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Commission spéciale sur la bioéthique

Projet de loi

Bioéthique

(1ère lecture)

(n° 63 )

N° COM-254 rect. bis

7 janvier 2020


 

AMENDEMENT

présenté par

Rejeté

Mme Muriel JOURDA, rapporteur


ARTICLE 4


Rédiger ainsi cet article :

I. – Le code civil est ainsi modifié :

 Après l’article 310-1, il est inséré un article 310-1-1 ainsi rédigé :

« Il ne peut être légalement établi deux filiations maternelles ou deux filiations paternelles à l’égard d’un même enfant. » ;

2° La section 3 du chapitre Ier du titre VII du livre Ier est abrogée ;

3° La section 4 du même chapitre Ier devient la section 3 ;

4° Après le titre VII du livre Ier du code civil, il est inséré un titre VII bis ainsi rédigé :

« Titre VII BIS

« DE LA FILIATION EN CAS D’ASSISTANCE MÉDICALE À LA PROCRÉATION

« AVEC TIERS DONNEUR

« Art. 342-9. – En cas d’assistance médicale à la procréation nécessitant l’intervention d’un tiers donneur, aucun lien de filiation ne peut être établi entre l'auteur du don et l'enfant issu de l'assistance médicale à la procréation.

« Aucune action en responsabilité ne peut être exercée à l'encontre du donneur.

« Art. 342-10. – Les couples ou la femme non mariée qui, pour procréer, recourent à une assistance médicale nécessitant l'intervention d'un tiers donneur, doivent préalablement donner leur consentement à un notaire, qui les informe des conséquences de leur acte au regard de la filiation ainsi que des conditions dans lesquelles l’enfant pourra, s’il le souhaite, accéder à sa majorité aux données non identifiantes et à l’identité de ce tiers donneur.

« Le consentement donné à une assistance médicale à la procréation interdit toute action aux fins d'établissement ou de contestation de la filiation à moins qu'il ne soit soutenu que l'enfant n'est pas issu de l'assistance médicale à la procréation ou que le consentement a été privé d'effet.

« Le consentement est privé d'effet en cas de décès, d’introduction d’une demande en divorce ou en séparation de corps, de signature d’une convention de divorce ou de séparation de corps par consentement mutuel selon les modalités de l’article 229-1 ou de cessation de la communauté de vie, survenant avant la réalisation de l’assistance médicale à la procréation. Il est également privé d'effet lorsque l’un des membres du couple le révoque, par écrit et avant la réalisation de l’assistance médicale à la procréation, auprès du médecin chargé de mettre en œuvre cette assistance.

« Celui qui, après avoir consenti à l'assistance médicale à la procréation, ne reconnaît pas l'enfant qui en est issu engage sa responsabilité envers la mère et envers l'enfant.

« En outre, sa paternité est judiciairement déclarée. L'action obéit aux dispositions des articles 328 et 331. 

« Si les deux membres du couple en font la demande au notaire, le consentement donné à une assistance médicale à la procréation vaut consentement de la mère dont la filiation à l’égard de l’enfant qui en est issu est établie par l’effet de la loi ou par la reconnaissance volontaire, à l’adoption de cet enfant par l’autre membre du couple. Celui-ci s’engage à saisir le tribunal de grande instance d’une requête en adoption de l’enfant.

« Le cas échéant, les effets du consentement à l’adoption cessent en même temps que ceux du consentement à une assistance médicale à la procréation.

« Le membre du couple qui, après s’être engagé à saisir le tribunal de grande instance d’une requête en adoption de l’enfant issu de l’assistance médicale à la procréation, n’y procède pas, engage sa responsabilité envers la mère et envers l’enfant.

« L’adoption de l’enfant peut, dans ce cas, être prononcée par le tribunal de grande instance à la requête de la mère dont la filiation est établie. 

« Art. 342-11. – La filiation de l’enfant issu du recours à une assistance médicale à la procréation nécessitant l’intervention d’un tiers donneur est établie dans les conditions du titre VII du présent livre.

Dans le cas visé à l’article 310-1-1, la seconde filiation ne peut être établie que dans les conditions du titre VIII du même présent livre. »

 L’article 343 est ainsi modifié :

a) Après les mots : « corps, » la fin de la phrase est ainsi rédigée : « deux partenaires liés par un pacte civil de solidarité ou deux concubins » ;

b) Il est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Les adoptants doivent être en mesure d'apporter la preuve d'une communauté de vie d'au moins deux ans ou être âgés l'un et l'autre de plus de vingt-huit ans. » ;

6° Le second alinéa de l’article 343-1 est ainsi modifié :

a) Après les mots : « corps, » sont insérés les mots : « lié par un pacte civil de solidarité ou en concubinage, » ;

b) Après les mots : « conjoint, » sont insérés les mots : « de son partenaire lié par un pacte civil de solidarité ou de son concubin » ;

c) Le mot : « conjoint », est remplacé par les mots : « celui-ci » ;

L’article 343-2 du code civil est complété par les mots : « , du partenaire d’un pacte civil de solidarité ou du concubin » ;

8° Au premier alinéa de l’article 344 du code civil, après le mot : « conjoint », sont insérés les mots : « , partenaire d’un pacte civil de solidarité ou concubin, » ;

9° Après le premier alinéa de l’article 345, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Lorsque l’enfant est issu d’une assistance médicale à la procréation nécessitant l’intervention d’un tiers donneur, la condition d'accueil au foyer de l’adoptant prévue à l'alinéa précédent n’est pas exigée. » ;

10° L’article 345-1 est ainsi modifié :

a) Au premier alinéa, après le mot : « conjoint », sont insérés les mots : « , du partenaire d’un pacte civil de solidarité ou du concubin » ;

b) Le deuxième alinéa est complété par les mots : « , de ce partenaire d’un pacte civil de solidarité ou de ce concubin » ;

c) Au troisième alinéa, après le mot : « conjoint », sont insérés les mots : « , de ce partenaire d’un pacte civil de solidarité ou de ce concubin » ;

d) Au quatrième alinéa, après le mot : « conjoint », sont insérés les mots : « , le partenaire d’un pacte civil de solidarité ou le concubin » ;

e) Au cinquième alinéa, après le mot : « conjoint », sont insérés les mots : « , le partenaire d’un pacte civil de solidarité ou le concubin » ;

11° L’article 346 est ainsi modifié :

a) Le premier alinéa est complété par les mots : « , deux partenaires liés par un pacte civil de solidarité ou deux concubins » ;

b) Au second alinéa, après le mot : « conjoint », sont insérés les mots : « , partenaire d’un pacte civil de solidarité ou concubin » ;

12° L’article 353 est ainsi modifié :

a) Après le premier alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Lorsque l’enfant est issu d’une assistance médicale à la procréation nécessitant l’intervention d’un tiers donneur, le délai prévu à l’alinéa précédent est fixé à un mois. » ;

b) Au cinquième alinéa, après le mot : « conjoint », sont insérés les mots : « , partenaire d’un pacte civil de solidarité ou concubin » ;

13° Au premier alinéa de l’article 353-1, après le mot : « conjoint », sont insérés les mots : « , partenaire d’un pacte civil de solidarité ou concubin » ;

14° Le premier alinéa de l’article 353-2 est complété par les mots : « ou au conjoint, partenaire d’un pacte civil de solidarité ou concubin de l’adoptant » ;

15° Le second alinéa de l’article 356 est ainsi modifié :

a) La première phrase est ainsi modifiée :

- après la première occurrence du mot : « conjoint », sont insérés les mots : « , du partenaire d’un pacte civil de solidarité ou du concubin » ;

- après la seconde occurrence du mot : « conjoint », sont insérés les mots : « , partenaire d’un pacte civil de solidarité ou concubin » ;

b) La seconde phrase est complétée par les mots : « , partenaires liés par un pacte civil de solidarité ou concubins » ;

16° L’article 357 est ainsi modifié :

a) Le deuxième alinéa est ainsi modifié :

- après la première occurrence du mot : « conjoint », sont insérés les mots : « , du partenaire d’un pacte civil de solidarité ou du concubin » ;

- après le mot : « époux », sont insérés les mots : « partenaires liés par un pacte civil de solidarité ou concubins, » ;

- après la seconde occurrence du mot : « conjoint », sont insérés les mots : « , partenaire d’un pacte civil de solidarité ou concubin, » ;

b) Au quatrième alinéa, après le mot : « conjoint », sont insérés les mots : « , partenaire d’un pacte civil de solidarité ou concubin, » ;

17° Au troisième alinéa de l’article 360, après le mot : « conjoint », sont insérés les mots : « , partenaire d’un pacte civil de solidarité ou concubin » ;

18° Au premier alinéa de l’article 361, la référence : « 350 » est remplacée par la référence : « 349 » ;

19° L’article 363 est ainsi modifié :

a) À la première phrase du troisième alinéa, après les mots : « époux, », sont insérés les mots : « deux partenaires liés par un pacte civil de solidarité ou deux concubins, » ;

b) Le dernier alinéa est ainsi modifié :

- à la première phrase, après les mots : « conjoint, » sont insérés les mots : « du partenaire d’un pacte civil de solidarité ou du concubin, » ;

- à la deuxième phrase, après les mots : « époux, » sont insérés les mots : « deux partenaires liés par un pacte civil de solidarité ou deux concubins, » ;

20° Le premier alinéa de l’article 365 est ainsi modifié :

a) Après la première occurrence du mot : « conjoint », sont insérés les mots : « , le partenaire d’un pacte civil de solidarité ou le concubin » ;

b) Après la seconde occurrence du mot : « conjoint », sont insérés les mots : « son partenaire auquel il est lié par un pacte civil de solidarité ou son concubin, » ;

21° Au quatrième alinéa de l’article 366, après les deux occurrences du mot : « conjoint », sont insérés les mots : « , le partenaire d’un pacte civil de solidarité ou le concubin » ;

22° Le premier alinéa de l’article 370-3 est ainsi modifié :

a) À la première phrase, après le mot : « époux », sont insérés les mots : « deux partenaires liés par un pacte civil de solidarité ou deux concubins, » ;

b) À la deuxième phrase, après le mot : « époux », sont insérés les mots : « , partenaire d’un pacte civil de solidarité ou concubin » ;

II. – À l’article 847 bis du code général des impôts, la référence : « 311-20 » est remplacée par la référence : « 342-10 ».

III. – Le 8° du I de l’article 22 de la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice est abrogé.

Objet

L’article 4 du projet de loi tend à établir la filiation d’un enfant sur le fondement de la volonté à l’égard d’un couple de femmes ayant recours à une assistance médicale à la procréation (AMP) avec donneur.

Il insère ces dispositions au sein du titre VII du livre Ier du code civil, qui établit aujourd’hui la filiation sur le fondement de la vraisemblance biologique ou de la vérité en cas de contestation. Or, l’introduction d’un critère de volonté pure risque, à terme, de rendre le critère de la vraisemblance biologique caduque et de fragiliser tout le système français de filiation.

En conséquence, si l’AMP avec donneur devait être autorisée pour les couples de femmes à l’article 1er du projet de loi, la filiation de l’enfant qui en serait issu devrait nécessairement être établie, à l’égard de la mère d’intention, par la voie de l’adoption.

L’adoption étant une filiation élective, elle est nécessairement établie par jugement, afin de vérifier que ses conditions légales sont remplies et qu’elle est conforme à l’intérêt de l’enfant.

Il s’agit en effet de la seule possibilité de notre droit d’établir un lien de filiation par la seule volonté. Elle est régie par le titre VIII du livre Ier du code civil.

Afin d’atteindre cet objectif, le présent amendement a trois objets.

En premier lieu, il insère un nouvel article au sein de ce même titre VII du livre Ier du code civil pour interdire explicitement l’établissement de deux filiations maternelles ou paternelles à l’égard d’un même enfant.

En second lieu, l’amendement crée un nouveau titre VII bis au sein du livre Ier du code civil,  qui regrouperait les dispositions applicables à la filiation en cas de recours à une AMP avec donneur.

Rien ne serait modifié pour les couples de sexe différent, pour lesquels la filiation serait comme aujourd’hui établie par le jeu des dispositions du titre VII du même livre Ier du code civil.

Rien ne serait non plus modifié pour la femme qui accouche quelle que soit la nature de son couple. Sa filiation à l'égard de l'enfant issu de l'AMP, serait, comme aujourd’hui, établie par l’effet de la loi ou par la reconnaissance volontaire. Il en serait de même pour la femme non mariée qui a recours seule à une AMP.

En outre, pour sécuriser l’établissement de la filiation de l’enfant issu d’une AMP lorsque cette technique a été demandée par un couple de femmes, l’amendement prévoit que le consentement à une AMP avec donneur vaut, pour la mère qui accouche, consentement à l’adoption de l’enfant issu de l’AMP par l’autre membre du couple. Le second membre du couple s’engagerait à faire une demande d’adoption de l’enfant, sans quoi sa responsabilité pourrait être engagée, ainsi que l’adoption prononcée à la requête de la mère de l’enfant.

En troisième lieu, l’amendement modifie les conditions requises pour l’adoption – qu’elle soit demandée en la forme simple ou plénière –  afin de permettre l’adoption de l’enfant issu d’une AMP par la mère d’intention. L’article 1er du projet de loi propose en effet que tous les couples de femmes puissent recourir à une AMP quelle que soit leur situation conjugale.

L’amendement rend donc l’adoption possible pour les couples liés par un pacte civil de solidarité (PACS) ou en concubinage, alors qu’elle est aujourd’hui réservée aux époux. Il permet aussi, pour l’adoption individuelle, l’adoption de l’enfant du partenaire de PACS ou du concubin, sur le même modèle que l’adoption de l’enfant du conjoint. Dans cette situation, qui correspondrait à celle de la mère d’intention au sein d’un couple de femmes recourant à une AMP, l’adoptant bénéficie d’une procédure simplifiée : aucune condition d’âge ni agrément ne sont exigés.

À cet égard, l’amendement propose de simplifier encore davantage la procédure lorsque l’enfant est issu d’une AMP avec donneur. La condition d’accueil au foyer de l’adoptant de six mois ne serait pas exigée et le tribunal de grande instance aurait un mois pour rendre son jugement, contre six pour les autres procédures d’adoption.

Enfin, comme aujourd’hui, l’adoption produirait ses effets à compter du jour du dépôt de la requête en adoption.

Compte tenu du dispositif proposé et de la diligence de l’adoptant, la filiation adoptive pourrait ainsi être établie, lorsque l’enfant est issu d’une procédure d’AMP avec donneur, dans le mois suivant sa naissance.