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commission des lois

Projet de loi

Différenciation, décentralisation, déconcentration et simplification

(1ère lecture)

(n° 588 rect. , 719, 720, 721)

N° COM-1040

24 juin 2021


 

AMENDEMENT

présenté par

Adopté

Mme GATEL et M. DARNAUD, rapporteurs


ARTICLE 70


I. – Alinéas 4 et 5

Remplacer ces alinéas par cinq alinéas ainsi rédigés :

2° À l’avant-dernier alinéa, après le mot : « commerciale », sont insérés les mots : « , si elle la conduit à détenir au moins 10 % du capital de celle-ci, », et après le mot : « administration », sont insérés les mots : « ou de surveillance » ;

3° Après l’avant-dernier alinéa, sont insérés trois alinéas ainsi rédigés :

« Toute prise de participation d’une société d’économie mixte locale dans le capital d’une société civile, si elle la conduit à détenir au moins 10 % du capital de celle-ci,  fait préalablement l’objet d’un accord exprès de la ou des collectivités territoriales et de leurs groupements actionnaires qui détiennent plus de 30 % du capital de ladite société d’économie mixte locale.

« Toute prise de participation d’une société contrôlée par une société d’économie mixte locale, au sens de l’article L. 233-3 du code de commerce, dans le capital d’une autre société, si elle la conduit à détenir au moins 10 % du capital de celle-ci, fait préalablement l’objet d’un accord exprès de la ou des collectivités territoriales et de leurs groupements actionnaires disposant d’un siège au conseil d’administration ou de surveillance de ladite société d’économie mixte locale, en application du premier alinéa du présent article, ou, s’il s’agit d’une prise de participation dans le capital d’une société civile, de la ou des collectivités territoriales et de leurs groupements actionnaires qui détiennent plus de 30 % du capital de ladite société d’économie mixte locale.

« La constitution par une société d’économie mixte locale ou par une société qu'elle contrôle d’un groupement d’intérêt économique avec une ou plusieurs autres personnes fait préalablement l’objet d’un accord exprès de la ou des collectivités territoriales et de leurs groupements actionnaires disposant d’un siège au conseil d’administration ou de surveillance de la société d'économie mixte locale. »

II. – Après l'alinéa 5

Insérer un paragraphe ainsi rédigé :

... – Au 4° du VII de l'article L. 1862-3 du même code, les mots : « de l'avant-dernier » sont remplacés par les mots : « du quinzième ».

Objet

En l’état du droit, toute prise de participation d’une société d'économie mixte locale (ou d’une société publique locale) dans le capital d’une société commerciale doit faire préalablement l’objet d’un accord exprès de la ou des collectivités territoriales et de leurs groupements actionnaires disposant d’un siège au conseil d’administration. Aucune sanction spécifique n’est prévue ; néanmoins, la violation de cette obligation légale est constitutive d’une faute qui, si elle cause un dommage, peut engager la responsabilité civile des dirigeants de la société.

Cette obligation procédurale, qui s’applique à toute participation au capital, quel qu’en soit le montant, est d'une extrême lourdeur. Il faut rappeler, en effet, qu’en droit des sociétés, la décision de prendre une participation au capital d’une autre société relève des pouvoirs de gestion normaux des dirigeants, s’il s’agit seulement de placer les liquidités de la société, et relève également des pouvoirs des dirigeants, si une telle prise de participation entre dans l’objet social. À défaut, une décision de l’assemblée générale est requise pour modifier les statuts.

Le législateur aurait pu considérer que la place occupée par les représentants des collectivités et de leurs groupements dans les organes dirigeants des entreprises publiques locales, ainsi que l’approbation préalable de leurs assemblées délibérantes avant toute modification des statuts, suffisaient à garantir leur contrôle sur les prises de participations et filialisations.

Bien au contraire, l’article 70 du projet de loi, dans sa rédaction proposée par le Gouvernement, prévoit d’alourdir encore l’obligation procédurale consistant à obtenir l’accord préalable des assemblées délibérantes :

- en l’étendant aux prises de participation dans le capital de sociétés civiles (par exemple immobilières) ainsi qu’à la constitution de groupements d’intérêt économique ;

- en l’étendant aux participations indirectes, quel qu’en soit le degré et quelle que soit l’exposition financière de la SEM elle-même ;

- en requérant l’accord préalable de toutes les collectivités et groupements actionnaires ;

- en sanctionnant le défaut d’accord préalable par la nullité des prises de participation ou du groupement d’intérêt économique.

De telles dispositions risqueraient de gripper le fonctionnement des entreprises publiques locales. À titre d’exemple, les SEM dont l’objet social consiste à construire et gérer des logements sociaux sont souvent appelées à constituer rapidement des sociétés civiles immobilières de construction-vente à l’occasion d’appels d’offres, comme le font leurs concurrentes. Les délais exigés pour obtenir l’accord préalable de chacune des assemblées délibérantes des collectivités territoriales et groupements actionnaires sont susceptibles d’empêcher les sociétés concernées de se porter candidates.

Pis encore, ces dispositions sont de nature à entraver gravement l’activité d’un nombre indéterminé d’entreprises françaises et étrangères, qui auraient un lien capitalistique même très indirect avec une SEM ou une SPL. Il faudrait, par exemple, qu’une première société dont quelques actions sont détenues par une deuxième société, dont quelques actions sont détenues par une troisième  société, etc., dont quelques actions sont détenues par une SEM ou une SPL obtienne l’accord préalable des assemblées délibérantes des collectivités et groupements actionnaires de celle-ci avant de placer quelques liquidités sur les marchés d’actions...

Enfin, sanctionner le défaut d’accord préalable par la nullité des prises de participation serait inconsidéré.

Juridiquement, la prise de participation dans le capital d’une société est la conclusion avec celle-ci d’un contrat d’apport en numéraire, qui a également pour effet de rendre l’acquéreur partie au contrat de société (s’il ne l’était pas déjà). La nullité du contrat d’apport, et les restitutions qu’elle impliquerait, seraient susceptibles de nuire gravement aux intérêts de la société bénéficiaire et de ses associés. Elles pourraient même conduire cette société à la cessation des paiements, dans le cas où celle-ci ne disposerait plus des liquidités nécessaires pour rembourser l’apport.

En outre, cette nullité pourrait avoir des conséquences en chaîne sur la validité des actes accomplis postérieurement par la société bénéficiaire et ses organes. Ainsi, toute décision de l’assemblée générale irrégulièrement composée du fait de l'apport annulé (par exemple la nomination d’un dirigeant), et tout autre acte pris sur le fondement de celle-ci (par exemple un contrat conclu par le dirigeant au nom de la société) pourraient être remis en cause, à plus forte raison si l’entreprise publique locale, par sa prise de participation, était devenue majoritaire au capital de la société et avait acquis la majorité des droits de vote (voir Cass., com., 24 avril 1990, nos 88-17.218 et 88-18.004, Cointreau).

Dans le cas où l’apport en numéraire annulé aurait été consenti dans le cadre de la constitution d’une nouvelle société, cette société elle-même serait nulle.

Enfin, le régime de cette nullité et son articulation avec le régime général des nullités en droit des sociétés, défini par le code civil et le code de commerce, restent incertains. La rédaction proposée laisse penser qu’il s’agirait d’une nullité impérative, alors que le législateur préfère généralement laisser une marge d’appréciation au juge. On ignore, en revanche, si la nullité de la prise de participation pourrait être couverte par une délibération postérieure des assemblées délibérantes concernées, et quels seraient les titulaires et le délai de prescription de l’action en nullité.   

Afin de prémunir néanmoins les collectivités territoriales et leurs groupements comme les risques liés à une filialisation incontrôlée des entreprises publiques locales ou aux simples participations financières prises par celles-ci, il est proposé de rechercher un terrain d'entente avec le Gouvernement.

Tout en maintenant l’obligation de recueillir l’accord préalable des assemblées délibérantes des collectivités et groupements actionnaires disposant d’au moins un siège au conseil d’administration avant toute prise de participation, par une SEM ou une SPL, dans le capital d’une société commerciale, la présent amendement la limite aux prises de participation conduisant à la détention de plus 10 % du capital, conformément à la définition de la notion de participation en droit commercial. Cette obligation serait étendue à la constitution d’un groupement d’intérêt économique. En revanche, la nécessité de recueillir également l’accord préalable des collectivités et groupements disposant d’une part trop faible au capital pour être représentés au conseil d’administration présenterait plus d’inconvénients que d’avantages.

S’agissant des prises de participation dans le capital de sociétés civiles, l’accord préalable des collectivités et groupements actionnaires de la SEM ou de la SPL détenant plus de 30 % du capital serait requis, ici encore à la condition que la participation excède 10 % du capital.

S’agissant des participations indirectes, l'amendement subordonne à l’accord préalable des collectivités et groupements actionnaires d’une SEM ou d’une SPL et représentées au conseil d’administration toute prise de participation, dans le capital d’une autre société, par une société contrôlée par la SEM ou la SPL, au sens de l’article L. 233-3 du code de commerce. (Seul l'accord des collectivités et groupements détenant plus de 30 % du capital serait requis s'il s'agissait d'une participation dans le capital d'une société civile.) Il en irait de même de la constitution, par une société contrôlée, d’un groupement d’intérêt économique.

Il convient également de prendre en compte le cas des sociétés dualistes.

Enfin, l'amendement supprime la sanction de nullité.