté contractuelle des commerçants concernés et les empêcher de formaliser leurs engagements réciproques sous la forme, par exemple, de contrats à durée indéterminée ou de contrats courts renouvelables tacitement, accessoires à leur adhésion au groupement assocatif ou coopératif ? Est-on certain que le dispositif ne crée pas d'asymétrie entre l'organisation du commerce sous forme de groupes intégrés et son organisation sous forme de commerçants indépendants associés ?