Logo : Sénat français

commission des lois

Projet de loi

Vie locale et action publique

(1ère lecture)

(n° 677 rect. )

N° COM-149

24 septembre 2019


 

AMENDEMENT

présenté par

Rejeté

M. de BELENET

et les membres du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants


ARTICLE ADDITIONNEL APRÈS ARTICLE 11


Après l'article 11

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

« L’article 5111-2 du code général des collectivités territoriales est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Les membres de l’organe délibérant des collectivités territoriales, agissant en tant que délégués de celles-ci au sein d’un groupement de collectivités tel que défini à l’article L. 5111-1 alinéa 2, ne sont pas considérés en situation de conflits d’intérêts au sens de l’article 432-12 du Code pénal, lorsque le groupement délibère sur ses relations avec leur collectivité ou que ces dernières délibèrent sur leurs relations avec le groupement ».

II. – En conséquence, faire précéder cet article d’une division additionnelle et son intitulé ainsi rédigés :

« Titre IV bis : 

« Prévention des conflits d’intérêts relative aux représentants d’une commune au sein d’un établissement public de coopération intercommunale »

Objet

Le délit de prise illégale d’intérêts de l’article 432-12 du code pénal a pour objectif de prévenir et réprimer la confusion, par les personnes en charge d’un intérêt public, de ce dernier avec un intérêt privé.

L’interprétation de ce texte par la jurisprudence pénale a été jugée particulièrement extensive.

Ainsi, la Cour de Cassation considère que le délit est constitué par la participation d’élus à des décisions de l’assemblée délibérante de leur collectivité concernant des organismes au sein desquels ils représentent cette dernière, et alors même que leur intérêt n’est pas en contradiction avec celui de la collectivité (Cass. crim. 22 octobre 2008, n°08-820068).

Cette position s’applique en matière d’intercommunalité (Rép. Min. M. Gélard, n° 9200, JO Sénat 28 juin 2011, p. 1993). Or dans ce cadre, en application de la loi, les élus territoriaux siègent au sein des organismes de coopération en qualité de représentants de leur collectivité (art. L. 5211-6 du CGCT).

De fait, un élu participant à une délibération de l’assemblée territoriale dont il est membre, relative à l’organisme intercommunal où il la représente entrerait dans le champ d’application de l’article 432-12 (Rép. Min. précitée).

Enfin, l’appréciation du conflit d’intérêts par le Juge pénal dans le cadre de l’article 432-12 est largement différente de celle du Juge administratif dans le cadre de l’article 2131-11 du CGCT. Il en résulte une insécurité juridique certaine, un acte pouvant être pénalement répréhensible alors qu’il est intervenu selon une procédure administrativement régulière.

Le récent rejet par la Cour de Cassation d’une demande de QPC sur l’article 432-12 indique qu’elle n’est pas disposée à infléchir sa jurisprudence.

Aussi les praticiens et une grande partie de la doctrine juridique plaident-ils pour un « nécessaire recadrage législatif ».

Plusieurs initiatives ont dernièrement été prises en ce sens mais n’ont pas abouti, à raison du caractère trop général des modifications proposées Elles conduisaient à restreindre le champ d’application du texte d’incrimination pénal, sans distinction (Le Sénat a approuvé le 24 juin 2010 une proposition de loi visant à remplacer à l’article 432-12 du code pénal la notion « d’intérêt quelconque » par celle « d’intérêt personnel distinct de l’intérêt général » ; l’Assemblée nationale avait, dans le cadre de l’examen de la loi relative à la transparence de la vie publique, adopté un amendement, non retenu, visant à définir dans l’article 432-12 l’intérêt illégalement pris comme un « intérêt de nature à compromettre l’impartialité, l’indépendance ou l’objectivité ». Plus anciennement lors des débats sur la loi ATR du 6 février 1992 il avait été vainement proposé d’exiger pour la constitution du délit, « une véritable volonté délictueuses » - Bernard Seillier, JO Débats Sénat, 12 juin 1991, p. 1595 ; de même, à l’occasion de l’adoption du nouveau code pénal, un amendement avait tenté d’exclure le maire du champ d’application du délit lorsque l’acte incriminé intervenait dans un domaine pour lequel il avait donné délégation – Amendement Toubon, JO Débats AN, 8 octobre 1991, p. 4280).

Toutefois la Jurisprudence pénale actuelle induit des effets pervers qui sont susceptibles de nuire à l’action publique elle-même, et notamment remettre en cause la nature même du droit de l’intercommunalité.

C’est pourquoi, afin d’y remédier, il peut être proposé d’introduire dans la loi des garanties pour les élus représentants leurs collectivités dans une structure intercommunale, sans modifier pour autant l’article 432-12.

Il est proposé, en s’inspirant de ce qui avait été fait pour les SEML par la loi n° 2002-1 du 2 janvier 2002 (article L. 1524-5 du CGCT) au regard des notions d’entrepreneur de services locaux ou d’élu intéressé à l’affaire, d’écarter l’application de l’article 432-12 du code pénal pour les élus qui représentes leur collectivité au sein de structures intercommunales, et exclusivement dans ce cas.

Cette solution d'appel ferait l’économie d’une modification du texte d’incrimination, en excluant de son champ d’application les élus représentant leur collectivité dans une structure publique de coopération intercommunale