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commission des lois

Proposition de loi

Protéger les jeunes mineurs des crimes sexuels

(1ère lecture)

(n° 158 )

N° COM-16

8 janvier 2021


 

AMENDEMENT

présenté par

Rejeté

Mme Valérie BOYER


ARTICLE ADDITIONNEL APRÈS ARTICLE 4


Après l'article 4

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après le quatrième alinéa de l’article 469 du code de procédure pénale, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« La première phrase du précédent alinéa n’est pas applicable si l’accusé est poursuivi au titre de l’article 222-23 du code pénal. »

Objet

Si le viol est légalement un crime qui doit être jugé par les cours d'assises, il fait pourtant de plus en plus souvent l'objet d'une correctionnalisation judiciaire c'est-à-dire que le parquet ou le juge d'instruction poursuit cette infraction sous une qualification délictuelle dans le but de porter l'affaire devant un tribunal correctionnel plutôt que devant une cour d'assises.[1]

En effet, depuis la loi du 9 mars 2004 portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité - dite « loi Perben II »[2] - le quatrième alinéa de l'article 469 du code de procédure pénale prévoit qu’une correctionnalisation judiciaire peut être décidée par la juridiction d'instruction si la victime est constituée partie civile et si elle est assistée d'un avocat lorsque ce renvoi a été ordonné.

« En pratique, le procureur ou le juge d’instruction qui propose une correctionnalisation à la victime invoque généralement la fragilité de la victime, des délais plus rapides d’audiencement devant le tribunal correctionnel, une présumée moins grande compréhension de certains viols par les jurés populaires (fellation, viol digital), et surtout, ce qui n’est pas dit, il est mû par l’impossibilité matérielle de faire juger par les cours d’assises la totalité des crimes. La correctionnalisation consiste alors à évincer une circonstance aggravante, omettre certains faits (ne pas évoquer une pénétration pour un viol) » selon l’avocate Carine Durrieu Diebolt[3].

Dans son avis sur le viol et les agressions sexuelles publié en 2016, le Haut Conseil à l'Égalité entre les Hommes et les Femmes constate : « le viol est un crime qui constitue la plus grave des violences sexuelles. Or, il fait trop souvent l'objet de disqualification en agression sexuelle constitutive d'un délit. Cette pratique judiciaire de correctionnalisation des viols est souvent justifiée pour des motifs d'opportunité afin que l'affaire soit jugée plus rapidement devant le tribunal correctionnel. De surcroît, raison moins avouable, elle permet de désengorger les Cours d'assises. Si la disqualification n'a pas pour but de nuire aux intérêts des victimes, qui peuvent d'ailleurs s'opposer au renvoi de l'affaire devant le tribunal correctionnel, elle minimise la gravité du viol et remet en cause le principe d'égalité devant la justice. Les témoignages de femmes fortement encouragées par leur avocat à accepter cette requalification sont nombreux. Selon que l'affaire est traitée au pénal ou en correctionnelle, les conséquences diffèrent significativement : délais de prescription, accompagnement de la victime, prise en compte par le tribunal de la parole de la victime, prise de conscience de la gravité de son acte par l'auteur, dommages et intérêts, pédagogie sociale…».[4]

Le désengorgement des tribunaux, notamment des cours d’assises ne doit pas se faire au détriment des victimes.  Le viol est un crime, il doit être jugé comme tel.

 


[1] Il est estimé que cela concernerait 80 % des affaires de viols

 

[2] Loi n° 2004-204 du 9 mars 2004 portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité

 

[3] https://www.village-justice.com/articles/correctionnalisation-viol-point-vue-avocat-victime-par-Carine-DURRIEU-DIEBOLT,24384.html

[4] Avis du Haut Conseil à l'Égalité entre les Hommes et les Femmes « Avis pour une juste condamnation sociétale et judicaire du violet autres agressions sexuelles» Avis n°2016-09-30-VIO-022 publié le 5 octobre 2016