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commission des affaires économiques

Proposition de loi

Réduire le coût du foncier

(1ère lecture)

(n° 163 )

N° COM-11

2 mars 2020


 

AMENDEMENT

présenté par

Adopté

Mmes ESTROSI SASSONE et LÉTARD, rapporteurs


ARTICLE 2


Supprimer cet article.

Objet

L’article 2, est issu d’un amendement du Gouvernement adopté en séance à l’Assemblée nationale.

Il a pour objectif d’autoriser le Gouvernement à légiférer par ordonnance, dans un délai d’un an, pour :

- Créer de nouveaux organismes fonciers « libres » qui seraient détenus à majorité par des personnes publiques et qui auraient pour vocation d’acquérir et de gérer du foncier en vue de réaliser des logements, des locaux à usage commercial, des locaux à usage de bureaux et des équipements collectifs, au moyen de baux de longue durée ;

- Créer un bail réel de longue durée prorogeable ;

- Ces baux seraient consentis en vue de la location ou de l’accession à la propriété, sous certaines conditions de loyers ou de prix de cession, dans les zones tendues ;

- Définir les conditions des mutations successives et de résiliation ;

- Adapter ou fusionner avec ce nouveau régime ceux du BRI et du BRS, tout en conservation leurs champs d’application et leurs caractéristiques.

L’objet de l’OFL est donc très large, englobant toute la sphère immobilière et sans vocation sociale, en dehors sans doute des zones tendues.

Les rapporteurs estiment qu’il n’est pas dans la vocation d’une PPL que la principale disposition du texte soit une habilitation donnée au Gouvernement à légiférer par ordonnance, conduisant le Parlement à se dessaisir.

Par ailleurs, cette habilitation est loin de faire consensus et d’être juridiquement incontestable.

L’OFL est présentée comme l’arme définitive contre la spéculation foncière et pour favoriser le logement abordable.

Il existe déjà, de nombreux outils pour garantir la maîtrise publique du foncier et faciliter la production de logements abordables. Aucun, à l’exception du BRS, n’a fait l’objet d’une évaluation.

La rédaction de l’habilitation soulève ensuite des difficultés et craintes.

On peut s’interroger sur la constitutionnalité du dispositif envisagé au regard du droit de propriété tel qu’il est conçu en France depuis la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen de 1789 et au regard des règles constitutionnelles de cession du foncier public.

Il conviendrait ensuite de démontrer que la séparation du foncier et du bâti soit à elle seule la solution contre la hausse des prix de l’immobilier. Il y en a plusieurs contre-exemples. Au Royaume-Uni et plus particulièrement à Londres, où cette dissociation est fréquente, elle n’a pas limité l’augmentation du coût du logement. À Lyon, la gestion via des baux emphytéotiques du patrimoine foncier des Hospices civils se fait également à la valeur du marché local. Enfin, à Amsterdam, où le foncier est dans une large mesure la propriété de la ville, c’est celle-ci qui a, ces dernières années, fortement augmenté le montant du loyer du foncier.

Les termes mêmes de l’habilitation suscitent des inquiétudes au sein du mouvement HLM. Les organismes de logement social observent que leur statut non lucratif ou à lucrativité limitée leur interdira d’être parties aux OFL ou même d’en être des prestataires. Ils relèvent en outre leur champ très large, au-delà du logement intermédiaire et des objectifs initiaux d’accession à la propriété et craignent que ce dispositif ne soit en réalité la porte ouverte à des foncières privées qui, s’assurant des financements avantageux sur les marchés, viendraient pallier puis remplacer des opérateurs HLM fragilisés et en manque de soutien public.

Cette crainte est confortée par l’objet très large des OFL qui en fait un outil pour investisseurs et aménageurs.

Ainsi, l’absence de besoin avéré et d’évaluation des dispositifs existants, le flou des objectifs poursuivis et des bases juridiques des futurs OFL, l’absence de consensus et l’usage d’une habilitation dans une PPL sans étude d’impact ni avis du Conseil d’État conduisent à proposer la suppression de l’article.