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commission des lois

Projet de loi

Programmation 2018-2022 et réforme pour la justice

(1ère lecture)

(n° 463 )

N° COM-112 rect.

2 octobre 2018


 

AMENDEMENT

présenté par

Satisfait ou sans objet

MM. Jacques BIGOT et SUEUR, Mme de la GONTRIE, MM. DURAIN, LECONTE, KANNER et HOULLEGATTE, Mmes PRÉVILLE, MEUNIER et JASMIN, M. JEANSANNETAS

et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain


ARTICLE 34


Supprimer cet article

Objet

Le législateur a, dans l'article 706-24-2 du code de procédure pénale issu de la loi du 3 juin 2016 puis modifié par la loi du 30 octobre 2017, autorisé le procureur de la République à poursuivre certains actes d'investigation ordonnés pendant l'enquête initiale, pour une durée de 48 heures après l'ouverture de l'information judiciaire, le juge d'instruction pouvant y mettre un terme à tout moment. Ces investigations engagées et poursuivies dans ce cadre correspondent à des opérations ayant recours à des techniques spéciales d’enquête (opérations de géolocalisation, de surveillance, d'infiltration, d'interceptions téléphoniques, d'accès à distance à des données informatiques, de sonorisation et de fixation d'images et de captation de données informatiques). 

S’agissant de l’usage de techniques particulièrement intrusives, ce choix est guidé par la raison dès lors:

- qu’il permet d'éviter une discontinuité des investigations lors de l'ouverture d'une information ;

- qu’il n'existe pas pour d'autres chefs que les infractions de terrorisme ;

- que le contrôle de l’autorité judiciaire est assuré dans le cadre d’un délai raisonnablement suffisant permettant au juge d'instruction de prescrire la reprise des actes qu’il estime utile pour garantir leur poursuite. En d’autres termes, on peut considérer qu’une mesure que le juge d’instruction ne reprend pas à son compte dans un délai de 48 heures ne présente pas un degré d’urgence de nature à justifier une dérogation. 

Aussi, toute modification de ce régime, instauré depuis peu de temps, mérite une attention particulière. 

En proposant de généraliser et d’étendre au droit commun le continuum opérationnel permettant au parquet d’autoriser la poursuite de certains actes d’investigation et d’accompagner cette mesure d’un allongement des délais de 48 heures à 7 jours, l’article 34 du projet de loi s’écarte de manière disproportionnée du cadre légal rigoureux actuellement en vigueur. 

Ce dispositif est initialement conçu comme exceptionnel. Il doit être réservé aux infractions les plus graves et strictement limité dans le temps tout en maintenant l’équilibre existant entre la phase parquet et celle de l’information. 

Par ailleurs, le cantonnement du droit à se constituer partie civile que propose l’article 34 du projet de loi est non seulement superflue mais constitue une mesure déshumanisante et incompréhensible pour la victime qui se voit limiter dans l’accès au juge pénal. 

Aujourd’hui, il est possible en toute hypothèse de déposer plainte avec constitution de partie civile, même sans avoir exercé de recours hiérarchique auprès du procureur général contre la décision de classement sans suite prise par le procureur de la République. En outre, le juge d'instruction est tenu d'instruire une plainte avec constitution de partie civile alors même que la totalité des investigations utiles à la manifestation de la vérité ont déjà été réalisées par le parquet et que la partie civile aurait pu directement citer le prévenu devant un tribunal correctionnel. 

Or, l’article 34 du projet de loi durcit considérablement les conditions d’exercice de la plainte avec constitution de partie civile dans les dossiers correctionnels en portant de 3 à 6 mois le délai imposé au procureur de la République pour répondre à une plainte simple avant que la victime ne puisse saisir le juge ; en exigeant un recours hiérarchique devant le procureur général en cas de classement sans suite ; en ouvrant la possibilité au juge d’instruction de refuser l’ouverture d’une information judiciaire lorsque celle-ci est inutile et qu’une citation directe de la victime est possible. 

Il ne paraît pas déraisonnable de vouloir lutter contre les abus des constitutions de partie civile lorsqu’elles paraissent disproportionnées par rapport à l’intérêt public qu’elles représentent, mais le droit en vigueur prévoit déjà des conditions strictes directement inspirées par la volonté de réduire la charge occasionnée par certaines plaintes peu sérieuses. 

Compte tenu de ces observations, il apparaît qu'une telle mesure est sans fondement et doit être rejetée en conséquence.