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commission des affaires étrangères

Projet de loi

Accord UE-Canada

(1ère lecture)

(n° 694 )

N° COM-1

11 mars 2024


 

AMENDEMENT

présenté par

Adopté

M. ALLIZARD, rapporteur


ARTICLE 1ER


Supprimer cet article.

Objet

Cet amendement vise à supprimer l’article 1er du présent projet de loi qui autorise la ratification de l’accord économique et commercial global entre l’Union européenne et le Canada (AECG/CETA).

Plusieurs raisons doivent conduire à ne pas ratifier ce texte.

En premier lieu, l’application provisoire de l’accord depuis 2017 laisse apparaître un bilan économique contrasté. En effet, si certains secteurs ont bénéficié de cet accord, au niveau macroéconomique les gains sont limités. Les échanges bilatéraux franco-canadiens ont certes crû de 33 % entre 2017 et 2023, mais cette croissance est en réalité identique à celle constatée pour l’ensemble du commerce extérieur français. Selon une étude du Centre d’études prospectives et d’informations internationales (CEPII) de juin 2019, à l’horizon 2035, la mise en œuvre de l’AECG se traduira en outre par une progression plus importante des importations de la France en provenance du Canada (+ 40,4 %) que des exportations françaises vers ce pays (+ 13,74 %). De fait, en 2023, le solde des échanges franco-canadiens laisse apparaître un déficit de 23 M€. Au total, selon le CEPII, l’AECG ne contribuerait à une hausse de la croissance annuelle française que de l’ordre de 0,02 % à horizon 2035, contre 0,01 % pour l’Union européenne, et 0,4 % pour le Canada.

En deuxième lieu, l’AECG/CETA fait peser des risques importants sur l’agriculture française, en particulier sur la filière bovine. Si les importations de viande canadienne demeurent à ce stade limitées, cette situation n’est pas figée. D’abord, la forte dépendance du Canada vis-à-vis des marchés américain et asiatique pourrait conduire les exportateurs canadiens à se tourner vers l’Union européenne comme marché de repli. Par ailleurs, des demandes régulières sont formulées par le Canada pour autoriser l’utilisation de l’acide peracétique pour le traitement des carcasses. Si la Commission européenne devait reculer sur ce point, un obstacle important aux exportations de viande canadienne serait levé. Enfin, l’absence de clauses miroirs inscrites dans le texte se traduit par un niveau de contrainte pesant sur nos agriculteurs supérieur à celui auquel sont soumises les importations. Dans un contexte où les réglementations européennes ne cessent de se durcir, cette situation conduit à un déficit de compétitivité au détriment de nos producteurs. Au demeurant, le respect effectif des normes européennes à l’importation exige un dispositif de contrôle irréprochable. Or, d’une part, l’AECG/CETA prévoit la diminution du taux de contrôles sanitaires réalisés à l’entrée sur le territoire et de l’Union européenne et, d’autre part, la Commission européenne a mis en évidence l’existence de défaillances du dispositif de contrôle canadien à l’occasion de deux audits conduits en 2019 et 2022.

En troisième et dernier lieu, cet accord dit de « nouvelle génération » apparaît aujourd’hui, dans une large mesure, anachronique. Fortement marqué par le contexte dans lequel il a été négocié, cet accord est désormais en décalage avec les attentes des peuples européens en matière de bien-être animal, de souveraineté alimentaire ou de soutien à l’agriculture.

Il convient par conséquent d’adresser un signal fort à l’Union européenne en refusant que l’agriculture continue de servir de « monnaie d’échange » au bénéfice des intérêts « offensifs » mis en avant par la Commission européenne dans le cadre des négociations des accords de libre-échange et en rejetant l’AECG/CETA.

Le rejet de cet accord ne traduit évidemment pas une volonté de distendre les liens profonds entre le Canada et la France. C’est pourquoi il convient d’adopter l’article 2 du présent projet de loi qui prévoit la ratification de l’accord de partenariat stratégique, lequel fournit un cadre de coopération renforcé entre l’Union européenne et le Canada.