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Commission spéciale sur le projet de loi pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques

Projet de loi

pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques

(1ère lecture)

(n° 300 )

N° COM-758

19 mars 2015


 

AMENDEMENT

présenté par

Rejeté

Mmes AÏCHI et BOUCHOUX


ARTICLE ADDITIONNEL APRÈS ARTICLE 21


Après l’article 21

Insérer un article ainsi rédigé:

Il est créé un article 1 bis à la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques, ainsi rédigé:

« Les entreprises et les associations peuvent employer des avocats salariés d’entreprise selon le statut et les conditions suivantes :

   I.-  L’avocat salarié d’une entreprise ou d’une association exerce exclusivement son activité pour les besoins propres de l’entreprise qui l’emploie ou de toute entreprise du groupe auquel elle appartient. Il formule, en toute indépendance, les avis et consultations juridiques qu’il donne à son employeur.

Par exception au principe établi par l’article 3 de la présente loi, l’avocat salarié en entreprise n’est pas auxiliaire de justice. En conséquence, il ne peut assister ou représenter une partie devant une juridiction, cela même s’il s’agit de l’entreprise qui l’emploie, ou de toute entreprise du groupe auquel elle appartient. L’avocat salarié en entreprise ne peut pas non plus la représenter dans les matières où celle-ci est autorisée à mandater l’un de ses salariés. Il ne peut pas assister une partie dans une procédure participative prévue par le code civil. L’avocat salarié d’une entreprise ou d’une association ne peut avoir de clientèle personnelle. N’étant pas auxiliaire de justice, l’avocat salarié en entreprise ne peut revêtir le costume de la profession d’avocat tel que visé par l’article 3 alinéa 3 de la présente loi.

Le contrat de travail est établi par écrit et précise les modalités de la rémunération. Il ne comporte pas de stipulation limitant la liberté d’établissement ultérieure du salarié,si ce n’est en qualité de salarié d’une autre entreprise et ne doit pas porter atteinte à la faculté pour l’avocat salarié de demander à être déchargé d’une mission qu’il estime contraire à sa conscience ou susceptible de porter atteinte à son indépendance.

Les litiges nés à l’occasion de ce contrat de travail ou de la convention de rupture de ce contrat, de l’homologation ou du refus d’homologation de cette convention de rupture sont portés devant le conseil de prud’hommes, conformément aux dispositions du code du travail. Si l’examen du litige implique l’appréciation des obligations déontologiques du salarié, la juridiction ne peut statuer sans avoir préalablement recueilli l’avis du bâtonnier du barreau auprès duquel l’intéressé est inscrit.

II. – Les personnes qui exercent une activité juridique au sein du service juridique d’une entreprise privée ou publique ou d’une association en France ou à l’étranger, depuis huit années au moins et sont titulaires du diplôme mentionné au 2° de l’article 11 de la loi n°71-1130 du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques sont inscrites, sous réserve du passage d’un examen de contrôle des connaissances en déontologie, sur la liste spéciale du tableau mentionnée au III.

L’examen de contrôle des connaissances en déontologie est organisé par le conseil de l’Ordre du barreau auprès duquel l’avocat salarié en entreprise demande sa première inscription.

L’inscription au tableau prend effet dans le mois de la décision du conseil de l’ordre constatant la réussite à l’examen.  

III.-  L’avocat salarié d’une entreprise est inscrit sur une liste spéciale du tableau du barreau établi près le tribunal de grande instance du ressort dans lequel se situe le siège de l’entreprise ou l’établissement dans lequel l’avocat exerce.

L’avocat salarié doit, sous peine d’omission et de sanction disciplinaire, contribuer aux charges de l’Ordre en s’acquittant des cotisations dont le montant est fixé par le Conseil de l’Ordre. Il doit également, sous les mêmes sanctions, s’acquitter de ses participations aux assurances collectives souscrites par l’Ordre pour les cas où sa responsabilité personnelle serait susceptible d’être engagée. La répartition des primes dues au titre des assurances collectives entre les membres du barreau est effectuée par le Conseil de l’Ordre qui peut notamment moduler cette répartition en fonction de l’ancienneté dans la profession, de la sinistralité antérieure ou de l’existence de risques spécifiques.

Les entreprises ou associations employeurs de l’avocat peuvent prendre en charge ses cotisations.

Lorsqu’il cesse son activité salariée en entreprise, il ne peut requérir son inscription au tableau de l’ordre que s’il remplit les conditions mentionnées à l’article 11 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques.

L’avocat inscrit au tableau qui devient avocat salarié d’une entreprise est automatiquement inscrit sur la liste spéciale du tableau.

IV. – L’avocat salarié d’une entreprise est astreint au secret professionnel dans les conditions des articles 2226-13 et 226-14 du code pénal.  Ce secret n’est pas opposable aux autorités judicaires agissant dans le cadre d’une procédure pénale ainsi qu’aux autorités administratives indépendantes et aux administrations publiques agissant dans le cadre de leur mission légale.  L’avocat salarié ne peut également opposer son secret professionnel  à son employeur.

V- La loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971, dans sa rédaction issue du présent article, est applicable : en Nouvelle-Calédonie ; en Polynésie française et à Wallis-et-Futuna.

VI- Un décret en Conseil d’État fixe les conditions d’application du présent article, notamment, les modalités d’organisation l’examen de contrôle des connaissances de déontologie et les modalités d’inscription sur la liste spéciale du tableau. »

Objet

Cet amendement vise à ce que la modification de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques se fasse par un travail législatif et non par ordonnance.

La création de l’avocat salarié en entreprise répond à un véritable besoin de renforcement de la protection juridique des entreprises françaises dans un contexte de forte concurrence internationale. Employer un directeur juridique ayant le statut d’avocat confère à l’entreprise un degré de confidentialité pour les échanges couverts dès lors par le secret professionnel. Ce défaut de qualité d’avocat pourrait pousser des grandes entreprises françaises à quitter le sol français, au regard de la fragilité que constitue l’absence de protection juridique suffisante pour la compétitivité économique.

Le secret de l’avocat en entreprise est celui de l’entreprise, non celui de l’avocat. Contrat de travail et indépendance ne sont pas incompatibles. Contrairement au statut de juriste d’entreprise, le secret professionnel d’un avocat n’est pas opposable à l’entreprise et elle a la possibilité de le rompre. L’avocat en entreprise ainsi créé ne sera pas un auxiliaire de justice, il ne pourra plaider ni pour l’entreprise, ni pour ses dirigeants, ni pour quiconque. Il ne pourra pas non plus avoir de clientèle personnelle.

La création de l’avocat en entreprise permettrait donc de renforcer la compétitivité juridique de la France. Permettre à l’avocat d’exercer en entreprise offrira aux jeunes avocats de nouvelles perspectives et une plus grande flexibilité dans leur carrière :

les titulaires du CAPA auraient le choix entre le cabinet et l’entreprise, avec la possibilité de passer facilement de l’un à l’autre en conservant le titre d’avocat et en restant inscrits au barreau.

Les avocats salariés en entreprise devront être soumis aux mêmes règles déontologiques que les avocats exerçant dans un cabinet. Ils dépendront du même ordre professionnel et seront donc soumis aux principes essentiels régissant la profession dont l’indépendance, la confidentialité et le secret professionnel.

Cette solution de l’avocat salarié en entreprise permet en outre d’éviter la piste envisagée de la création d’une nouvelle profession réglementée de « juristes d’entreprise » avec un degré supérieur de confidentialité inspiré du legal privilege anglo-saxon, lequel ne couvre que le secret des documents de l’entreprise. Un juriste d’entreprise « amélioré » ne règlerait ni les questions de confidentialité ni celle de contrôle déontologique, puisqu’elle obligerait à mettre sur pieds une toute nouvelle institution ordinale. Cette piste serait totalement contraire à l’esprit de simplification du paysage des professions réglementées porté par la présente loi.