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commission des lois

Projet de loi

Transparence, lutte contre la corruption et modernisation de la vie économique

(1ère lecture)

(n° 691 , 0, 0)

N° COM-26

17 juin 2016


 

AMENDEMENT

présenté par

Rejeté

M. de NICOLAY


ARTICLE 30 AC


Supprimer cet article.

Objet

L’article 30 AC (nouveau) s’inscrit dans la lignée de 3 articles cumulatifs (30 AB (nouveau) ; 30 AC (nouveau) et 30 A (nouveau) introduits à l’Assemblée nationale :

Le premier est l’article 30 AB (nouveau), qui exonère du droit de préemption de la SAFER, les cessions de droits sociaux dans le cadre d’un pacte de préférence entre associés aux seuls bénéfices des associés exploitants qui sont déjà associés de la société et ce depuis plus de 10 ans.

Le second est cet article 30 AC (nouveau). Il impose à un associé, qui réalise un apport à une société de conserver ses droits sociaux pendant une durée de 10 ans, à défaut de quoi, la SAFER peut demander l’annulation de l’apport.

Le dernier est l’article 30 A (nouveau), qui impose que toute acquisition ou tout apport de droits ou biens immobiliers à une société, fassent l’objet d’une affectation particulière au sein du capital de la société, afin d’ouvrir le droit de préemption de la SAFER lorsque ces droits sociaux seront ultérieurement cédés à un autre associé, et si préemption il y a de la SAFER sur ces droits sociaux, l’opération est regardée comme un retrait d’actifs immobiliers de la société. Enfin, ce même article prévoit que si la cession des droits sociaux se faisait en méconnaissance de ce dispositif envisagé, la SAFER pourrait demander au tribunal de la déclarer acquéreur en lieu et place de l’associé acquéreur.

S’agissant plus particulièrement de l’article 30 AC (nouveau), il fait obligation à l’associé qui ferait un apport à une société de conserver les droits sociaux reçus en contrepartie au moins 10 ans, à défaut de quoi, la SAFER pourrait demander l’annulation de l’apport.

S’il est fréquent en agriculture que pour sécuriser les investissements réalisés et à réaliser, il soit constitué une société, à savoir un contrat entre plusieurs personnes qui formulent le désir d’associer leurs forces mais aussi leurs faiblesses, nul ne peut garantir qu’en pratique cette association soit couronnée de succès. Au même titre qu’un couple marié sur trois, divorce, il est fréquent qu’en pratique, l’association en agriculture préparée sur le papier se révèle plus délicate en pratique. Outre le conflit de génération, l’évolution des associés peut rapidement diverger au fur et à mesure des aléas du métier, des contraintes, mais aussi de la vie personnelle des associés.

Alors que depuis 40 ans, la constitution de société a été encouragée par les différents pouvoirs publics pour encadrer et sécuriser ces différents partenariats, la contrainte de rester associé au moins 10 ans quelles que soient les évolutions, à défaut de quoi l’unité constituée pourra être démantelée, porte atteinte à la liberté contractuelle.

La nouvelle disposition introduite par l’article 30 AC (nouveau) revient, dans les faits, à imposer aux sociétés de ne pouvoir évoluer pendant de longues années au risque d’un démantèlement de ce qui a été construit.

En effet, les sociétés d’exploitation sont, comme toutes les autres entreprises, sujettes à des fluctuations économiques qui impliquent qu’elles adaptent l’importance de leurs capitaux selon leurs besoins et éventuelles difficultés rencontrées.

Cette disposition nuit donc à la liberté d’entreprendre, sans aucune justification d’intérêt général ou liée à des exigences constitutionnelles.

Le Conseil constitutionnel considère sur ce point que « s’il est loisible au législateur d’apporter, pour des motifs d’intérêt général, des modifications à des contrats en cours d’exécution, il ne saurait porter à l’économie des contrats légalement conclus une atteinte d’une gravité telle qu’elle méconnaisse manifestement la liberté découlant de l’article 4 de la Déclaration de 1789 » (décision n° 99-416 DC du 26 juillet 1999 sur la couverture maladie universelle).

Cette disposition va placer l’ensemble des exploitants dans une situation de perpétuelle incertitude, ce qui n’est pas acceptable, au risque même de refaire naitre les fausses associations (société de fait ou créé de fait) sans véritable cadre juridique adapté.

Exemple :

Deux personnes (A et B) décident de s’associer dans la société S pour faire des économies d’échelle

           A représente 70 % des apports (dont terre, matériel et bâtiment)

           B représente 30 % des apports (dont terre et matériel)

           Pour réaliser la société S, A et B ont notifié à la SAFER les apports sous réserve de non préemption.

           La société S revend le matériel en surplus et s’équipe en conséquence de la dimension économique de S

           Pour X raisons, au bout de quelques années (moins de 10 ans) ils (A et B) se séparent. A achète les parts de B et B se réinstalle sur une autre exploitation qui s’est libérée.

Application de l’article : la SAFER peut demander l’annulation de l’apport de B qui quitte la Société S, mais aussi l’annulation de l’apport de A alors que tout deux (A et B) s’étaient entendu pour cette sortie. Quid de la pérennité de S lorsque son organisation n’a plus rien à voir avec son origine ? Les associés sont-ils alors condamnés à la seule dissolution de l’exploitation ?

Application de la motivation du Conseil Constitutionnel : les dispositions font peser sur les choix économiques des sociétés d’exploitations agricoles et sur leur gestion des contraintes qui portent tant au droit de propriété qu’à la liberté d’entreprendre une atteinte manifestement disproportionnés, en exposant A et B à voir leurs apports à la société S être remis en cause.