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commission des lois

Projet de loi

Sécurité intérieure et lutte contre le terrorisme

(1ère lecture)

(n° 587 )

N° COM-16

10 juillet 2017


 

AMENDEMENT

présenté par

Rejeté

MM. BIGOT, SUEUR, LECONTE

et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain


ARTICLE 3


Supprimer cet article.

Objet

Le présent amendement a pour objet la suppression de l’article 3.

Cet article donne pouvoir au ministre de l’intérieur de procéder à la surveillance de personnes répondant à une série de critères législatifs et visant la prévention d’actes de terrorisme. Il emprunte son dispositif à la fois aux mesures d’assignations à résidence prévues par l’article 6 de la loi du 3 avril 1955 relative à l’état d’urgence et aux dispositions permettant le contrôle administratif des personnes de retour en France d’un théâtre d’opérations de groupements terroristes (art. L. 225-1 à L. 225-8 du CSI).

Les auteurs de l’amendement estiment que ce nouveau régime d’assignation à résidence est imparfait dans son dispositif et surabondant au regard des mesures qu’il édicte. 

Selon l’exposé des motifs du projet de loi, les critères qui conditionnent l’application de l’article 3, sont à la fois plus encadrés et plus précis que ceux prévalant pendant l'état d'urgence, d’autant que le Gouvernement a inséré dans la rédaction de l’article 3 les préconisations émises par le Conseil d’Etat dans son avis du 15 juin 2017 (à l’exception toutefois de la recommandation relative à la durée d’application de ces mesures). 

Cependant, il ressort d’une lecture attentive de cet article qu’à maints égards, le cadre juridique des mesures individuelles de surveillance est plus large que celui qui préside à l’application de l’article 6 de la loi du 3 avril 1955. 

Il en va ainsi des conditions mises à l’adoption des mesures de surveillance dont on ne parvient à déterminer si elles sont cumulatives ou si elles visent trois catégories de personnes distinctes. 

Concernant la possibilité de placement sous surveillance électronique mobile de la personne assignée à résidence, l’article 3 conduit à introduire dans le droit commun une mesure qui va plus loin que ce que prévoit l’article 6 précité qui réserve son application aux seules personnes déjà condamnées à une peine privative de liberté pour un crime qualifié d’acte de terrorisme ou pour un délit recevant la même qualification puni de dix ans d’emprisonnement et ont achevé l’exécution de leur peine depuis moins de huit ans. 

Au sujet de l’obligation faite à la personne intéressée par les mesures de surveillance de déclarer les numéros d’abonnements et identifiants de tout moyen de communication électronique dont elle dispose, on se souvient qu’une telle disposition n’a pas été retenue par le législateur lorsqu’il a examiné la procédure assurant le contrôle administratif des personnes de retour sur le territoire national après s’être rendue ou avoir tenté de rejoindre un théâtre d’opérations terroristes de la loi du 3 juin 2016 renforçant la lutte contre le crime organisé et le terrorisme. 

Enfin, contrairement à l’assignation à résidence prescrite dans le cadre de l’état d’urgence dont la durée d’application est plafonnée, les mesures prescrites par l’article 3 ont vocation à s’appliquer pour une durée maximale mais pouvant être renouvelées systématiquement sur le fondement d’éléments nouveaux ou complémentaires. 

Les auteurs de l’amendement regrettent également la place incommodante réservée à l’autorité judiciaire simplement informée des mesures individuelles de surveillance prises par le ministre de l’intérieur et reléguée à un rôle de superviseur des procédures en cours alors qu’elle a démontré sa réactivité et son efficacité opérationnelles. Justifier l’utilité des mesures inscrites à l’article 3 du projet de loi au motif qu’elles permettraient de lever le doute s’apparente à rechercher le risque zéro dont nous convenons tous qu’il ne peut être atteint. 

Les auteurs de l’amendement rappellent enfin :

- que la législation en vigueur comprend déjà des dispositions procédurales administratives et pénales spécifiques d’une part et un ensemble d’infractions pénales ayant pour objet de prévenir la commission d’actes de terrorisme ;

- que dans le cadre des procédures d’enquêtes relatives à ces infractions, les magistrats et enquêteurs disposent de pouvoirs étendus et très intrusifs ;

- que des dispositions procédurales particulières en matière de garde à vue et de perquisition sont prévues par le droit en vigueur et d’ores et déjà applicables ;

- que le législateur n’a cessé de conférer à l’autorité administrative de nombreux pouvoirs visant à prévenir la commission d’actes de terrorisme au point que des observateurs avisés en sont venus à dénoncer l’inflexion apportée au contenu de la liberté individuelle qui aboutit à retirer du contrôle exclusif du juge judiciaire la protection de la vie privée, le secret des correspondances, l’inviolabilité du domicile et la liberté d’aller et venir, et permet notamment que des perquisitions et saisies ou assignations à résidence soient contrôlées par le juge de l’administration, lorsqu’elle prescrit elle-même ces mesures.