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commission des lois

Projet de loi

Egalité réelle outre-mer

(1ère lecture)

(n° 19 )

N° COM-50

9 janvier 2017


 

AMENDEMENT

présenté par

Retiré

M. MOHAMED SOILIHI


ARTICLE ADDITIONNEL AVANT ARTICLE 29 BIS


Avant l'article 29 bis

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le paragraphe 3 de la section 1 du chapitre III du titre Ier bis du livre Ier du code civil est ainsi modifié :

1° L’article 21-7 est ainsi modifié :

a) Après le première alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Pour un enfant né à Mayotte, le premier alinéa n’est applicable que si l'un des parents au moins réside en France de manière régulière et ininterrompue depuis plus de trois mois.

b) Au deuxième alinéa, les mots : « le premier alinéa » sont remplacés par les mots : « les deux premiers alinéas » ;

2° L’article 21-11 est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Pour un enfant né à Mayotte, les deux premiers alinéas ne sont applicables que si l'un des parents au moins réside en France de manière régulière et ininterrompue depuis plus de trois mois. »

Objet

L’île de Mayotte est confrontée à une immigration illégale particulièrement forte puisqu’il est communément admis que près de la moitié de la population y résidant serait en situation irrégulière. Cet état de fait explique que la moitié des reconduites à la frontière au niveau national sont effectuées sur l'île. Il en résulte une situation sociale et sanitaire particulièrement préoccupante pour la collectivité avec des besoins premiers qu’il est difficile de satisfaire compte tenu des infrastructures de l’île.

Parmi les personnes en situation irrégulière figurent des mineurs qui relèvent de la prise en charge par le département des mineurs isolés. Fort nombreux, ils ne peuvent être, à la différence de ce qui se pratique dans les autres départements français, répartis auprès de structures extérieures au département en raison de l’insularité et de l’éloignement de l’île.

S’ajoute à ce constat le fait que Mayotte est la seule collectivité ultramarine de la République dont le territoire est officiellement revendiqué par un État étranger partageant une frontière avec la France.

L’ensemble de ces facteurs concourt à une pression migratoire forte pour les Mahorais. Des femmes enceintes abordent sur les rivages de Mayotte, souvent au péril de leur vie, avec l’espoir de donner naissance à un enfant né sur le territoire national afin qu’il puisse être élevé à Mayotte et ainsi bénéficier d’une naturalisation par « le droit du sol ».

En effet, tout enfant né en France de parents étrangers, même en situation irrégulière, peut solliciter entre treize et dix-huit ans la nationalité française sous réserve qu’il ait séjourné en France un nombre suffisant d’années.

Dans ces trois cas, le présent amendement propose pour les enfants nés à Mayotte, d’exiger que l’un des parents de l’enfant soit présent de manière régulière en France – à Mayotte ou sur le reste du territoire national – depuis plus de trois mois.

Cette condition supplémentaire, circonscrite au seul département de Mayotte, vise à répondre à la situation particulière que rencontre l’île. Elle repose sur la faculté donnée par l’article 73 de la Constitution d’adapter aux caractéristiques et contraintes particulières des départements d’outre-mer les dispositions législatives.

Par un arrêt de principe, le Conseil d’État a déjà admis des règles dérogatoires au régime de l’entrée et du séjour des étrangers et applicables à Mayotte au regard de la « situation particulière tenant à l’éloignement et à l’insularité de cette collectivité, ainsi qu'à l'importance des flux migratoires dont elle est spécifiquement l'objet et aux contraintes d'ordre public qui en découlent » dès lors que l’atteinte à la liberté d’aller et venir n’était pas disproportionnée (Conseil d’État,, 4 avril 2011, n° 345661).

Le Conseil constitutionnel a récemment confirmé que l’article 73 de la Constitution permet de créer des dispositions spécifiques à un ou plusieurs départements d’outre-mer, y compris dans des domaines relatifs aux libertés publiques ou au principe d’égalité devant la loi, dès lors que la dérogation est en lien avec la caractéristique ou la contrainte locale qui la justifie et qu’elle est proportionnée à l’objectif poursuivi (Conseil constitutionnel, 3 juin 2016, n° 2016-544 QPC).

Tel est le cas du présent amendement qui n’apporte qu’une dérogation limitée : il ne remet en cause ni le principe de la naturalisation par l’effet de la résidence en France, ni ne modifie la durée de résidence exigée. Il maintient également la possibilité pour un enfant né de parents étrangers de résider sur l’ensemble du territoire national – à Mayotte comme sur le reste du territoire -, cette résidence comptant pour le bénéfice de la naturalisation.

À titre de comparaison, cette condition est moins restrictive que celle qui a perduré entre 1973 et 1993 à Mayotte et qui conditionnait le bénéfice du « droit du sol » au fait d’être né d’au moins un parent de nationalité française (ancien article 161 du code de la nationalité française).