Logo : Sénat français

commission des affaires économiques

Projet de loi

Projet de loi relatif à l'énergie et au climat

(1ère lecture)

(n° 622 )

N° COM-77 rect.

8 juillet 2019


 

AMENDEMENT

présenté par

Irrecevable art. 45, al. 1 C (cavalier)

M. VIAL, Mme LAMURE, M. SOL, Mme DURANTON, M. BIZET, Mme PUISSAT, MM. MENONVILLE, DECOOL, FRASSA et PIEDNOIR, Mmes GRUNY et BERTHET, M. SIDO, Mme NOËL, MM. LONGUET, DANESI, Bernard FOURNIER et MILON, Mmes KAUFFMANN, DEROMEDI et Marie MERCIER, M. SAVARY, Mme Anne-Marie BERTRAND et MM. PANUNZI et CHARON


ARTICLE ADDITIONNEL APRÈS ARTICLE 1ER OCTIES (NOUVEAU)


Après l'article 1er octies (nouveau)

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Afin de répondre à l?enjeu de compétitivité de l?industrie, notamment  des entreprises visées aux articles D351-1 et suivants du code de l?énergie, ainsi qu?à l?urgence climatique, le Ministre de la Transition écologique et solidaire et le Ministre de l?Economie et des Finances devront dans les 6 mois établir un rapport sur les politiques et actions concernant :

? la restructuration de la production électrique nucléaire et hydraulique au sein d?une même entité et les mesures permettant de créer des contrats de longue durée nécessaires au maintien et développement des entreprises visées aux articles D351-1 et suivants du code de l?énergie.

? l?évaluation du dispositif prévu à l?article L335-1 du code de l?énergie et notamment, de sa contribution réelle à la sécurité d?approvisionnement long terme, ainsi que de la mise en ?uvre effective de l?article L335-2 al.3 visant à donner la priorité aux capacités d?effacement de consommation sur les capacités de production.

? l?évaluation des coûts et moyens à mobiliser pour améliorer les outils de production au regard des exigences d?une politique énergie bas carbone.

Objet

Le projet de loi Énergie Climat rappelle dans son exposé des motifs que la France s?est dotée dès 2000 d?objectifs et de plans stratégiques pour réduire ses émissions de gaz à effets de serre (GES). En 2015, la France a également publié la première Stratégie Nationale Bas Carbone (SNBC) avec trois budgets « carbone » jusqu?en 2028. En 2016, la France a adopté la première Programmation Pluriannuelle de l?Energie (PPE) qui fixe à 2023 des objectifs ambitieux. Cette PPE qui définit la trajectoire du Gouvernement est actuellement en cours de révision. 

Le Gouvernement souligne avec justesse que « cette transformation doit s?accompagner d?une gouvernance renforcée qui puisse réunir et croiser les expertises en matière de climat » et annonce dans le prolongement de l?engagement du Président de la République la création du Haut Conseil pour le Climat (HCC).

Il faut attendre l?article 8 du projet de loi pour que soit évoqué « le calcul des compléments de prix du mécanisme à l?Accès Régulé de l?Electricité Nucléaire Historique (ARENH) » au moment même où il est demandé que l?enveloppe de l?ARENH soit portée de 100 TWh à 150 TWh avec une demande d?affectation pour les industriels gros consommateurs.

Le Gouvernement lance au même moment la restructuration d?EDF, projet majeur, qui consiste à regrouper dans une seule entité l?exploitation des centrales nucléaires et hydrauliques, celles-là mêmes qui permettent à la France de pouvoir disposer d?une énergie parmi les plus décarbonées au monde. Or, ce n?est qu?à l?occasion de l?étude d?impact (page 46) qu?est évoquée de façon curieuse la place des entreprises à savoir « la création du Haut Conseil pour le Climat n?a pas d?impact direct sur les entreprises »? (sic) en poursuivant toutefois « il appartiendra en effet au Haut Conseil pour le Climat de formuler des recommandations sur les investissements stratégiques industriels? ». Il y a lieu d?être préoccupé et inquiet de ce constat au regard de l?engagement politique du ministre de la transition écologique et solidaire qui, lors de sa prise de fonction, déclarait le lien qu?il devait y avoir entre écologie et économie.

Les travaux de la Délégation sénatoriale aux entreprises et la récente mission sur la sidérurgie rappellent l?importance de l?énergie (et de son coût) pour les industries visées à l?article D351-1 et suivants du code de l?énergie, mais révèlent également que certaines d?entre elles verront leur contrat de fourniture historique arriver à leur terme en 2020, et requièrent d?urgence la négociation d?un nouveau tarif. Les réponses apportées par le Gouvernement lors du débat de la loi à l?Assemblée Nationale, se contentant de se référer à « la boite à outils », montrent une méconnaissance préoccupante de la situation des entreprises visées à l?article D351-1 du code de l?énergie.  Il importe de rappeler que la Commission Européenne, à laquelle on reproche souvent son manque d?intérêt pour l?industrie, soulignait dès 2014 son soutien « pour une renaissance industrielle européenne » en insistant sur « l?importance d?enrayer le déclin industriel et de réaliser l?objectif de porter la part de l?industrie à 20% du PIB d?ici 2020 »? en précisant que l?Union doit disposer de politiques plus cohérentes en ce qui concerne le marché intérieur? y compris l?énergie. Or, les chiffres font apparaitre qu?à ce jour l?industrie manufacturière représente 10% du PIB en France contre 20,3% en Allemagne. 

S?agissant de l?empreinte carbone, il importe de rappeler que l?industrie française a su adapter ses outils de production et investir dans l?efficacité énergétique pour réduire drastiquement ses émissions de CO2. Ainsi, comparée à la Chine et pour une tonne de produit fini, l?émission de CO2 en France est 8 fois plus faible pour la fabrication de l?aluminium, 5 fois plus faible pour le PVC et 3 fois plus faible pour le silicium. Ces industries pourraient encore améliorer leur performance énergétique si elles disposaient d?une véritable politique d?accompagnement sur la durée, leur permettant d?engager des investissements complémentaires. Une telle politique volontariste pourrait concerner prioritairement le recyclage des matériaux afin qu?ils soient traités en France (et non plus exportés dans des pays moins vertueux en matière d?empreinte carbone) ainsi que la récupération de la chaleur fatale des usines. Le maintien et le développement d?une telle industrie nécessitent que soit définie une véritable politique de l?énergie. A titre d?exemple, les entreprises visées à l?article D351-3 du code de l?énergie se trouvent confrontés à des concurrents bénéficiant d?une énergie entre 15 ? et 30 ?/MWh notamment au Canada, Moyen-Orient, Russie, Amérique du Sud, Islande, États-Unis et Norvège (contre une moyenne de 50 ?/MWh en France).

Sans revenir sur l?enjeu du prix de l?ARENH précédemment évoqué, la situation de l?hydraulique mérite tout autant d?être soulignée. Lors de l?adoption de la PPE en 2016, l?enjeu de l?hydraulique des barrages et du fil de l?eau a été largement débattu avec des engagements et orientations du Gouvernement de l?époque dont aucun n?a abouti à ce jour, mettant d?ailleurs certaines entreprises en situation particulièrement difficile. La restructuration du nucléaire et de l?hydraulique sous l?autorité de l?Etat impose donc la prise en compte urgente des enjeux de l?industrie grosse consommatrice. Mais cette industrie a également démontré la place qu?elle pouvait tenir et les avantages qui pourraient en résulter globalement dans un système électrique de plus en plus impacté par la montée en puissance des énergies renouvelables générant un déséquilibre de plus en plus fort entre l?offre et la demande.

Si des tensions capacitaires apparaissent en hiver, notamment à la pointe, des phénomènes de surproduction (de l?ordre de 20 à 30%) s?observent en été et ce, de manière récurrente et de plus en plus importante. Il semblerait logique de faire bénéficier notre industrie de ces excédents de production, dont le coût marginal est particulièrement faible. Dans le prolongement de l?excellent rapport de POIGNANT/ SIDO posant les principes du mécanisme de capacité dans la loi Nome, la France dispose aujourd?hui sur le plan législatif, réglementaire et technique de tous les outils nécessaires au développement de l?effacement de la consommation électrique dont l?ADEME a, dans un rapport de septembre 2017, présenté « l?évaluation du potentiel par régulation de process dans l?industrie et le tertiaire » en estimant le gisement et le prix de référence pour le secteur industriel. Or, en dépit de cet environnement particulièrement favorable et de ces études pertinentes, les volumes d?effacement sur les marchés restent très en-deçà des objectifs définis dans la PPE.

Cette vision stratégique doit être conduite au regard d?une évaluation du mécanisme de capacité visé à l?article L335-1 du code de l?énergie, et plus particulièrement, de l?impact de ce mécanisme pour les industriels et pour l?effacement (auquel il doit être donné priorité conformément à l?article L335-2 al.3 du code de l?énergie). En effet, depuis la mise en place du mécanisme de capacité, ce sont près de 2,6Mds? qui ont été facturés par les fournisseurs aux consommateurs finals (dont plus de 600 M? payés par les industriels, y compris ceux participant activement au dispositif en offrant leurs capacités d?effacement) au titre de ce dispositif. Or, il y a lieu de s?interroger sur l?affectation de ces sommes, et l?usage qui en a été fait par les producteurs/fournisseurs et d?ainsi évaluer l?efficacité de ce mécanisme, censé contribuer à la sécurité d?approvisionnement. Ces quelques exemples montrent à l?évidence la nécessité et l?urgence d?évaluer et de réadapter les politiques et actions en matière d?énergie en faveur de l?industrie.



NB :La présente rectification porte sur la liste des signataires.