Logo : Sénat français

commission des lois

Projet de loi

Différenciation, décentralisation, déconcentration et simplification

(1ère lecture)

(n° 588 rect. , 719, 720, 721)

N° COM-6 rect.

29 juin 2021


 

AMENDEMENT

présenté par

Rejeté

MM. LEFÈVRE, Daniel LAURENT et BURGOA, Mme BELRHITI, M. BOUCHET, Mmes GARRIAUD-MAYLAM et LASSARADE, MM. VOGEL et CHARON, Mme DEROMEDI, M. BONNE, Mme GOY-CHAVENT, M. MILON, Mme DEROCHE et MM. BASCHER, GENET, MANDELLI, PIEDNOIR et Bernard FOURNIER


ARTICLE 73


Supprimer cet article.

Objet

Cet amendement vise à écarter la nullité des délibérations adoptées par le conseil d'administration ou le conseil de surveillance et des assemblées générales des sociétés d'économie mixte locales au représentant de l’Etat dans le département, en l’absence de transmission au représentant de l’Etat.

 Sont déjà soumis au contrôle de légalité des préfectures, les actes relatifs à leur création, les contrats qu'elles concluent pour le compte d'une collectivité et les actes relevant de l'exercice de prérogatives de puissance publique. Les actes relevant de la vie courante des entreprises ne sont pas concernés par ce contrôle de légalité des préfectures, dans la mesure où il s'agit d'actes de droit privé pris par une personne morale de droit privé, qui deviennent exécutoires dès lors qu’ils sont adoptés par le conseil d’administration ou le conseil de surveillance. Ils n’en sont pas moins déjà tous soumis à une obligation de transmission au préfet avec possibilité pour ce dernier de saisir la chambre régionale des comptes.

La mise en place d’un dispositif de sanction supplémentaire inspiré par le droit administratif proche du contrôle de légalité qui soumettrait le caractère exécutoire de toutes les délibérations du conseil d’administration à leur transmission au représentant de l’Etat dans le département semble incompatible avec la vie des sociétés anonymes.

Ainsi, aux termes de l’article L. 225-55 du code de commerce : « Le directeur général est révocable à tout moment par le conseil d'administration ».

 A titre d’illustration, il n’apparaît pas possible pour une Epl de différer la nomination ou la révocation d’un directeur général pour assurer la continuité de sa gouvernance. Soumettre le caractère exécutoire de ce type de décision à leur réception par le préfet du département ralentirait considérablement les décisions de nomination et révocation du directeur général.

 Par ailleurs, l’effectivité de la nullité des décisions non-transmises par les Epl aux préfets de département supposerait nécessairement un visa des services de ce dernier susceptible d’être obtenu dans un délai de deux mois par voie implicite. Or, ce dispositif n’apparaît pas compatible avec la possibilité de révoquer à tout moment le directeur général prévue par le Code de commerce et applicable dans les sociétés anonymes.

 

Les décisions de révocation adoptées par les organes de gouvernance des Epl sont souvent motivées par la nécessité impérieuse de garantir la pérennité de l’entreprise. Le directeur général étant le représentant légal qui engage la société, notamment d’un point de vue financier, cette disposition ferait peser un risque important de non-continuité de son mandat et donc de paralysie de la vie de l’entreprise publique locale concernée.

 En outre, la vie des sociétés anonymes obéit à des délais stricts prévus par le Code de commerce. L’article R. 225-69 du code de commerce prévoit ainsi un délai d’au moins quinze jours sur première convocation et de six jours sur deuxième convocation entre la date de convocation et la date de l’Assemblée générale.

 Cet allongement des délais de convocation n’apparaît pas compatible avec la vie économique des sociétés anonymes soumises à une exigence de réactivité en cas de difficultés économiques (exemple d’une augmentation en capital).

 De nombreuses décisions qui nécessitent une adoption par un conseil d’administration, un conseil de surveillance ou une assemblée générale d’Epl sont susceptibles d’être ralenties par cette disposition : la décision d’emprunt (Exemple de la décision de faire appel au Prêt Garanti par l’Etat adoptée par les conseils d’administration, pour laquelle il n’est pas possible d’attendre deux mois dans l’hypothèse d’un délai implicite), les décisions de mise en activité partielle pour lesquelles une grande réactivité était nécessaire pour déposer des demandes après les décisions du conseil d’administration, l’agrément des cessions d’actions d’actionnaires par le conseil (où à compter de l’agrément par le conseil, le nouvel acquéreur devient immédiatement actionnaire), la décision de création de filiales ou de prises de participation par le conseil d’administration (en général dans le mois suivant la décision). Enfin, peuvent encore être relevées la passation des contrats décidés par le conseil d’administration qui sont en principe signés immédiatement après la réunion du conseil d’administration ou les décisions d’acquisition de foncier ou de vente.

 Cette proposition apparaît de manière plus générale en contradiction avec la liberté d’entreprendre en donnant aux préfectures un droit de regard sur les décisions stratégiques et de fonctionnement au quotidien arrêtées par des entreprises, au risque de ralentir fortement leur activité.

 L’article 73 du projet de loi pose enfin des difficultés d’articulation avec les dispositions de la loi n° 2018-670 du 30 juillet 2018 relative à la protection du secret des affaires qui transpose la directive (UE) 2016/943 du parlement européen et du conseil du 8 juin 2016 sur la protection des savoir-faire et des informations commerciales non divulguées. La transmission sous peine de nullité des délibérations du conseil d’administration aux organes délibérants risque en effet de porter atteinte au secret des affaires dont les exceptions sont strictement délimitées par les articles L. 151-7 à L. 151-9 du code de commerce.



NB :La présente rectification porte sur la liste des signataires.