Logo : Sénat français

commission de l'aménagement du territoire et du développement durable

Proposition de loi

Transport public particulier de personnes

(1ère lecture)

(n° 810 (2015-2016) )

N° COM-21

17 octobre 2016


 

AMENDEMENT

présenté par

Adopté

MM. PELLEVAT, NÈGRE, LONGUET, HURÉ, LAMÉNIE et MAYET, Mme DUCHÊNE, M. BOCKEL, Mme BILLON et MM. MÉDEVIELLE et CIGOLOTTI


ARTICLE 2


Supprimer cet article.

Objet

Cet amendement vise à supprimer l’article 2 qui est contraire aux droits et libertés garantis par la Constitution, et méconnaît les réalités concurrentielles des entreprises du secteur.

Toutes les entreprises du secteur du transport de personnes, notamment les plateformes d’intermédiation qui mettent en relation les transporteurs et leurs clients par le biais d’applications numériques, fondent la réussite de leur modèle économique sur la gestion des données numériques dont elles disposent face à leurs concurrents, dans le respect des législations en vigueur. Le succès de ces modèles a permis la création d’une nouvelle économie de la mobilité qui a généré en 2 ans plus de 12 000 emplois.

Cet article 2 remet en cause fortement le modèle économique de ces sociétés en permettant à l’administration de réquisitionner et de rendre public des données économiques privées, en dehors de tout contrôle judiciaire et en violation des secrets légitimement protégés par la loi. Il porte une grave atteinte au droit de la concurrence en rendant publique des données stratégiques pour une entreprise soumise à la concurrence. Elle porte également directement atteinte à la liberté d’entreprendre et au droit de la propriété garantis par la Constitution.

La méconnaissance du secret des affaires est flagrante dans cet article 2 en ce qu’elle habilite l’autorité administrative à rendre publique toute donnée sur le secteur. Les perspectives de divulgation sont beaucoup plus problématiques que celles que l’on rencontre habituellement lorsqu’il est demandé à un opérateur économique de transmettre des informations statistiques agrégées à une autorité de régulation indépendante, astreinte à des obligations de confidentialité et présentant, comme telle, d’importantes garanties dans le traitement desdites informations.

Rien n’assure que l’administration sera bon juge de ce qui est communicable au public et de ce qui ne l’est pas et que, par ailleurs, des effets irréversibles seront attachés à une divulgation excessive et mal maîtrisée. Dans la société de l’information, il est trop tard pour faire marche arrière une seconde après qu’une donnée a été mise en ligne. Les opérateurs se trouveront donc privés de toute protection efficiente de leurs droits. Indépendamment même du fait que le législateur renoncerait à exercer lui-même la compétence qui lui revient en propre s’il l’adoptait, cet article attenterait à la « vie privée » des entreprises (art. 2 de la DDHC) de manière tout à fait disproportionnée, en même temps qu’à la garantie de leurs droits (art. 16 de la DDHC).

En outre, en renvoyant à un décret en Conseil d’État la détermination des conditions dans lesquelles l’autorité administrative peut imposer la transmission de toute donnée, le législateur s’est de nouveau placé en situation d’incompétence négative. Le Conseil constitutionnel a déjà jugé que, « en se bornant à renvoyer de manière générale au pouvoir réglementaire le soin de fixer la liste des informations qui ne peuvent en aucun cas demeurer confidentielles, le législateur a, eu égard à l’atteinte portée aux secrets protégés, méconnu l’étendue de sa compétence »[1]. La réciproque est tout aussi vraie.